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La troisième langue

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Il y a de cela un certain temps (plusieurs années), un «économiste et universitaire», intervenant lors d'une rencontre sur «la pratique de la langue arabe dans le monde des finances et des affaires», a appelé les décideurs politiques à «imposer l'application de la loi portant généralisation de la langue arabe et à sanctionner tout contrevenant».

Dans les années 70, l'arabisation se faisait lentement mais sûrement et solidement.

Les francophones, alors ni laïcs, ni francophiles, ni assimilationnistes, ni ... s'arabisaient sans trop de peine (ceci leur était d'autant plus facile que leur fonds culturel et éducationnel familial était «arabisé ») et sans complexe. Puis, tout d'un coup, par la «grâce» d'autres «doktours» vinrent la contrainte, les interdictions, souvent brutales, de s'exprimer, les obligations d'aller encore plus vite, encore plus loin, encore mieux, et les menaces de sanctions. Il est vrai que des «places» devaient être prises.

Résultat des courses: une langue française devenue un «pataouète» imbuvable, pire que celui des «pieds-noirs « de Bab El Oued, une langue arabe précieuse, et la naissance d'une troisième langue, comprise seulement par les Algériens ; langue sans règles que l'on entend à la radio, que l'on «voit» à la télé, dans la rue ... et même dans les discours politiques. Un étrange mélange d'arabe parlé, d'arabe littéraire, de français violenté et de tamazight (version Centre du pays) ! Puis, un plus tard, tout récemment, vinrent d'autres «doktours », cette fois-ci Phd...istes qui, du haut de leurs postes de «responsabilité » enfin conquises, demandèrent que le français (ce qui en restait, tout du moins) soit «éradiqué» et devait être remplacé par l'anglais, comme si les algéro-anglophones couraient les rues et/ou qu' un accord de coopération avec une ou plusieurs universités américaines ou anglaises allait résoudre le problème et/ou qu'une « injonction » administrative , émise à la va-vite, allait résoudre un problème créé de toutes pièces en invoquant la « présence » de l'anglais dans le monde de la recherche scientifique. Que d'injonctions, que de projets, que de menaces dans un pays qui n'occupe -selon l'organisme international de voyages linguistiques, Ef- en matière de maîtrise de la langue de Shakespeare que la 75è place (Alger 492 ème).

Pour l'instant, la langue arabe poursuit son bonhomme de chemin lentement mais sûrement en compagnie de l'arabe algérien qui est train (peut-être) de se construire comme se sont construites, par le passé, bien des langues dans d'autres pays, le tamazigh est en train de se frayer son chemin recherchant la piste la plus sûre et la plus rassembleuse et, en attendant l'anglais, le turc, le chinois, le russe, l'italien ou ... le français d'Algérie (et non celui de la Macronie et de la Zemmourie) reste bien présent. Hélas ou heureusement, la question est toute politicienne et le citoyen lambda n'en à rien à f... avec pour seule préoccupation, pour l'instant, la lecture de sa fiche de paie et les prix affichés de produits de consommation. Tous en chiffres ... arabes !