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Le système financier américain est en faillite: 3.600 milliards de dollars de pertes !

par M. Saâdoune

3.600 milliards de dollars ! C'est le chiffre des pertes enregistrées par le système financier américain. Une situation de banqueroute générale à laquelle les politiques, enfermés dans la logique du système, peinent à répondre.

L'économiste américain Nouriel Roubini, celui-là même qui le premier, et bien avant les événements, avait annoncé la crise financière estime que le système financier américain est en état d'insolvabilité et qu'il devra probablement assumer une perte de l'ordre de 3.600 milliards de dollars, dont la moitié pour les seules banques. Les banques américaines dont la capitalisation est seulement de 1.400 milliards de dollars sont donc en état d'insolvabilité avérée. Le plan de sauvetage (TARP) décidé par le secrétaire au Trésor de l'administration précédente était de 700 milliards de dollars dont plus de la moitié ont été déjà dépensés sans effet sur la reprise du crédit, ni sur le retour de la confiance.

Il est clair que le sauvetage des banques et la nécessité de faire face à la crise, notamment au moyen du plan de relance de 900 milliards de dollars récemment promulgué par le président Obama, vont très fortement augmenter les besoins de financement du gouvernement américain. Ainsi, le déficit budgétaire pour l'année 2008 qui est de 455 milliards de dollars devrait dépasser mille cinq cents milliards de dollars en 2009 pour revenir à 1.000 milliards en 2010. Le ralentissement de l'activité économique mondiale et la baisse importante des prix des matières premières, notamment celui du pétrole, ont pour conséquence de réduire de manière significative les réserves des Banques centrales qui sont les acheteurs de bons du Trésor américain. On a vu ainsi pour la première fois le niveau des réserves à l'étranger de l'Arabie Saoudite baisser nettement en décembre 2008.

Les questions que se posent les économistes américains tiennent en compte le fait que la crise mondiale va amener beaucoup de pays, les Européens et certains Asiatiques, à multiplier les émissions de crédit, contribuant ainsi à tendre les conditions du marché de la dette souveraine. Dans cet environnement peu favorable aux Etats-emprunteurs, le recours à la planche à billets, c'est-à-dire à l'inflation, paraît quasi inévitable. Or compte tenu des déficits abyssaux, la création monétaire sans contrepartie risque de provoquer des déséquilibres durables de très haute intensité.

Ces perspectives peu enthousiastes sont nourries par les indicateurs globaux de production et d'échanges qui tendent tous à présenter des niveaux de dégradation de l'activité jamais atteints. Ainsi tant en Europe qu'aux Etats-Unis, l'immobilier et la construction automobile sont virtuellement dans le coma. Et la reprise n'est pas pour demain dans un contexte où la demande solvable est très faible du fait de la montée rapide et massive du chômage aggravée par le tarissement du crédit bancaire ainsi que les anticipations négatives des ménages qui ont tendance à économiser le plus possible.



Pire que la crise des années 30



Cette dégradation de la situation a été récemment exposée avec une franchise étonnante par le ministre de l'Education britannique, Ed Balls. Selon cet ancien économiste en chef du Trésor et proche allié du Premier ministre Gordon Brown, «la récession est l'une des plus graves depuis un siècle, plus grave que la dépression des années trente, et ses effets seront ressentis pendant une quinzaine d'années».

Récession durable et hyperinflation sont donc des probabilités à court terme auxquelles devront faire face des élites politiques qui ne peuvent concevoir les restructurations nécessaires tant ces dernières remettent en question l'ordre libéral auquel elles doivent leur pouvoir. Cette incapacité à prendre les mesures nécessaires pour la reconstruction d'une économie mondiale fonctionnelle et moins encline aux dérives spéculatives est le phénomène le plus inquiétant. Il est vrai que l'ampleur de la crise est telle qu'elle semble échapper à tout contrôle. La classe politique, de qualité médiocre, constituée par le capitalisme financier triomphant des années qui suivirent la chute de l'URSS, a-t-elle les moyens, ou même la volonté, de se retourner contre ses maîtres ? C'est à ce niveau que devra se régler une partie du problème de l'organisation économique, notamment en ce qui concerne la redistribution des richesses. Le désarroi des dirigeants occidentaux face à l'irrésistible spirale récessive laisse penser que les réponses viendront d'autres horizons politiques. Pour l'heure, les mesures d'urgence qui se suivent font figure de replâtrage d'un système touché dans ses fondations.