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Octobre, rien n'a changé

par Moncef Wafi

5 octobre 1988 ? 5 octobre 2019. 31 ans après la révolution d'octobre, que reste-t-il ? Qu'est-ce qui a changé ? Deux points d'interrogation qui peuvent résumer à eux seuls ces années de plomb, de sang, de larmes et de répression qui ont accompagné le processus démocratique algérien. De l'idéal démocratique ne subsiste qu'un vague souvenir instrumentalisé pour régler des comptes en haut lieu.

Aujourd'hui, la scène semble se rejouer, à plus grande échelle, avec pour premières victimes les fils du peuple. Du chahut de gamins cher aux apparatchiks à la révolte téléguidée ou non d'une jeunesse désespérée, asphyxiée par un système liberticide, le 5 Octobre fait partie des grandes dates du pays malgré le peu d'importance que lui accordent les autorités officielles.

31 ans plus tard, le bilan est mitigé. Les morts, les assassinats, les enlèvements et les tortures ont marqué l'événement et la guerre des clans a débordé sur la chaussée. Les Algériens découvraient avec horreur le visage effrayant d'un système qui ne voulait pas abdiquer. Passé les premières heures euphorisantes d'une overdose de liberté, de l'ouverture du champ politique et médiatique, l'Algérie basculait dans le sang, celui de ses enfants. Dix ans d'une guerre civile sanglante qui a mis le pays au ban du reste du monde. Le terrorisme islamiste fourbissait ses premières armes et aiguisait ses lames sur le cou des innocents.

Le 5 Octobre était vite oublié mais pas par ses enfants, une génération qui s'est sacrifiée pour pouvoir respirer et parler sans rendre compte, sans risquer de se faire prendre dans une rafle, le soir, attablé au café du quartier, ou interpellé aux aurores au sortir du sommeil par la police politique. Aujourd'hui, on est presque à parler au présent tant rien n'a changé. Pire, la terreur s'installe insidieusement et les arrestations des militants et autres activistes politiques se font toujours par des hommes en civil. Hier, encore, la commémoration du 5 Octobre a donné lieu à des dizaines d'arrestations sommaires à Alger, signe que le pouvoir en place est toujours celui qui était aux commandes avant cette date.

L'Algérie d'aujourd'hui est plus proche d'un pré-5 Octobre que d'un post-5 Octobre avec un net recul des libertés individuelles, de culte et syndicales. La presse privée est menacée même dans son existence et les partis politiques d'opposition sont plus que jamais discrédités à l'aube d'une présidentielle qui promet déjà d'être du vaudeville de mauvais goût.