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Ghaza : l'ébranlement des dernières certitudes

par Amara Khaldi

Dès qu'il s'agit d'Israël, le seul Etat au monde au-dessus des lois humaines, toute une faune d'intellectuels scandaleusement sectaires tombe en transe. Une hystérie collective s'empare des plateaux de tv des médias occidentaux d'où transparaissent, au moindre prétexte, les relents les plus abjects du racisme anti-Arabe et antimusulman.

Sous les oripeaux de philosophes et autres penseurs, les marionnettes assignées au dénigrement systématique et aux analyses tendancieuses sont aiguillonnées pour débiter les aberrations les plus invraisemblables afin d'inhiber toute volonté de jugement critique. L'objectif est de diaboliser au maximum l'adversaire et relativiser à leur plus simple expression les actions criminelles de leur mentor. Les laboratoires spécialisés dans la distorsion de l'information turbinent à plein rendement dans les campagnes de marketing pour peaufiner jusqu'à la persuasion l'image idyllique de l'enfant gâté qu'est Israël.

Ils arrivent curieusement à faire avaler n'importe quelle couleuvre à une opinion publique conditionnée à être très réceptive à leur seule version des faits, même si cela va à l'encontre de ses propres valeurs.

A les entendre, on a tout de suite envie de vomir, à les voir se contorsionner pour travestir la réalité, c'est carrément la nausée. Les niveaux atteints par le cynisme et la lâcheté du monde dit démocratique apparaissent dans toutes leurs abjections.

Rien n'est laissé au hasard ; ils ont, pour cela, bien assimilé les instructions de la feuille de route à laquelle ils ont été conditionnés : le Hamas tire des roquettes depuis huit ans contre le sud d'Israël. Israël a trop supporté et patienté. Le Hamas a rompu unilatéralement la trêve. Le Hamas est au service de l'Iran qui est en train de fabriquer une bombe atomique pour détruire toutes les démocraties. Israël fait juste de la légitime défense avec des frappes chirurgicales pour protéger sa population de gentils colons occupés à réaliser leur oeuvre civilisatrice. Les militants du Hamas sont des intégristes islamistes sanguinaires qui veulent trucider l'humanité.

La même litanie répétée à profusion par tous les moyens de communication et en tous lieux finit par émousser les capacités de discernement et conduit vers l'adoption subséquente d'un raisonnement surréaliste, tel : les Palestiniens n'ont aucune raison de se plaindre du sort qui leur est fait. Israël n'est pas contre eux et fait tout pour leur bonheur. Les militants du Hamas méritent d'être emprisonnés ou tués sans autre forme de procès pour débarrasser le monde de cette graine dangereuse parce qu'Israël les a déclarés terroristes. Les mosquées, les écoles, les maisons, les édifices publics, les rues, les commerces de Ghaza et même les locaux de l'Unrwa peuvent être des repères de terroristes jusqu'à preuve du contraire et sont de ce fait considérés comme des endroits hostiles, donc ennemis qu'il faut bombarder et détruire sans tarder.

Les nouveaux barbares ont testé sur des enfants et des femmes toutes les armes de dernières générations au vu et au su de l'humanité toute entière. Jusque-là, il n'y a que la bombe atomique qui n'a pas encore été larguée sur Ghaza à cause de la proximité.

Tout en applaudissant ces massacres à ciel ouvert, les USA ont décidé d'accorder encore plus d'assistance à Israël en grand danger à cause des pétards archaïques de Hamas. Se demander après ces crimes sans limites, pourquoi le reste de l'humanité ne les porte pas dans le coeur relève d'un odieux machiavélisme.

Le déluge de feu et d'acier que toute une armée déverse pendant vingt-deux jours consécutifs avec les engins de mort les plus sophistiqués, sur une population désarmée et confinée dans un mouchoir de poche étranglé de toutes parts, est présenté comme une légitime défense. Les victimes civiles sont classées dans les dommages collatéraux. Tant pis pour elles, elles n'avaient pas à avoir comme voisins ou comme cousins des terroristes ! Le malheur c'est que cette logique absurde à la limite de la démence trouve encore des adeptes pour la gober et la justifier.

Ainsi, près de sept mille victimes entre morts et blessés dont une majorité d'enfants et une région complètement dévastée et sinistrée ; 1,5 million de sans-abri n'arrivent pas à arracher la moindre compassion aux dirigeants d'un monde devenu autiste, alors qu'il n'a jamais ignoré les véritables causes du conflit, ni ses origines et encore moins ses conséquences futures sur la paix dans le monde.

Rien n'émeut ses consciences malades ni les corps d'enfants déchiquetés, ni les souffrances de tout un peuple. Il espèrent tant laver la déculottée de 2006 au Sud Liban et ne comprennent pas pourquoi les Ghazaouis, soumis à cet enfer qu'aucune autre ville au monde n'aurait supporté aussi longtemps, résistent encore et ne lèvent pas le drapeau blanc pour leur permettre de brandir le glaive d'un honneur irrémédiablement perdu, parce qu'il a été toujours factice.

La bataille de Ghaza avec la résistance héroïque de ses habitants, la lâcheté depuis longtemps avérée de Tsahal et la forfaiture des puissances occidentales, est entrée, et avec quel panache, dans la légende.

Stalingrad, Varsovie et même le mythique Alamo, jusque-là référence dans la bravoure des hommes, ont perdu de leur éclat à côté de la bataille de Ghaza ; les deux belligérants avaient au moins la chance d'être à armes égales à cette époque.

Que de figurants et de mise en scène théâtrales autour de quelques vitres brisées par la chute d'un pétard, alors qu'on indiffère totalement la destruction systématique de villes entières et les corps d'enfants calcinés par le phosphore généreusement déversé par les héros tant adulés du monde occidental.

Pendant que les Palestiniens continuent de retirer des décombres leurs morts pour les enterrer, les dirigeants des pays occidentaux sablent le champagne de la glorieuse victoire de Tsahal contre les lanceurs de pierres. Alors qu'on les attendait pour des objectifs plus nobles, ils ne sont finalement réunis que pour décider de l'installation de systèmes ultra perfectionnés de surveillance de la frontière entre Ghaza et... l'Egypte, pour étrangler encore davantage les Ghazaouis.

Aucun d'eux n'a eu le courage et encore moins l'honnêteté de rappeler, ne serait-ce que par souci d'objectivité, l'occupation honteuse des territoires, le refus arrogant de l'application des décisions de la communauté internationale et le sort inhumain réservé aux Palestiniens à cause du blocus et des exactions quotidiennes.

Par contre, chacun essayera de décrocher l'insigne honneur de réaffirmer son allégeance en mettant gracieusement le maximum de moyens à la disposition d'Israël pour étrangler davantage les Palestiniens.

Malgré le déséquilibre des forces et la différence dans l'armement où il n'y a rien à comparer entre les moyens colossaux et ultramodernes dont dispose Israël et l'équipement rudimentaire du Hamas, et les conditions d'un théâtre d'opération qui n'offre aucune base arrière pour assurer la logistique, la résistance des combattants de Hamas n'a pas défailli au grand dam d'Israël et de ses amis.

Elle a plutôt gagné l'estime, le respect et l'admiration de tous les hommes libres. De quelques milliers avant la guerre, les Hamassistes ont certainement dépassé le milliard !

Demander à la population par des tracs de se grouper dans des endroits protégés par les conventions internationales de l'Un et ensuite les bombarder ne peut être que l'oeuvre de psychopathes dangereux. Ces corps de bébés déchiquetés par les bombes auraient pu être les corps de vos propres enfants, si vous étiez là-bas. Ces gens sont capables de tout et ils l'ont démontré plusieurs fois. On ne comprend pas pourquoi l'opinion reste quand même tétanisée devant ces comportements criminels et cyniques. En face de toutes ses horreurs et contre toute logique, vous donnez l'impression que c'est Israël qui va être envahi par des hordes massées à ses frontières et que c'est lui qui a le plus besoin de l'aide et de la solidarité de l'humanité.

Quelques roquettes lancées par des gens qu'on a délibérément poussé au désespoir, et qui risquent au plus de soulever un peu de poussière dans le désert du Néguev, sont présentées comme une provocation planétaire impardonnable. Le drame vécu quotidiennement par les Palestiniens est considéré tout juste comme une fâcheuse tare incurable qu'on doit prendre en patience. L'ampleur de leur tragédie avec ses morts, ses blessés, ses destructions et les souffrances des millions de personnes à travers une soixantaine d'années apparaît ainsi comme une fatalité immuable comparée aux réactions incendiaires soulevées par le lancement d'une roquette antédiluvienne.

Lorsqu'Israël, dans des proportions monstrueuses, écrase sous les bombes déversées par la haute technologie US quelques milliers de personnes désarmées dont des femmes et des enfants et détruit toute l'infrastructure, c'est de la légitime défense et ces corps d'enfants réduits en charpie importent peu ; mais lorsque les Palestiniens lancent un pétard sans effet la plupart du temps, c'est le branle-bas de combat pour condamner ces terroristes ! La surenchère dans la dénonciation n'a plus de limite ! Cette mauvaise foi et cet aveuglement vont aller jusqu'où ?

Cette fois, la déstabilisation de ses soutiens traditionnels, par les signes évidents d'une reprise de conscience qui lève dans leurs propres sociétés devant les horreurs commises par leur avorton et la résistance héroïque des Ghazaouis, a sérieusement rabaissé le caquet de ce beau monde construit sur la barbarie et le bluff. Il fallait tout de suite mettre un terme à une aventure qui commence à tourner au désastre après l'épuisement peu glorieux de tout l'arsenal des armes infernales pour venir à bout de la résistance.

Sentant le vent tourner et sérieusement affolé par le destin funeste qui attendait ses soldats si jamais ils s'aventuraient loin de leurs tourelles blindées, Israël décrète de lui-même la tréve. Il n'a même pas attendu comme d'habitude que ses supporters arrangent pour lui une sortie honorable pour lui éviter la noyade. Il y avait urgence à sortir de cette funeste impasse dans laquelle il s'était fourvoyé, d'autant plus que ses inconditionnels supporters ont été affreusement contrariés par ses méthodes et leur impact préjudiciable sur l'opinion publique qui commence à comprendre la véritable nature de cet Etat sanguinaire, et de l'holocauste auquel se livre Tsahal sans la moindre retenue.

A moins d'être un indécrottable chauvin d'Israël, n'importe quel être humain sensé vous dira qu'à l'inverse du Hamas qui est sorti grandi politiquement, Israël et ses amis ont fini cette fois par récolter les produits de leur aveuglement : une réprobation universelle et une dénudation du visage hideux du sionisme qu'aucun maquillage ne peut désormais cacher. Au contraire, le sionisme vient de fertiliser le terreau du terrorisme qui ne demandait pas tant. Les Musulmans, en général et les Arabes en particulier, sont présentement bien édifiés sur le peu de considération que les Occidentaux accordent aux valeurs humaines qu'ils nous ont serinées jusqu'à satiété. Grâce à ses sacrifices, Hamas est entré de plein pied dans le Panthéon des combattants de légende et a acquis avec panache le meilleur des trophées : la considération, le respect et la sympathie universelle.

La résistance des Palestiniens de Ghaza est saluée par tous les peuples révulsés par la sauvagerie d'Israël. Les qualifier dorénavant de terroristes relève tout simplement de la cécité et de l'obstination à nager à contre-courant.

Cet énième génocide a rapproché d'avantage Israël du cratère d'un volcan, entraînant dans son sillage, ses fidèles serviteurs mais, malheureusement, aussi d'autres innocentes victimes.

Toute personne éprise de justice ne peut rester cependant insensible aux positions sereines et courageuses de personnalités respectables à l'image de : Roland Dumas, Renato Martino, André Nouschi et d'autres encore de par le monde. Leur contribution suffit pour permettre à l'espoir de survivre à la bêtise humaine, et de lancer d'autres passerelles de mutuelle compréhension entre les deux rives.