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La stratégie du «politicide» de l'Etat israélien

par Mohamed Ghriss

Après s'être auparavant acharnée sur les camps de réfugiés palestiniens, tuant ses habitants par dizaines et détruisant leurs foyers par centaines, l'armée israélienne se tourne à présent vers les habitants de Ghaza avec, pour objectif, la poursuite du carnage entrant dans le cadre d'une stratégie bien définie : le «politicide» du peuple palestinien, son anéantissement en tant qu'entité politique, pour le réduire à un pseudo «Etat», cloisonné au-delà d'un mur isolateur, et coupé en quatre morceaux privés de toute viabilité.

Tel se présente, d'une façon globale, la stratégie guerrière de Tsahal, entreprise initialement par le général Sharon et relancée par ses successeurs, absolument tous hantés, selon Baruch Kimmerling (1), par la question de la rapide croissance démographique de la population arabe des territoires occupés, ajoutée aux citoyens arabes d'Israël : celle-ci tendrait irrémédiablement à la transformation de l'Etat juif en une entité binationale, quel que soit le statut de la population annexée, privée ou pas de droits citoyens. Car, malgré les flux d'immigration intense de juifs et non juifs qui viennent s'y établir, en provenance principalement de l'ex-Union soviétique, les perspectives d'équilibre démographique ne plaident guère en faveur des Israéliens : ainsi ces projections démographiques prévoyant que, «en 2020, 15,1 millions de personnes vivront sur cette terre, dont une minorité de 6,5 millions de juifs» (2). D'où l'angoisse existentielle qui taraude les politiciens de l'Etat hébreu : comment faire face à cette propension contradictoire alimentée par le fiévreux désir expansionniste qui les poussent à des stratégies d'expansion totale ou d'annexions parcellaires, suivant l'idéologie mythique du «Grand Israël» entretenue par le sionisme messianique, ou la vision politicienne de l'aile sioniste travailliste, et qui, au fur et à mesure de l'extension de ces terres, la préservation d'une majorité juive massive dans ces territoires y devient chose pratiquement impossible. La raison pour laquelle, une grande partie de l'électorat sioniste des deux tendances avait penché du côté du machiavélique général Sharon, qui entendait en finir avec la seconde Intifadha et tous les plans de paix avec sa «solution appropriée»: une «solution» du problème palestinien passant par le «politicide», un concept datant de la guerre de 1948, nous dit le sociologue israélien Baruch Kimmerling, qui note en termes précis: «Il s'agit d'une stratégie politico-militaire, diplomatique et psychologique ayant pour but la dissolution du peuple palestinien comme entité économique, sociale et politique légitime et indépendante», poursuivant, «Cela peut inclure - mais pas nécessairement - leur nettoyage ethnique progressif, partiel ou complet, du territoire connu sous le nom de terre d'Israël ou de Palestine historique;»(3).

Des partisans du «camp de la paix», s'opposèrent à cette politique de la terre brûlée, proposant l'alternative de la restitution des territoires dans le cadre de solutions négociées et ce qu'elles offraient comme possibilités de préservation de l'unité spatiale démographique, mais l'assassinat par les ultras de Itzhak Rabin qui prôna cette option d'issue vers la fin de sa vie fit capoter cette approche, pourtant officialisée à d'Oslo devant l'opinion publique internationale. Mais les faucons du gouvernement conduit par le militariste Sharon ne l'entendaient nullement de cette oreille, exploitant souvent pauses et trêves pour rebondir à nouveau, avec l'option «politicide» en tête de pont. B. Kimmerling date la première étape du politicide le 29 mars 2002, baptisée opération «Remparts» s'assignant pour objectif le démembrement de toute forces organisées palestiniennes, en sapant notamment les structures de bases principales et infrastructures des divers services publics du régime du défunt Yasser Arafat. Parallèlement, les incursions répétées dans les villes et villages et les camps de réfugiés palestiniens, de même que les exécutions extra-judiciaires de militaires et la liquidation ciblée de dirigeants politiques toutes tendances confondues, tendaient à démontrer la force de Tsahal et sa capacité à intervenir partout, à n'importe quel moment en vue de dissuader toute action de résistance palestinienne. La propagande psychologique y étant de la partie, insistant sur l'isolement de la cause palestinienne sur la scène mondiale, Etats arabes et communauté internationale se montrant peu pressés à leur venir en aide, tandis que les plus grandes puissances, l'administration Bush en tête, couvrent de leur parapluie, jusque dans l'enceinte de l'ONU, toutes les initiatives d'Israël.



Ainsi, après avoir entrepris la dislocation de toute résistance palestinienne organisée et destruction concomitante des foyers et camps de regroupements familiaux palestiniens, sous le prétexte fallacieux des inévitables dommages collatéraux, le maître d'exécution Sharon en est venu à la phase politique de son plan de désengagement, approuvé par un consensus gouvernemental et encouragé par sa popularité accrue au sein des juifs israéliens. Baruch Kimmerling : «Le vieux général est pragmatique. Il sait que les normes internationales ne lui permettront de faire accepter ni un nettoyage ethnique à grande échelle ni la transformation de la Jordanie en Etat palestinien, son approche initiale. C'est pourquoi il a engagé la construction du mur et, plus récemment, annoncé le démantèlement de toutes les colonies juives de la bande de Gaza ainsi que de quatre petites autres, isolées, de Cisjordanie. En échange de ce retrait de 7.500 colons de la bande de Gaza, il a demandé au président Georges W.Bush - et au Likoud - son appui pour le maintien des principales colonies de Cisjordanie, qui en compte environ 95.000 - plus Jérusalem-Est».



Et en conséquence de l'application des intentions machiavéliques de l'ex-Premier ministre israélien dont il n'a jamais fait mystère, la feuille de route du quartette tendrait, toujours selon B. Kimmerling, à «lui permettre de créer en Cisjordanie un secteur contigu, séparé d'Israël et des colonies juives par le mur en construction», de la sorte, poursuit le sociologue, «L'«Etat palestinien» comprendrait quatre ou cinq enclaves autour des villes de Gaza, Jénine, Naplouse et Hébron. Et le plan destiné à relier celles-ci par des tunnels et des ponts - afin que les Palestiniens ne passent pas par les check- points -implique une forte présence israélienne dans la plupart des autres secteurs de Cisjordanie. A l'instar de la bande de Gaza, où Israël, après son désengagement, continuerait à contrôler les frontières terrestres et maritimes ainsi que l'espace aérien», Baruch Kimmerling tirant sa conclusion : «Par comparaison, les bantoustans font figure de symboles de la liberté, de la souveraineté et de l'autodétermination !» (4).

Ainsi, comme le clarifie Baruch Kimmerling qui compte parmi les rares démocrates authentiques israéliens à prôner la co-existence pacifiste de deux Etats souverains limitrophes, toutes ces mesures, le vieux général les avait conçues avant sa plongée dans le coma, dans le but d'anéantir les Palestiniens, écraser leur résistance, les isoler et les soumettre aux dictats israéliens. Et, à terme, les inciter à quitter massivement la Palestine. Les successeurs du militariste ne l'ont pas moins été, avec l'accélération de la construction du mur délimitant une zone palestinienne refoulée, croupion, alors que nombre d'accords intervenus à Oslo, Genève, Madrid, Taba, Annapolis, etc. présentaient, pourtant, des alternatives concrètes ouvrant la voie vers la paix et que les médias internationaux ont un moment caressé l'espoir de cette «paix des braves» évoquée, ou de «la terre en contrepartie de la paix», muée en «la paix en contrepartie de la sécurité», pour finalement se réduire en, ce que le journaliste Marwan Bishara qualifie de «paix des puissants et des imprudents» ! Pratiquement tous les accords de transition signés par les Palestiniens, bien qu'internationalement célébrés, ont tous entraîné une réduction de leur territoire et de leur liberté. Cet équilibre précaire sert naturellement de poudre aux yeux devant l'opinion publique internationale, savamment «maintenue en laisse» par la propagande sioniste de l'assimilation de toute critique d'Israël à de l'antisémitisme tout court, et ce, d'autant plus que l'Etat hébreu est fréquemment présenté comme la base d'avant-garde de l'Occident face aux résistants palestiniens assimilés à des terroristes. Ce qui n'a que davantage favorisé le silence international devant la recrudescence des violences récurrentes entre occupant et occupé, la propagande sioniste faisant la part belle à l'horreur des victimes civiles israéliennes conséquemment aux attentats kamikazes palestiniens, mais taisant leur réplique pour se défendre contre les fréquents raids de l'aviation israélienne et incessantes incursions de patrouilles causant des hécatombes de morts parmi la population civile palestinienne, jusqu'aux bébés calcinés dans leurs berceaux. La violence quelle qu'elle soit et d'où qu'elle soit est condamnable et il n'y a que l'alternative de la négociation de la paix raisonnable pour éloigner ses démons qui planent continuellement sur les deux peuples palestino-israélien, tant que les faucons persistent à substituer à la logique de la paix la logique de guerre destructrice et ravageuse, avec son effet boomerang imprévisible. Le refus d'application des accords de toutes occasions de paix est ce qui entretient cette violence persistante au Moyen-Orient, et c'est ce qui a entraîné, aussi, cette insécurité intranationale à la fois du côté hégémonique, Israël, et du côté du plus faible, les Palestiniens. Le refus des possibilités offertes de paix ne sont pas, dès lors, sans dissimuler de sournois desseins, avec le flanc prêté à la culture extrémiste de la violence pour dégager le terrain, favorisant de plus en plus les implantations de colons, au mépris des recommandations pacifistes internationales parafées, quitte à armer les civils conquérants et appuyer les expropriations de terres et évacuations de leurs propriétaires légitimes.

Une donnée à méditer dont fait part le journaliste Marwan Bishara : «C'est le massacre du 25 février 1994 à Hébron, au cours duquel le colon extrémiste Baruch Goldstein tua vingt-neuf Palestiniens et en blessa cent vingt-neuf, qui poussa le Hamas à commettre de nombreux attentats suicides, déstabilisant l'autorité de Yasser Arafat comme celle d'Itzhak Rabin», ajoutant «(...) Dans leur livre Lords of the Lands (5) démontrent le lien entre actions israéliennes et réactions palestiniennes. Contrairement à l'idée reçue, la plupart des attentats suicides ripostaient en effet à des assassinats commis par l'armée, souvent dans des périodes où les Palestiniens semblaient baisser les bras ou bien respectaient une retenue qu'ils s'étaient eux-mêmes imposée. Par exemple, le 31 juillet 2001, c'est l'exécution de deux dirigeants de Hamas de Naplouse qui met fin à un cessez-le feu décrété par le mouvement près de deux mois auparavant et conduit au terrible attentat du 9 août contre une pizzeria de Jérusalem (quinze morts). De même, le 23 juillet 2002, un bombardement sur un quartier surpeuplé de Gaza tue un leader du Hamas, Salah Shéhadé, et avec quinze civils dont onze enfants, et ce, quelques heures avant une trêve unilatérale annoncée. Suit un attentat suicide, le 4 août. Enfin, le 10 juin 2003, un des principaux responsables du Hamas, M. Abdelaziz Al-Rantissi est blessé lors d'une tentative d'assassinat qui coûte la vie à quatre civils palestiniens, et entraîne l'attentat contre un bus de Jérusalem, lequel fit seize morts (Al-Rantissi sera finalement tué en Avril 2004)»(6).



Ces attentats ciblant les chefs du Hamas finissant également par assassiner leur leader, le vieillard paralytique, le Cheikh Yassine. Ce qui entraîne aussitôt des répliques et la spirale de la violence n'est prête d'en finir, avec son entretien voulu par les bellicistes qui refusent tout accord de paix ou observation durable d'une trêve, au laps de répit exploité souvent pour mieux préparer les harcèlements incessants de l'occupant et sa politique jusqu'au-boutiste visant à briser totalement la volonté des résistants palestiniens. La stratégie des faucons israéliens est claire : frapper en catimini, susciter les répliques et les alimenter en répandant mondialement leurs images et échos et, parallèlement, passer ouvertement à l'attaque et déblayer le terrain en laissant croire à l'opinion internationale à la légitime défense. Hamas étant présenté comme l'épouvantail terroriste à éradiquer par tous les moyens, et qui, en dépit de la déclaration de ce dernier en faveur d'un Etat palestinien dans les frontières de juin 1967, sert surtout de prétexte pour poursuivre la stratégie du «politicide». C'est que les stratèges sionistes ont de tout temps veillé à présenter l'adversaire en face comme une «entité terroriste extrémiste» à exterminer, et exposée comme telle devant les médias occidentaux appuyés par le puissant lobby sioniste international, enveloppant de mensonges la réalité d'une formation de résistants palestiniens aux chefs élus au suffrage universel par leur peuple, et n'ayant absolument rien à voir avec le terrorisme apatride d'El-Qaida ou autre sanguinaire que la religion musulmane et les patriotes luttant pour leur libération territoriale condamnent sans équivoque aucune. Qu'à cela ne tienne, les faucons sionistes avancent toujours cette étiquette terroriste pour poursuivre, périodiquement, leur politique de la terre brûlée, les manifestations d'actes extrémistes désespérés n'étant pas sans favoriser et les conforter dans leurs thèses éradicatrices devant l'opinion internationale. Car, l'extrémisme, mieux que toute autre attitude modérée sert de prétexte aux stratèges israéliens pour pérenniser leur sale besogne. L'ancien général israélien Matly Peled n'avait-il pas déclaré un jour : «Cela n'a rien que de très naturel pour le gouvernement israélien, qui redoute une OLP modérée, alors qu'une OLP radicale et intransigeante est une bénédiction» (7). Comment dès lors s'étonner, observent les milieux avertis, que durant les années écoulées, Israël, aussi bien que les Etats-Unis, recourent sans vergogne à la manipulation et à l'utilisation de l'Islamisme extrémiste et son développement afin d'endiguer l'expansionnisme soviétique, d'une part, et affaiblir la résistance palestinienne, d'autre part ? Faut-il rappeler au passage, que nombre des «djihadistes» mobilisés par la CIA en Afghanistan contre «l'impie» armée rouge communiste, et qui, aux lendemains de la chute de l'empire soviétique, s'en sont retournés bredouilles dans leurs pays, renforçant les maquis terroristes et causant des ravages, tout particulièrement en Algérie ? Autrement dit, l'option démocratique authentique ou modérée dans toute contrée arabe ou musulmane n'arrange pas les affaires de tous les prédateurs qui se cachent derrière de nobles idéaux, préférant s'accommoder des monarchies féodales et gouvernances impopulaires.



Ces régimes qui généralement ne bougent pas le petit doigt face à la poursuite implacable de la stratégie du «politicide» israélien tendant, dans la nouvelle configuration géopolitique en train de se dessiner, à imposer par les raids des obus n'épargnant même pas les écoles -refuges onusiens -, la solution finale. Avec, bien entendu, la bénédiction de l'administration US de «Busherie and Co» approuvant la poursuite de cette hypothèse éradicatrice de base, vu qu'elle considère, sans jamais l'ébruiter, que la solution de «deux Etats» n'est pas possible, comme vient de le déclarer tout récemment son ancien fonctionnaire et ambassadeur John Bolton..

Ainsi, ce cercle vicieux de la violence savamment entretenu par les stratèges sionistes, faisant fi de toute éventualité de paix traduit, on ne peut plus, la volonté irascible de l'Etat israélien de pousser le peuple palestinien jusque dans ces dangereux retranchements et dissuader ainsi, la majorité à débarrasser les lieux, de force ou de gré (propositions d'achats dérisoires des terres et expropriations). D'une certaine manière, c'est l'autre exode d'un peuple, qui est poussé à reprendre, à un autre niveau de l'histoire, et à une autre échelle géographique, après celui des juifs d'Europe lors de la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire l'autre génocide programmé dans le temps du peuple palestinien dont se rendent responsables ceux qui devaient pourtant retenir la leçon de compassion et de respect de la vie humaine, répercutant dans les mémoires le «plus jamais ça» des massacres massifs qu'ils font subir aujourd'hui à un autre peuple martyr. Et le plus grave, avec le silence complice de beaucoup de nations, soi-disant civilisées de l'Occident, ou plutôt de ses leaders, institutions et personnalités notoires, passibles, demain, dans le cadre d'une ONU inévitablement réformée, d'être cités au banc des accusés pour non-assistance à peuple en danger d'extermination ! Cependant, il y a le fait que beaucoup de pays occidentaux, d'organisations internationales et d'éminentes personnalités mondialement connues, entre autres, qui hésitent souvent à élever leurs voix en signe de protestations, par crainte surtout d'être taxés d'antisémitisme, les Israéliens et le puissant lobby sioniste international menaçant, à chaque fois, de vilipender et priver de tous privilèges quiconque s'aviserait de critiquer la politique de l'Etat hébreu. Tony Judt, spécialiste de l'histoire européenne, professeur à l'université de New York, abordant cette propension cultivée sournoisement par Israël :

«Aujourd'hui, lorsque le pays s'attire des critiques internationales en raison des mauvais traitements qu'il inflige aux Palestiniens et de son occupation des territoires conquis en 1967, ses défenseurs préfèrent mettre en avant la mémoire de la shoah. Si vous critiquez Israël trop vigoureusement, vous mettent-ils en garde, vous allez réveiller les démons de l'antisémitisme. En fait, insinuent-ils, les critiques trop vives ne font pas que réveiller l'antisémitisme. Elles relèvent de l'antisémitisme. Et, avec l'antisémitisme, la voie est ouverte -en avant ou en arrière - vers 1938, la Kristallnacht (Nuit de cristal), et, de là, Trebnilka et Auchwitz... Je comprends les émotions qui motivent de telles affirmations. Mais celles-ci sont extraordinairement dangereuses en soi. Lorsque certains nous reprochent, à moi et à d'autres, de critiquer Israël trop violemment, craignant que nous fassions ressurgir le spectre des préjugés raciaux, je leur réponds qu'ils ont complètement inversé le problème. C'est précisément ce tabou qui risque d'attiser l'antisémitisme. Depuis plusieurs années déjà, je donne des conférences dans des collèges et des lycées, aux Etats-Unis et ailleurs, sur l'histoire de l'Europe d'après-guerre et la mémoire de la shoah. (...) Mais j'ai été frappé dernièrement par la récurrence de questions nouvelles : (...) «Pourquoi est-il interdit dans certains pays de nier l'existence de la Shoah, mais pas celle d'autres génocides ?» ; «N'exagère-t-on pas la menace de l'antisémitisme ?» ; et, de plus en plus, «Le génocide nazi ne sert-il pas d'excuse à Israël ?». Je n'ai pas souvenir d'avoir entendu ces questions dans le passé»(8).



Et, en effet, tirer les leçons universelles du crime hitlérien c'est d'abord s'efforcer de mieux comprendre les facteurs du basculement dans la sauvagerie : «plus jamais ça», répète-t-on depuis l'horreur nazie, mais la planète a-t-elle pour autant cessé d'être ensanglantée par les génocides du Cambodge, Rwanda et les massacres de Bosnie, Tchétchénie, Darfour ? Et que dire des massacres continuellement perpétrés contre le peuple palestinien et maintenus comme tels, jusqu'à la réduction finale de sa capacité de reproduction, et parvenir finalement à l'annulation de l'inquiétante démographie galopante ? Si ce dessein voilé de la politique éradicatrice de l'Etat sioniste ne relève pas de la «solution finale» pure et simple, à quoi tendrait-il alors avec le rejet systématique des accords de paix et le recours aux bombardements intensifs à chaque nouvelle étape programmée du processus expansionniste ? A parvenir dans le futur à deux Etats limitrophes, Israël, puissant avec une population aisée sur de larges espaces dégagés, d'un côté, et de l'autre un Etat palestinien croupion, à l'ombre du mur, à population fortement réduite et à moitié handicapée, traînant les séquelles des guerres, ses élites et forces vives chassées ailleurs, errant parmi la diaspora ? Il y a trois mots pour qualifier spécialement ces actes ignobles : Crime Contre l'Humanité !



Israël continuera à tromper l'opinion publique internationale jusqu'à un certain temps, mais ne pourra pas le faire tout le temps, pour paraphraser Jefferson. La stratégie propagandiste de l'Etat hébreu s'est surtout répandue dans une large mesure, après l'attentat terroriste du World Trade Center, réussissant à faire accréditer la thèse de l'amalgame aberrant : musulman = terroriste = Palestinien ! Et ce, il faut le dire, en l'absence d'une stratégie médiatique offensive des pays arabo-musulmans injustement incriminés, mais qui, malheureusement, se contentent souvent de se plaindre publiquement sans rien entreprendre comme réactions appropriées et solidaires dans ce contexte, la majorité de leurs régimes ayant fort à faire avec leurs peuples muselés et leurs élites écartées ! Ce grave amalgame qui s'est hélas étendu en Occident, et avec la multiplication des murs d'incompréhension et d'incommunicabilité, du mépris et du rejet, il fait, par conséquent, exactement le jeu des extrémistes, comme l'entrevoyait l'historien Tony Judt, ces derniers récupérant ainsi, idéologiquement, tous ceux qui en ont ras le bol d'être continuellement traités de terroristes. Fort heureusement, la majorité des musulmans savent raison garder, en pareilles circonstances, et les démocrates de ces contrées, trop souvent non écoutés par cet Occident calculateur, ont été, tôt, parmi les premiers à avertir de ce danger d'amalgame entretenu par la propagande sioniste, surtout.

Qu'il soit bien clair dans les consciences : les Arabes et Musulmans, en général, - à l'exception de la minorité des extrémistes fanatiques religieux d'un autre âge qui ne représentent qu'eux-mêmes tout comme d'ailleurs les groupuscules néo-fascistes d'extrémisme de droite et autres sectes d'illuminés en Occident, - n'ont rien contre les juifs pacifistes, ils en ont contre le sionisme expansionniste colonial qui opprime leurs frères Palestiniens et nie chaque jour que le bon Dieu fait leurs légitimes droits historiques. Et pour rappel, ces derniers sont aussi des Sémites, on l'oublie trop souvent. Dès lors, porter atteinte à leurs droits ou témoigner d'une indifférence hypocrite vis-à-vis des exactions perpétuelles, des massacre périodiques qu'ils subissent, via bombardements groupés «air-mer-terre», suivies d'incursions de chars et hordes militaires ne faisant pas de quartier parmi la population civile, n'est-ce pas là, également, du point de vue de l'Ethique faire preuve d'antisémitisme ? Répondre par la négative à la question signifierait alors que telles peuplades sont déconsidérées par rapport à d'autres peuplades, et par conséquent, cette vision binaire des choses risque aisément de tomber dans le piège du racisme. Le droit et la démocratie doivent prévaloir sur la bêtise humaine et la sagesse subtile sur la ruse méphistophélique. Et, en vue de parer aux innombrables équivoques et amalgames, il urge pour les bonnes volontés pacifistes à travers le monde d'organiser un colloque international sur ce concept d'antisémitisme, et les volets traitant du dangereux amalgame terrorisme-islamisme, et la considération minutieuse de la question israélo-palestinienne dans ce contexte. Nul doute, que cela permettrait de clarifier bien des concepts et aberrations telles que l'étiquette sournoise de terrorisme collée au dos des combattants palestiniens qui luttent pour leur idéal patriotique, et qui sont sans commune mesure avec la nébuleuse des terroristes d'El-Qaida et leurs affidés d'un autre âge. Le grand écrivain algérien Yasmina Khadra a eu le mérite d'ailleurs, d'éclairer bien des lanternes à travers son remarquable roman L'Attentat, (pressenti pour un film à Hollywood), sur le gouffre qui sépare un combattant patriote d'un terroriste ou extrémiste fanatisé. Les autorités israéliennes ne l'entendent nullement de cette oreille, bien entendu, persistant à qualifier de terroristes les résistants palestiniens répliquant aux forces d'occupation et d'exactions par les tirs de roquettes. Et, à leur tour, les civils palestiniens bombardés et pourchassés à chaque fois, le leur rendent bien en désignant à la face du monde le terrorisme d'Etat de la nature de l'entité sioniste. Comme quoi la spirale de la violence encercle tout le monde, et il y a lieu de hâter, dans les faits et sans détours hypocrites, ni silence complice de la communauté mondiale. Et il faut rendre hommage à toutes ces personnalités honorables à travers le monde y compris en Israël même, qui oeuvrent pour la paix et dénoncent tous les obstacles qui l'entravent et qui rappellent, à bien des égards, les amis juifs français d'hier de l'Algérie combattante, la soutenant dans son légitime combat de libération nationale, tels les Henri Alleg, Jean-Paul Sartre et les autres sympathisants français de l'historique manifeste des 121 intellectuels pacifistes, solidaires de la juste cause d'un peuple et se désolidarisant avec leurs gouvernement expansionniste, colonial et négateur de la valeur et dignité humaine. Pour rappel, à l'occasion des accords d'Oslo, qui ont fondé bien des espoirs, les téléspectateurs du monde entier ont pu voir sur les chaînes-tv françaises des intellectuels palestiniens et israéliens réunis sur un même plateau et discuter en s'apostrophant «cousins». Et au cours du passionnant débat qui s'ensuivit, une admirable jeune dame israélienne a prononcé à l'adresse des dirigeants israélo-palestiniens, ces inoubliables propos qui honorent son statut d'intellectuelle libre : «Cessez votre jeu de la guerre, ce ne sont pas les murs de la synagogue, ni ceux de l'église, ni ceux de la mosquée, qui sont sacrés, mais c'est la vie qui est sacrée !». L'émission fut close par la magnifique chanson pleine d'émouvantes images et d'espoir, du célèbre artiste hors catégorie Salvadore Adamo interprétant: «Inchallah» !....



Malheureusement, quelque temps plus tard, les accords sont enfreints par les adultes passionnés de guerre et de combat qui ont repris leur jeu macabre favori, au grand désespoir des partisans de la paix au Moyen-Orient. Une paix que, si la communauté mondiale ne décide pas dès à présent de bouger pour en permettre l'aboutissement, risquerait de déborder à l'avenir, par le jeu des alliances, et forces machiavéliques sournoises, de dégénérer et frapper un peu partout avec des armes prohibées, susceptibles de porter le danger potentiel au coeur de l'Europe, de l'Amérique, et partant, d'instaurer l'insécurité chronique partout dans le monde. Ces propos alarmistes le sont dans le but évident pour que la communauté internationale soit avertie des risques potentiels qui guettent derrière chaque guerre, chaque conflit, chaque crise, etc., à l'heure de la mondialisation multisectorielle, où tout retentit sur tout, où chaque soir la planète entre à domicile par le biais du petit écran : agir, et il faut réagir, car demain il sera trop tard ! Nous sommes, comme le spécifie l'éminent sociologue «à l'âge des foules» qui peuvent peser par l'impact planétaire de leurs voix pacifistes en faveur des libertés et droits des personnes et des peuples sur les décisions des grandes puissances. L'appel pour l'idéal de la paix à l'opinion publique internationale ne l'est pas seulement pour la témoigner uniquement au peuple palestinien, aujourd'hui, cela pourrait concerner à l'avenir d'autres peuples et les enfants des familles de toute l'Humanité réparties à travers le globe : jamais l'appel à la paix ne présente de caractère sournois et trompeur de l'opinion mondiale comme l'a été le mensonge des «armes de destruction massive» ayant servi de prétexte pour l'armée Us à envahir l'Irak et la réduire à l'âge de pierre au lieu de la démocratisation attendue. La logique des bottes et raids des faucons ensevelissant des enfants doit le céder à celle de la raison des politologues pragmatiques tissant les espoirs de la coexistence pacifiste. Aussi, il importe de réagir vite !



Gageons que d'ici peu, la raison aura prévalu, ramenant le cessez-le-feu au point le plus chaud de la planète, et la paix pourrait, peut-être, commencer à faire de timides pas à la grande satisfaction des peuples épris de liberté, considérant les avantages de ses répercussions bénéfiques dans tous les alentours. Cela ne tient nullement d'un grand miracle quoique récemment il y en a eu un qui s'est réalisé aux Etats-Unis d'Amérique avec l'élection d'un Noir à la Maison-Blanche, concrétisant le rêve du pasteur pacifiste Martin Luther King. Pourquoi pas alors le miracle de la paix au Moyen-Orient au grand bonheur du futur des enfants de Palestine et d'Israël, plutôt que leur léguer l'héritage de la haine, du déchirement et de la guerre permanente ? C'est là le voeu de tout pacifiste, ou libre penseur, à travers le globe, aspirant sincèrement à voir les enfants du nouveau monde loin du spectre des animosités, des discordes et des conflits ravageurs. C'est bien plus rentable pour la région et le monde que toutes les stratégies réunies du grand GMO, du Grand Israël, ou des grands Khaliffa théocratiques et tous ces rêves en grand et qui finissent généralement si petits, au détour de l'histoire et son implacable verdict. De tout temps, et la symbolique des textes spirituels et celle de tous les mythes des peuples de l'humanité le répercute largement, l'oppression orgueilleuse de la puissance tyrannique a payé un lourd tribut parce qu'ayant persisté par son aveugle vanité à ignorer la voix salvatrice de la sagesse (ce que la loi Mosaïque désigne par, symboliquement parlant, l'adoration du veau d'or et le détournement de la voix de l'esprit). Puisse alors les principaux concernés faire preuve de lucidité devant les yeux de leurs enfants qui les regardent de part et d'autre du mur et de tous les murs de l'incommunicabilité de la bêtise humaine.

Post-Scriptum : «La question palestinienne relève d'un problème d'ordre colonial en suspens depuis 1948, engageant la responsabilité des grandes puissances mondiales, et, aussi l'honnêteté intellectuelle de tous les libres penseurs et la conscience de tous les pacifistes de la planète se déclarant résolument contre les baïonnettes d'un «wild world» et pour un cessez-le-feu sans conditions: «Peace for all !».

 


Notes :

1) Sociologue israélien, auteur de Politicide, Les guerres d'Ariel Sharon contre les Palestiniens, Agnès Vienot Editions, Paris 2003.

(2) Baruch Kimmerling, article : Du «politicide» des Palestiniens..., Le Monde diplomatique de juin 2004, pp 16-17, consultables dans les archives de la publication sur son site Internet http/www.monde-diplomatique. fr.

(3) (4) Idem.

(5) Idith Zertal et Akiva Eldar, Lords of the Land : The war for Israel's Settlements in the Occupied Territories, 1967-2007, Nation Books, New York, 2007;

(6) Marwan Bishara, article : Le Proche-Orient remodelé, dans Le Monde diplomatique de novembre 2007, Marwan Bishara, est l'auteur de Palestine-Israël : la paix ou l'apartheid, La Découverte, Paris, 2002.

(7) Ilan Halévi, Israël, de la terreur au massacre d'Etat, Editions Papyrus,p.79, Paris 1982.

(8) Tony Judt, article : Trop de Shoah tue la Shoah, Le Monde diplomatique de juin 2008.