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Le G7 et la faillite des institutions internationales et du multilatéralisme

par Abdelhak Benelhadj

Le sommet du G7 s'est tenu du 24 au 26 juin à Biarritz. Jamais autant que celle-ci, réunion de cette importance n'a été aussi confuse, improvisée, stérile et, pour couronner le tout, conclue dans l'invective et le vaudeville.

Aucune esquisse de solution aux crises que le sommet se proposait d'aborder. Un sentiment de bricolage et d'impréparation qui n'a rien à voir avec le caractère informel (au bon sens du mot) de ce « groupe » à même de faire avancer la résolution des graves problèmes de notre temps.

Le sommet s'est terminé par un tête-à-tête franco-américain face aux caméras. Un sommet après le sommet que les autres membres ont déserté. En guise de bilan, on a eu droit à une « déclaration » succincte que le président français dit avoir rédigée de sa main, et non à un long communiqué auquel la diplomatie française n'a jamais voulu croire.

Qui d'autre aurait cru ? Qui n'a pas songé à ce slogan répété dans les allées de cette rencontre : « le G7, ça sert à quoi au juste ? »

Par-delà ce chahut, il y a plus grave. L'inutilité du G7 cache une inutilité plus préoccupante, celle des institutions internationales.

Ce spectacle (y a-t-il terme plus approprié ?) révèle une érosion progressive des toutes les organisations, des traités, des pactes et accords collectifs signés à l'échelle locale, régionale et internationale.

Même les nations, au nord et au sud, se décomposent en structures régionales cantonisées autour de pactes de sang, de dialecte, d'ethnie, de religions ou de... races.

De nombreux pays sont ou bien au seuil de l'éclatement. Pêle-mêle : La Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, la Georgie, la Libye, le Soudan, le Mali, l'Espagne, le Royaume Uni, la Belgique, l'Italie,

L'UMA, la Ligue Arabe, la Ligue Islamique, l'OMC, l'OPEP... sont soit au congélateur soit inopérantes et contournées par les Etats puissants qui règlent les problèmes en dehors des règles.

L'Union Européenne est menacée par une balkanisation encouragée par les Etats-Unis (bien qu'il l'ait créée dans la foulée du Plan Marshall) qui l'ont toujours contestée - dès sa création en 1956 - en ce qu'elle remettait virtuellement en cause la mainmise de Washington et de ses intérêts économiques sur le « vieux continent ».

Si en janvier 1991, Clinton avait réussi à fédérer autour de lui, à la faveur de la chute de l'URSS, la plupart des pays pour attaquer « légalement » l'Irak de Saddam Hussein, ce n'était plus le cas en mars 2003. Bush Jr passa outre une résolution du Conseil de sécurité, désormais paralysé, comme d'ailleurs l'Assemblée Générale, décorum d'une société des nations qui ronronnent aujourd'hui dans un long sommeil, amputée de toute capacité à agir sur le monde.

Les institutions internationales sont aujourd'hui court-circuitées. D'autres lieux et regroupements informels s'arrogent le droit de les doubler et de les marginaliser.

La communauté internationale est réduite à peu de monde qui traite de tout le monde.

Le G7, fondé en 1975 pour traiter de questions purement économiques et notamment la crise du dollar après que l'administration Nixon ait décidé de ne plus soutenir sa convertibilité selon les règles adoptées en Juillet-août 1944, n'avait pas vocation à traiter des crises et des guerres qui relèvent des Nations Unies.

Le G7 faisait partie de ces organisations où des nations étaient soudées par une communauté de « valeurs » et d'intérêts. Hélas ! La réunion de ce mois d'août montre à l'évidence qu'il n'en rien. Même à cette échelle très réduite, les représentants des Etats pèsent peu et l'on soupçonne que les lieux de décision sont ailleurs.

La seule différence est que le président américain (à qui l'on prête plus qu'il ne peut rembourser), l'oeil goguenard, n'a déclenché aucun scandale et s'est contenté de sourires cyniques, contemplant amusé les aventures tumultueuses de l'exécutif français empêtré dans ses propres maladresses et sa cacophonie amplifiée par des médias qui n'en demandaient pas tant. Même son twitte a été sage.

Quelle différence avec le précédent canadien de juin 2018 : Il arrive en retard à la réunion du G7 à La Malbaie (au Manoir Richelieu, au Québec), chamboule l'horaire officiel, perturbe le protocole, qui prévoyait une poignée de mains avec les représentants locaux, dont le maire de La Malbaie et s'en va avant même la séance finale d'un sommet qui a tourné au fiasco.

Cinq minutes après la publication officielle du communiqué final de la rencontre, le président Trump annonçait sur Twitter qu'il retirait sa signature du communiqué parce que le Premier ministre Trudeau aurait dit, selon lui, des « faussetés », qualifiant le Premier ministre canadien de « très malhonnête et faible »...

C'est dire en quelle estime il tient ses homologues.

Néanmoins le G7 de Biarritz lui aussi fera date.

1.- L'ordre du jour a été ou bien estropié ou bien complètement chamboulé.

2.- L'actualité a imposé son ordre du jour à des chefs d'Etat qui n'ont pu résister à la tentation de surfer sur les malheurs du monde, au fond peu intéressés à leur résolution.

Deux dossiers vont captiver toute l'attention, comme au théâtre où le spectacle a été assuré : les incendies au Brésil et l'irruption impromptue du ministre iranien des Affaires Etrangères dans une enceinte où personne ne l'attendait.

Commençons par trois dossiers, rapidement évacués, qui auraient dû être au coeur de ce G7 : la lutte contre les inégalités, la Russie, la taxation des GAFA.

1.- LA LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS

« Hamouda joue et Hamouda arbitre » Vieil aphorisme constantinois.

Elle avait été annoncée à cor et à cri avant la tenue du sommet comme un sujet phare, en tête de liste des principaux problèmes abordés. Il a été soigneusement escamoté.

À la veille du G7 E. Macron s'est exprimé à l'Élysée dans le cadre d'une journée de « dialogue » avec des acteurs de la société civile, au cours de laquelle il a notamment reçu une centaine d'entrepreneurs engagés dans la réduction des inégalités.

Passé maître dans l'art de dire ce que l'opinion veut entendre, il reprend à son tour des observations et des arguments qui datent au moins des années 1960 prenant soin de préciser : « Le modèle qu'on doit inventer n'est pas de fermer l'économie de marché ».

«Mais ce modèle s'est enrayé, parce que la démocratie s'est déréglée, parce que le capitalisme s'est déréglé et est devenu fou, parce qu'on produit nous-mêmes des inégalités qu'on ne sait plus réguler»

Toujours avec des précautions, il ajoute : «Ce que je souhaite, dans la foulée de ce G7, c'est continuer au niveau français, européen, et dans les coalitions internationales, à porter une initiative de refondation de notre organisation internationale. De l'intimité de l'entreprise au fonctionnement des organisations internationales, qu'elles acceptent d'avoir un agenda partagé», a également fait savoir le président de la République. (AFP, V. 23/08/2019)

Appeler au changement mais tout faire pour que rien ne change, pour paraphraser le mot du comte de Lampedusa du temps de Garibaldi, sinon dans le sens des « réformes structurelles » prêchées et imposées par le FMI et la Banque Mondiale depuis des décennies aux pays débiteurs et affaiblis tels que l'Argentine aujourd'hui, après la Grèce, après qu'elle ait cédé aux Fonds Vautours. L'Algérie a déjà donné. Et en mesure les conséquences.

Cette rencontre à l'Elysée vendredi avait été précédée jeudi par un communiqué du Business for Inclusive Growth, B4IG) soutenue par le président français, conduite par le PDG de Danone Emmanuel Faber et appuyée par l'OCDE.

Cette coalition regroupe 34 entreprises transnationales (employant au total plus de 3,5 millions de personnes et pesant au total plus de 1.000 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel), engagées dans une charte à « intensifier leur action pour faire progresser les droits humains à tous les stades de leurs chaînes de valeur (...) et à renforcer l'inclusion dans leurs écosystèmes internes et externes ». « Dans beaucoup des pays du G7, l'effritement des classes moyennes, qui sont la fondation de l'économie de marché, doit être une alerte car il est démontré qu'au delà d'un certain seuil, les inégalités pèsent sur l'économie », assure le PDG de Danone.

Le B4IG précise que Sa charte n'est pas « une question d'idéologie », mais « de réalisme », qui « appelle à une action collective et inclusive, de la part des gouvernements et des entreprises ». Les signataires s'engagent à « intensifier leur action pour faire progresser les droits humains à tous les stades de leurs chaînes de valeur (...) et à renforcer l'inclusion dans leurs écosystèmes internes et externes ».

Derrière le jargon, il y a le vieil argumentaire.

1.- L'ère des pompiers pyromanes. Ce sont les machines qui créent les inégalités qui se proposent de les atténuer. On n'en est pas à un paradoxe ou à une contradiction près.

Ce sont leurs industries qui détruisent l'environnement et la biosphère terrestre et se proposent « en même temps » de luter pour l'économie durable par les « industries vertes ».  Ce sont les mêmes acteurs et mécanismes qui engendrent les problèmes et se posent en solutions. En cette affaire, il y a donc un manifeste conflit d'intérêt.

2.- La lutte contre les inégalités passe une meilleure répartition des richesses et par un accroissement progressif des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales). Or, toutes ces machines à générer des profits consacrent une partie de leurs activités à fuir l'impôt, à pratiquer l'« optimisation » et l'évasion fiscale car contraires à leurs intérêts.

Ils ont organisé à l'échelle de la planète d'un côté, une gigantesque géoéconomie de l'exploitation des hommes et de la nature et, de l'autre, une architecture financière internationale sophistiquée propre à soustraire ces revenus à l'impôt (lire plus bas la question concernant la fiscalisation des activités des GAFAM).

3.- Un nouveau pallier est franchi par le capital qui se substitue à l'Etat de droit, le seul habilité à entreprendre une lutte efficace contre les inégalités.

Le propos est clair : Ce n'est donc pas « une question d'idéologie », mais « de réalisme » déclare Emmanuel Faber le PDG de Danone. En fait l'idéologie est au détour de chaque mot. Ici le mot « idéologie » renvoie à ceux qui le contestent. Comme le mot « politique » qualifie la démarche de ceux qui s'opposent.

Pour ceux qui suivent le parcours et les arguments des patronats occidentaux, des partis politiques et des idéologues qui les servent et les accompagnent, il y a là une référence constante à une critique radicale des Etats interventionnistes, de l'« Etat providence » qui a instauré la sécurité sociale, les salaires minimums, les allocations familiales, les indemnités de chômage, les pensions de retraites...

Une politique sociale obtenue de haute lutte, depuis au moins deux siècles, qui a permis d'améliorer la santé du plus grand nombre, les conditions de travail, l'espérance de vie des travailleurs... et qui a aussi favorisé l'équilibre (non « naturel ») entre production de masse et consommation de masse.

Avec deux arguments principaux : l'Etat « collectiviste » est réducteur de liberté et surtout inefficace et gaspilleur de richesses qu'il n'a pas produites.

Avec comme corollaire un principe patronal cardinal, enseigné aux bedeaux qui le répètent inlassablement aux ouailles, jusqu'aux lointaines contrées « en voie de développement » où prolifèrent les mimes amnésiques : le seul Etat qui vaille est celui qui tient la nation pour une entreprise, géré comme une entreprise. D'où le jargon technocratique et verbeux de ces hommes d'affaires qui se prennent pour des hommes d'Etat.

Tout cela est aujourd'hui en voie de désintégration : privatisations, déréglementations, érosion des législations concernant le travail, ouvertures des frontières au moins-disant, mise en concurrence des pays de l'Union Européenne après un élargissement précipité, sans critères et politique de convergence préalable en matière sociale et fiscale.

La tertiarisation numérisée des économies, l'externalisation et la délocalisation optimale des processus de production décrivent une économie mondiale qui contredit point par point cette pétition de principes généraux.

5.- En fait, il n'y a pas d'incohérence dans cette charte.

Son objet est clairement limité aux pays riches : « Dans beaucoup des pays du G7, l'effritement des classes moyennes, qui sont la fondation de l'économie de marché, doit être une alerte car il est démontré qu'au delà d'un certain seuil, les inégalités pèsent sur l'économie », glose toujours M. Faber qui se souvient que l'offre ne peut se passer de la demande. Merci Lord Keynes.

Pour le reste, c'est-à-dire les pays de l'autre versant de l'univers, on s'en tient, comme d'habitude, aux lieux communs et aux voeux pieux.

« ...quand les entreprises disent qu'elles combattent le travail forcé et qu'elles veulent respecter la liberté d'association, ce sont des termes très forts parce que ça veut dire qu'elles prennent ces engagements dans tous les pays du monde où elles opèrent », assure le PDG de Danone.

Oxfam a été aussi invitée au déjeuner offert par E. Macron à l'Elysée. Elle a refusé de s'y rendre. Voilà pourquoi (tribune publiée dans Libération, V. 22 août 2019) :

« Tous les deux jours, un nouveau milliardaire apparaît sur notre planète qui voit la moitié de sa population survivre avec moins de 6 dollars par jour. Des frais de scolarité ou des dépenses de santé imprévues suffisent à faire basculer cette moitié du monde dans l'extrême pauvreté.

« Alors que plus de la moitié de la richesse mondiale est entre les mains de personnes vivant dans les pays du G7, en France, les milliardaires se portent particulièrement bien. Ainsi, depuis le début de l'année 2019, les 14 Français qui apparaissent dans l'index des milliardaires de Bloomberg ont vu leur richesse globale augmenter de 78 milliards de dollars. Pas de quoi se réjouir autour d'un déjeuner. » (...)

« Le président Trump, qui accueillera le G7 l'année prochaine, et le président Emmanuel Macron ont tous les deux remporté des élections avec le soutien financier des grandes entreprises et des plus fortunés. En échange, des baisses d'impôts ont été consenties à ces derniers, qui furent présentées aux classes populaires comme un «nouveau monde» et une promesse de croissance. »

De nouveau un G8 ?

La crise ukrainienne a changé d'intitulé et s'est transformée en : « Doit-on reformer à nouveau un G8 avec le retour de la Russie ? » 

En recevant la semaine précédente le président russe V. Poutine lundi à Brégançon (Var), précisément en vue du G7, E. Macron avait souhaité que les conditions soient réunies rapidement pour organiser « dans les prochaines semaines » un sommet en format « Normandie » (France, Russie, Ukraine et Allemagne) en vue de résoudre ce conflit.

En réalité, seul le retour de la France dans les tours de table préoccupait alors le président français. Il est d'ailleurs peu probable que Paris participe à quoi que ce soit de ce genre à l'avenir : au Proche Orient, en Europe orientale ou en Asie. Sinon peut-être à titre de preneur d'ordres, ce que les Français assument avec compétence et entrain depuis le quinquennat Sarkozy, au moins.

Trump a déjà fait diversion sur ce sujet lors du précédent G7 au Québec. Avant d'arriver au Canada, il avait feint de cogiter une idée dont il connaissait la réponse (puisqu'il en est le premier prescripteur) : « il faut réintégrer la Russie au G7, ce serait mieux pour tout le monde ». Les autres dirigeants, comme il se doit, ont rapidement rejeté l'option. Même réponse à Biarritz en 2019. Qui s'en étonne ? Sûrement pas V. Poutine.

Tout le monde en a parfaitement connaissance, la Russie ne saurait y souscrire aux conditions posées pour ce retour et pour que soient levées les sanctions qu'elle subit: abandon de la Crimée et de la Syrie, qui en réalité, signifie la disparition de la flotte russe de Méditerranée, coincée dans la mer d'Azov et, à terme, la chute de Poutine et le retour des transnationales pour le pillage des richesses naturelles de la Fédération (cf. l'affaire Mikhaïl Khodorkovski, entre autres).

Fiscalisation des GAFAM

Définitivement adoptée le 11 juillet par la France, la taxe dite « Gafa » (acronyme désignant les géants Google, Amazon, Facebook et Apple auxquels il conviendrait d'ajouter Microsoft) crée une imposition des grandes entreprises du secteur technologique non pas sur le bénéfice, souvent consolidé dans des pays à très faible fiscalité comme l'Irlande, mais sur le chiffre d'affaires, en attendant une harmonisation des règles au niveau de l'OCDE qui ne viendront sans doute jamais ou alors pour des contributions symboliques, très loin d'une réelle efficacité fiscale.

Cette taxe a provoqué de vives réactions côté américain. Un conseiller du président Donald Trump a parlé de « grosse erreur » de la France, et M. Trump lui-même a menacé de taxer les vins français, allant jusqu'à évoquer le 9 août une taxe de 100%. (AFP, S. 24/08/2019 à 23:30)

Les géants américains doivent être taxés de manière « juste et appropriée » a estimé samedi 24 août le Premier ministre britannique Boris Johnson dont on connaît le sens de la « justice » en cette matière.

Précisons que ce contentieux est très formel. La France dispose en réalité de peu de moyens de contrer son « allié » américain, d'autant moins qu'elle n'est pas sûre de disposer d'alliés nombreux et motivés au sein de l'Union. Il convient plutôt d'en venir à la réalité du problème.

Ces entreprises ne relèvent plus de l'économie de marché. Leurs chiffres d'affaires dépassent celui des Etats à qui elles ne se sentent plus tenues de rendre des comptes. Mais seulement à leurs actionnaires, selon des protocoles qui échappent aux Etats et aux institutions internationales.

Leurs dirigeants sont reçus comme des chefs d'Etat et même certains pays délèguent auprès d'elles, ainsi qu'il en serait d'Etats d'un type nouveau, des ambassadeurs.

C'est ainsi que le Danemark s'est senti obligé de le faire en février 2017, nommant un diplomate « numérique » auprès de ce qui ne sont plus des entreprises mais des acteurs majeurs dans le monde, avec des moyens que jamais dans l'histoire des conglomérats ont disposés.

« Ces firmes sont devenues un nouveau type de nation et nous avons besoin de nous confronter à cela » s'était alors défendu le ministre des Affaires étrangères Anders Samuelsen. « Dans le futur, nos relations bilatérales avec Google seront aussi importantes que celles que nous avons avec la Grèce ». Pour le gouvernement danois, ces relations doivent être renforcées au regard du poids économique de ces sociétés. « Ces firmes technologiques américaines ont amassé des fortunes encore plus grandes que des pays avec lesquels le Danemark entretient encore des relations diplomatiques classiques ». (La Tribune.fr, J. 09/02/2017)

Si cette nomination amène à repenser la place des transnationales (et pas seulement les GAFAM) dans les relations diplomatiques internationales, elle amène corrélativement à repenser la place des Etats dans une mondialisation où, comme l'observait R. Debray, les lieux où s'exerce le pouvoir n'est plus démocratique et où les sièges de la démocratie n'ont plus aucun pouvoir.

Ce qui explique au passage, pourquoi les citoyens ne votent plus ou bien alternent les régimes à chaque scrutin. En attendant peut-être de confier leur destin à ceux qui leur promettent souveraineté, prospérité et dignité.

Désormais, nous avons d'un côté les Etats dépourvus de moyens de régulation aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale, et, de l'autre, des conglomérations privés disposant de moyens considérables, bien supérieurs à ceux de nombreux Etats, qui n'ont de compte à rendre qu'à leurs actionnaires (cf. graphiques joints).

Au point qu'il devient de plus en plus pertinent de se demander qui au juste les gouvernants élus représentent-ils ? L'approche de cette question se décline alors sur deux volets :

1.- Les domaines que dominent ces mastodontes concernent des activités primordiales pour les économies et les nations. Elles relèvent des institutions internationales où doivent se concerter, comme décideurs de premier plan, les représentants des Etats du monde.

2.- La raison et le bons sens appellent au démantèlement de ces monopoles privés qui n'ont plus rien à voir avec une économie libérale ouverte, afin de réintroduire une dynamique concurrentielle dans des marchés qui ne méritent plus ce nom, avec des règles de formation de prix transparentes et respectueuses des lois qui garantissent le caractère loyal de la compétition.

A eux 5, les GAFAM sont davantage valorisés que le montant du PIB de l'Allemagne, du Royaume Uni ou de la France !

L'ICANN , de droit privé, sous contrôle américain, échappe aux organisations internationales et aux Etats qui n'ont qu'un rôle consultatif limité. Donald Trump, alors candidat à l'élection présidentielle américaine, revendiquait internet comme une propriété des États-Unis.

La France, de son côté, soutenue par plusieurs pays d'Amérique latine et d'Afrique, avait dénoncé une privatisation de l'ICANN au bénéfice des GAFA (Le Monde, J. 24 mars 2016).

On ne comprendrait sûrement pas grand chose à ces phénomènes si on ne tient pas ces machines d'abord pour ce qu'elles sont : des instruments efficaces dans la défense des Etats-Unis et de ceux qui les possèdent, au même titre que les armes que commande et utilise le Pentagone.

CQFD.

Conviendrait-on alors de penser que la fiscalisation des GAFAM puisse être tenue pour une manoeuvre de diversion destinée à empêcher de se poser les vraies questions car le problème n'est pas (seulement) d'ordre fiscal mais politique.

Est-ce la raison pour laquelle ce sujet a été si rapidement renvoyé à d'autres lieux et d'autres temps ?

L'Iran en spectacle au G7 : « Devine qui vient dîner ce soir ? »

Clamer haut et fort, comme le fait le président français, « L'Iran ne doit pas posséder l'arme atomique », c'est participer à une forme pernicieuse de désinformation.

Après avoir signé l'accord (« 5+1 ») en 2015, l'Iran s'est appliqué à en respecter scrupuleusement les termes. L'AIEA en a témoigné à plusieurs reprises. En vain. Au point qu'après le retrait américain, son directeur a donné sa démission.

Ce que demande l'Iran, ce n'est pas de revenir sur cet accord, mais au contraire ne pas le violer de manière unilatérale comme l'ont fait les Etats-Unis en mai 2018.

Ce que demande l'Iran c'est qu'on cesse de le soumettre à embargo et à étouffer ses activités économiques et sa population en espérant naïvement entraîner un collapsus interne, une révolte populaire provoquant l'effondrement de son régime.

Les Iraniens ne sont pas des inconditionnels des mollahs, mais ils savent très bien ce qui est jeu en cette affaire. Ce que veulent les Etats-Unis, c'est empêcher l'Iran de se doter des moyens de défense, notamment contre Israël, en le privant de la mise au point de ses missiles. Ce que veut Washington, c'est pousser l'Iran à renoncer au soutien qu'il apporte à son voisin syrien agressé depuis 2014 et au Hezbollah libanais menacé par le même Israël.

C'est à cela que Téhéran refuse de céder car il s'agit de la défense de son pays et de l'expression élémentaire et légitime de sa souveraineté.

Les Français (et les Européens) qui savent parfaitement de quoi il retourne jouent un double jeu, expriment publiquement leur attachement au traité de 2015, mais participent à leurs manières à l'embargo et aux sanctions américaines. Soit par ce qu'ils y adhèrent, soit parce qu'ils ne peuvent faire face à l'hégémonie américaine sur leur économie et leurs entreprises impliquées dans les finances internationales dominées par Washington et sa justice extraterritorialisée. Ce jeu d'ailleurs est similaire à celui qu'ils jouent dans la crise ukrainienne face à la Russie.

Dans l'urgence, le ministre iranien des Affaires Etrangères a été dépêché à Biarritz en plein sommet.

L'Iran, dans la précipitation élyséenne de se donner le beau rôle afin d'améliorer l'image médiatico-politique du président français, a provoqué une confusion qui s'ajoute à celle que la France a eu avec le Brésil.

Les français s'étaient un peu emballés en laissant entendre que leur président avait été mandaté pour négocier avec l'Iran au nom de ses partenaires.

Les Etats-Unis ont immédiatement dément avoir confié à qui que ce soit avec qui que ce soit le pouvoir de négocier en leur nom. 

« Nous nous sommes mis d'accord sur ce qu'on va dire sur l'Iran », (parlant de son homologue américain) a assuré Emmanuel Macron sur la chaîne de télévision LCI/TF1. « Nous avons acté d'une communication commune et d'une décision d'action qui permet de réconcilier un peu les positions ». « Je n'ai pas discuté de cela », a répliqué deux heures plus tard Donald Trump.

Un désaveu pour le moins humiliant.

La présidence française ne voulant pas se fâcher avec Washington, la France n'ayant pas les moyens d'une telle querelle, baisse alors le ton en ne parlant plus que d'objectifs communs et reconnaît ne pas avoir de « mandat officiel » pour négocier avec Téhéran.

Face au démenti de Donald Trump, Emmanuel Macron a reconnu ne pas avoir été mandaté par le G7 pour dialoguer avec l'Iran, contrairement à ce qu'avait annoncé ses services diplomatiques, et mis en doute qu'un message commun serait envoyé, comme il l'avait assuré.

Plus tôt, la présidence française, informe que le ministre iranien, sous le coup de sanctions américaines, était venu à Biarritz « en accord » avec les Etats-Unis et que M. Macron en avait informé Donald Trump. Ce dernier, interrogé sur la venue de l'émissaire iranien, s'est contenté d'un « no comment ».

La chancelière allemande a juste noté qu'elle n'avait été informée de la venue du ministre iranien des Affaires Etrangères, qu'une heure plus tôt. Le summum de la concertation entre voisins.

Qui osera encore parler de « couple franco-allemand » ?

Le bilan de cette visite côté iranien replace la question à la bonne hauteur. Le ministre iranien n'aurait-il pas été l'objet d'une manipulation, d'une mise en scène destinée seulement à lustrer l'image du président français, mais sans aucun résultat concernant la situation de son pays ?

Lundi, le journal Kayhan a qualifié de « malvenu » le déplacement de M. Zarif en France. Il a noté qu'il s'agissait de la deuxième visite de ce responsable en France en quelques jours et que cela envoyait « un message de faiblesse et de désespoir ». « Ces démarches malvenues sont entreprises dans l'optique imaginaire d'une ouverture mais cela ne donnera aucun autre résultat que davantage d'insolence et de pression » de la part des Etats-Unis, a critiqué le journal. (AFP, L. 26/08/2019 à 11:19)

De Biarritz à Brasilia : chronique d'un vaudeville triste.

Les chiffres ne mentent pas. C'est l'argument massue qui va être servi par les politiques et jeté en pâture au public par les médias.

Le nombre de feux de forêt en Amazonie explose :

2018 : 41 404

2019 : 76 760

Soit une augmentation de 85%

Quelque 700 nouveaux feux ont été enregistrés en 24 heures jeudi en Amazonie, selon les chiffres communiqués le lendemain par l'Institut national de recherche spatiale (INPE).

Ce même institut a recensé une forte croissance des feux de forêt, essentiellement dus à la déforestation, depuis le début de l'année au Brésil, dont 52% concernent l'Amazonie. Ces chiffres évocateurs vont permettre d'orienter en toute bonne conscience l'attention de l'opinion : il n'est plus question de parler des industries occidentales qui réchauffent et empoisonnent l'atmosphère et les océans.

Tous les yeux vont être focalisés sur le Brésil qui incendie une forêt essentielle à l'équilibre thermique, écologique et climatique de la planète.

L'avantage est que cela se voit et l'on sait l'impact des images sur le bon peuple occidental qui, pour une fois n'est plus accusé de la destruction du monde. Une culpabilité de moins. Une « haine de soi » en moins à gérer.

Que les latifundiaires brésiliens soient responsables des incendies et du pillage de la forêt brésilienne pour laisser place à la monoculture du soja prioritairement destinée à l'exportation, (d'où la signature avec le Mercosur par les Européens et les Français complices, complaisants et hypocrites qui le dénoncent médiatiquement et l'adopteront lorsque les médias regarderont ailleurs) et que pour parvenir à cet objectif, ils assassinent directement ou indirectement, par toutes sortes de moyens, les populations originelles qui y vivent, cela ne fait à peu près aucun doute.

Le nouveau président brésilien, ami des Etats-Unis, est un acteur majeur, en connaissance de causes, de cette tragédie qui ne date pas d'aujourd'hui, car tout ceux qui voulaient se donner la peine d'enquêter sur cette affaire, le savaient depuis au moins les années 1960. D'ailleurs, le déplacement des capitales brésiliennes ont toujours obéit aux changements économiques, de Salvador da Bahia, à Sao Polo, puis à Rio de Janeiro et enfin à Brasilia (sous la présidence de Juscelino Kubitschek) : l'exploitation des richesses de l'Amazonie participait de ce projet.

Il y a peu le Brésil était le premier consommateur mondial de pesticides.

La question n'est donc pas de savoir à quel type de régime le peuple brésilien, l'Amérique Latine (au premier chef) et le reste du monde ont affaires. Laissons de côté la nature du gouvernement brésilien car elle n'est pas ici en cause, quelle que soit la personnalité de ceux qui le dirigent ainsi que les conditions (en l'occurrence douteuses) et les voies et moyens qu'ils ont utilisés pour se placer à la tête du Brésil.

Des limites à la souveraineté

« On ne s'inquiète de perdre que ce que l'on possède » m'a un jour rétorqué le ministre des finances algérien à la fin des années 1990, lors d'une conversation à la fin d'une plénière du Conseil National Economique et Social, sur les conséquences de sa politique sur les marges de manoeuvre de notre pays, imposés par le FMI et la Banque Mondiale qui administraient alors notre incurie financière héritée de l'ère Chadli.

A observer concrètement, précisément l'état du monde, limitons-nous aux 5 derniers siècles, les questions de souveraineté n'intéressent que les potaches, les théoriciens et les historiens du droit international. Ceux qui dirigent le monde ont d'autres préoccupations.

« Amazonie, bien commun universel » ?

Sans qu'à aucun moment, la notion n'ait été évoquée, cette question est à nouveau posée dans un contexte très singulier : les incendies de l'Amazonie sur lesquels un éditorial du quotidien Le Monde focalise l'attention ce samedi 24 août.

Le Monde ne s'est pas embarrassé de formules diplomatiques creuses et emberlificotées : Cela commence par le titre, « Amazonie, bien commun universel » et cela continue par des questions munies de leurs propres réponses :

« A qui appartient l'Amazonie ? Aux neuf pays d'Amérique latine sur les territoires desquels s'étend cette immense forêt vierge ? Au Brésil, qui en abrite 60% ? Ou à la planète, dont le sort environnemental est lié à sa santé ? »

Et il y répond aussitôt :

« La multiplication alarmante des incendies dans la forêt amazonienne ne concerne pas uniquement le Brésil, qui en abrite 60%, mais toute la planète... »

Toute la question est de savoir ce que désigne l'expression « toute la planète » ?

3.- Au moment, où les puissances occidentales  réunies dans le cadre du G7 se posent en position d'arbitre universel qui contourne les institutions internationales qu'eux-mêmes ont mises en place depuis 1945, on s'interroge sur la portée réelle de leur discours quand ils parlent au nom de toute la population mondiales.

Les Etats-Unis se retirent unilatéralement des traités et accords qu'ils ont signés (de la COP21, à l'Accord sur le nucléaire iranien, en passant par le traité INF, en attendant de dénoncer d'autres accords ou traités). Ils extraterritorialisent les arrêts de leur justice et sévissent contre tous ceux qui en contestent le bien fondé en utilisant toute leur puissance économique, commerciale, financière, monétaire et militaire sans concertation avec personne.

Même le G7 dont ils contrôlent peu ou prou les membres (y compris ceux qui manient avec adresse les subtilité de la communication laissant croire à leur opinion publique qu'ils disposent d'une réelle autonomie de décision) constitue pour Washington une assemblée de trop. D. Trump s'attache à s'en amuser et à en ridiculiser les membres quand il ne les insulte pas et ne menace pas leurs pays de toutes sortes de représailles (aluminium européen, automobile allemande, vin français...)

4.- Ce n'est pas au G7, d'aborder et de répondre à cette question, mais aux institutions internationales qui sont formellement garantes de la sécurité du monde.

Reste à savoir, très précisément en réponse à la question posée par Le Monde, si le droit international dispose des moyens juridiques appropriés pour déterminer les limites de la souveraineté d'un de ses membres et si l'on peut confier, sur cette base, au Conseil de sécurité des Nations Unies le soin d'en décider et les modalités sous lesquelles il peut intervenir.

5.- « Notre maison brûle ».

Le Monde se focalise sur l'impact des incendies amazoniens, lance un signal d'alarme qui appelle à des décisions urgentes :

- « En juillet, le nombre de départs de feux a marqué une hausse de 84% par rapport à 2018. »

- « ...l'Amazonie est une source importante d'oxygène, d'eau et de biodiversité dont dépend l'ensemble de la planète. »

- De concert, Emmanuel Macron et Le Monde, à chaque bout du système politico-médiatique, se sont emparé de l'affaire a ont jeté de l'huile sur le... feu. « Notre maison brûle, tweete le président. Littéralement. L'Amazonie, poumon de la planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu. » Le président n'a pas peur des mots et qualifie les incendies de « crise internationale ». Comme s'il n'y en avait pas de plus urgentes, de plus anciennes, de plus mortifères...

- « Un crime contre l'humanité ». Reprenant les termes de E. Macron et du Monde, Anne Hidalgo, la maire de Paris surenchérit : « La forêt amazonienne est l'un des plus importants biens communs de l'humanité, et elle brûle à cause du comportement irresponsable d'un petit nombre d'hommes politiques internationaux et de dirigeants d'entreprises » dont « l'avidité de ces soi-disant leaders a un impact sur toute l'humanité en accélérant la crise climatique mondiale », a-t-elle insisté. « Ces incendies en Amazonie sont un crime contre l'humanité et les responsables devront s'expliquer » (AFP, V. 23/08/2019 à 20:05)

Pour faire bonne mesure un chef « indien » Raoni a été exhibé comme un trophée à la foire.

Ce faisant, il passe sous silence que ce sont les pays occidentaux- au moins depuis la révolution industrielle- qui sont à l'origine de la quasi-totalité des problèmes d'environnement que subit la planète.

6.- Evidemment, quand Le Monde déclare l'« Amazonie, bien commun universel », on se demande si dans « universel », concept général, il y aurait une place aux Gabonais, aux Malgaches ou aux Laotiens auxquels il est douteux qu'un membre du G7 songerait quand le mot « universel » est sorti, comme une épée de son fourreau.

« Universel », comme « humanité » ou « communauté internationale » ici, renvoie à ceux qui ont fabriqué ces concepts dont ils détiennent l'exclusive propriété et usage quand il s'agit de mobiliser les armadas et tonner les canonnières.

Et qui n'ont demandé la permission de personne lorsqu'ils se sont partagés la planète à partir de la « Renaissance » et qu'on retrouve à la Conférence de Berlin de novembre 1885 pour charcuter l'Afrique, cependant que la Doctrine Monroe sévit en Amérique Latine.

« Çà c'est à moi. Et on en discute de ce qui t'appartient » dit l'adage.

La forêt brûle en Amazonie et aussitôt s'allume un torchon entre Français et Brésiliens.

Entre bossa nova et bal musette.

Le président français a subi ce week-end un vrai « bashing ». Un vrai déchaînement contre la France et son président.

« Macron n'est pas à la hauteur de ce débat. C'est juste un crétin opportuniste » a écrit sur le ministre de l'Education brésilien Abraham Weintraub (dont le président twitte au moins autant que D. Trump), en référence à l'opposition du président français à l'accord de libre-échange UE-Mercosur. 

Le terme, très loin des usages diplomatiques, utilisé en portugais (« calhorda ») n'a pas d'équivalent en français mais se trouve à la croisée de « tricheur », « crétin » et « connard ».

Olavo de Carvalho, écrivain et « gourou » de Jair Bolsonaro, exilé aux Etats-Unis, a de son côté forgé sur Twitter le nom de « Macrocon ».

Le fils de Jair Bolsonaro, Eduardo, un député et possible prochain ambassadeur du Brésil à Washington, avait vendredi retweeté une vidéo de violentes manifestations de gilets jaunes en France avec le texte: « Macron est un idiot ».

Même les profils de Mesdames Macron et Bolsonaro sont mis en scène. Brigitte Macron dans le rôle de la fée Carabosse. Tous les coups (bas) sont permis.

Les observateurs qui suivent l'évolution politique du Brésil ces dernières années et les conditions dans lesquelles l'exécutif actuel a accédé au pouvoir, n'accorderaient que peu d'intérêt à ces insultes. Le problème vient de ce que la France et son président se soient mis à la portée de telles insanités. Si le Brésil a osé, c'est que le France le lui a permis.

Il est vrai que le président brésilien a de puissants protecteurs. Les Etats-Unis et la Maison Blanche lui ont apporté tous leur soutien car Brasilia est un relais important et décisif de la politique américaine dans le sud du continent, pour y « remettre de l'ordre ». Une remise en ordre qui rappelle des méthodes pratiquées depuis le président Monroe au coup d'Etat du 11 septembre 1973 contre le régime démocratique social-chrétien d'Allende au Chili.

N'est-ce pas Donald Trump qui a traité le président français de « stupide » le 26 juillet dernier lorsque celui-ci a décidé la taxation des GAFA ?

Il est à peu près certain que, gesticulations mises à part, aucune résolution, ni décision ne sera prise contre le Brésil à propos de l'Amazonie en flamme. Ni de la part des Etats-Unis, ni de la part de l'union Européenne ni, pire, de la part de la France.

Le « soutien sans réserve » du président américain à J. Bolsonaro n'a pas tardé : « Il travaille très dur sur les feux en Amazonie et, à tous égards, fait un très bon boulot pour le peuple brésilien », a assuré Donald Trump. « Merci président Donald Trump. Nous combattons les feux de forêt avec beaucoup de succès. Le Brésil est et sera toujours une référence internationale en matière de développement durable. La campagne de désinformation à l'encontre de notre souveraineté ne va pas fonctionner », répond le président brésilien sur Twitter. (AFP, mercredi 28/08/2019 à 00:55)

Cocasse, quand on sait que Donald Trump est souvent aux abonnés absents précisément lorsqu'il s'agit d'environnement. Après avoir dénoncé la résolution signée à la COP21, il a manqué la réunion sur le sujet à Biarritz, préférant les négociations bilatérales.

En revanche, même si la décision de E. Macron de remettre en cause l'accord UE-Mercosur est effectivement prise (et elle ne le sera sans doute pas), il n'est pas certain que cela lui rapportera autant qu'il l'espérait en matière de politique intérieure. Le président ne semble pas avoir mesuré la portée de ses déclarations.

1.- Il est bien seul à contester ce traité : l'Espagne et l'Allemagne ont vivement réagi s'opposant à la décision française lancée sans concertation, dans l'impréparation et la précipitation.

2.- Il n'y a pas beaucoup de pays dans le monde avec lesquels les échanges commerciaux français sont excédentaires comme c'est le cas avec le Brésil. Pour un commerce structurellement et gravement déficitaire, il est imprudent de se fâcher avec un client (le plus important d'Amérique Latine) qui achète encore français.

Près de 900 filiales d'entreprises françaises sont implantées au Brésil. La France se trouve dans le peloton de tête des pays qui y investissent le plus, première destination des IDE français parmi les pays émergents, avec un stock légèrement supérieur à celui investi en Chine. 

Les entreprises françaises qui ont un centre d'intérêt au Brésil ne manqueront pas de faire savoir à l'Elysée, par les canaux appropriés, ce qu'elles en pensent de la querelle de bac à sable ouvert avec les autorités brésiliennes.

La France n'est pas l'Amérique : son PIB est inférieur à celui de la Californie et elle ne peut se prévaloir des compensations dont sont dotés les Américains pour peser sur leurs créanciers (le dollar, les bons du trésors universellement « centralisés », Wall Street, le pentagone et ses 400 bases dans le monde, les GAFA, le système GPS...).

2.- Le commerce avec le Brésil révèle l'hypocrisie française.

- le Brésil constitue le principal marché de la France en Amérique latine. La France achète principalement au Brésil des produits primaires agricoles et fossiles (31,5% des importations), des produits de l'industrie agroalimentaire (26,9%) et des produits semi-industrialisés de base comme le bois et le papier (15,9%).

On peut dans le feu d'un sommet s'indigner des incendies délibérément provoqués. Mais il n'est pas acceptable qu'un chef d'Etat oublie qu'une partie importante de son commerce avec le pays qu'il critique est liée à l'objet de ses critiques.

Au fond, les Français ne sont pas si indignés et si fâchés que cela - en dehors des caméras de télévision - quand il s'agit de surexploiter les ressources de l'Amazonie.

Et pour éclairer ce débat passablement houleux, il serait utile de préciser que depuis 1978, la seule instance internationale en charge de ce dossier est l'OTCA (Organisation du traité de coopération amazonienne), dont la France n'a pas souhaité faire partie, bien que le département de la Guyane soit en Amazonie.

CONCLUSION

Ce cafouillage révèle la faillite des institutions internationales, contournées, ignorées, enjambées par des puissances qui ne se sentent plus concernées par la loi commune et les concertations multilatérales nécessaires à la paix et à la prospérité du monde.

Comment peut-on traiter sérieusement dans un cadre informel des crises aussi graves que les incendies en Amazonie, des crises ukrainienne, syrienne, iranienne, palestinienne, des échanges commerciaux sino-américains, de la taxation des activités transnationales (et pas seulement des GAFA)... hors des instances internationales spécialisées, habilitées en droit à en traiter et en l'absence des représentants des principaux concernés, à savoir le Brésil (et tous les pays voisins intéressés), l'Iran, la Chine, les deux Corée, l'Ukraine, la Russie, la Palestine, l'Egypte, les pays du Sahel, la Turquie, les pétromonarchies qui agissent en sous-main pour le compte des Etats-Unis et des oligarchies pétrolières, financières internationales, les industries de l'armement (trop fréquemment oubliées quand on analyse les causes des conflits)... Et cela sans minorer les actions d'Israël qui, depuis sa création en 1948, est à l'origine de la majeure partie des guerres et des conflits que connaît le Proche-Orient.

Comment peut-on oser inviter le Premier ministre indien et ignorer son voisin impliqué comme lui dans une crise ouverte par l'Inde au Cachemire ? Alors qu'aucune paix entre eux ne peut être envisagée sans leur étroite et conjointe collaboration.

Comme on le voit, ces espaces de belligérance dépassent l'espace restreint d'un club réduit à sept pays, aussi puissants soient-ils.

A l'origine, destiné à traiter de la question monétaire du dollar en crise après que Nixon ait décidé sa (logique) inconvertibilité selon les règles édictées à Bretton Woods alors que la seconde guerre mondiale n'était pas encore terminée, le G5, puis G6, G7, G8 et enfin G7 à nouveau, n'est plus, n'a jamais été, un espace capable de poser les problèmes et de leur trouver des solutions.

Le poids de ses membres a bien varié depuis près d'un demi-siècle, les problèmes ont changé de nature et le contexte international a profondément évolué.

Le problème n'est pas de se passer des institutions internationales, mais de leur redonner vie. Mais pour cela, il faut en revoir les principes fondateurs de 1945 aujourd'hui obsolètes.

Par exemple, il est impératif de revoir la composition et le fonctionnement du Conseil de sécurité. Faire disparaître le concept de « membres permanents » ou de l'ouvrir à d'autres nations sud-américaines, africaines, asiatiques, européennes. Ou alors le supprimer purement et simplement et imaginer des commissions sous contrôle direct de l'Assemblée Générale.

La réponse à la question « à quoi sert le G7 ou à quoi a bien pu servir le sommet de Biarritz » découle directement de l'analyse de ce qui vient de se produire en France et qu'il serait sans intérêt de continuer et de répéter dans un autre pays.

Effets d'annonce et spectacle médiatique, le grand show n'accoucha de la moindre esquisse de solution aux problèmes posés.

Le mot « acteur » a deux sens opposés.

Il désigne ceux qui agissent et pèsent sur le sort de leur pays ou sur celui du monde, pour construire ou détruire.

Il désigne aussi ces comédiens dont la seule vertu est de bien mimer et qui n'ont de prise, au mieux, que de leur spectacle.

Ces acteurs ne sont que des acteurs.

Des ombres scotchés sur le fond de la caverne de Platon.



1 Les membres actuels de cette coalition sont: Accenture, Agropur, AXA, BASF, BNP Paribas, BPCE, CareCentrix, Cogeco, Crédit Agricole, Danone, Edelman, Engie, GINgroup, Goldman Sachs, Henkel, Ingka Group, JPMorgan, Keurig Dr Pepper, Johnson&Johnson, Kering, Legal&General, L'Oréal, Mars, Renault, Ricoh, Schneider Electric, Sodexho, Suez, TIAA, Unilever, Veolia, Virgin et Ylva.

2 L'Amazonie brûle à cause de la cupidité de ces rapaces qui ont placé, par un coup d'Etat que l'Amérique Latine pratique au moins depuis le président Monroe, à la tête du Brésil un butor favorable à leurs desseins et ne se préoccupent nullement ni des hommes, ni des équilibres naturels.

3 Cf. Abdelhak Benelhadj : « Un sommet avant le Sommet: Poutine en villégiature à Bormes-les-Mimosas ». Le Quotidien d'Oran, J. 22 août 2019.

4 - Google est le leader incontesté des moteurs de recherche au niveau mondial. Il n'y a que deux pays majeurs où Google n'est pas leader : la Russie (concurrencé par Yandex) et la Chine (concurrencé par Baidu). En France, la concurrence est quasi inexistante, Google s'accapare plus de 90% du marché et laisse le reste à Bing, Yahoo et Qwant. Sur les appareils mobiles, la part de marché de Google dépasse même les 97% ! Yahoo et Bing ne parvenant pas à atteindre chacun 1% de part de marché... Aux États-Unis, la part de marché de Google dépasse largement les 80%. On trouve ensuite Yahoo à près de 7% puis Bing avec un peu plus de 5%. En 2017, Google a dégagé un chiffre d'affaires de 110.85 milliards de $ et un bénéfice annuel de 26.1 milliards $.

- En novembre 2008 après la crise des subprimes, le titre Amazon s'échangeait à moins de 40$ pour culminer en septembre 2018 à 2050$ soit plus de 5000% de hausse sur la période. La capitalisation boursière d'Amazon a franchi le cap des 1000 milliards de dollars en septembre 2018 (contre 22 milliards $ fin 2008). En 2017, Amazon a réalisé un chiffre d'affaires de 177 milliards $ pour un bénéfice net de 4.1 milliards $.

https://www.ig.com/fr/marche-actualites-et-idees-de-trading/actu-actions/comment-les-gafa-ont-revolutionne-l-economie-mondiale-190131

5 Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN, en français, Société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet) est une autorité de régulation de l'Internet. C'est une société de droit californien à but non lucratif ayant pour principales missions d'administrer les ressources numériques d'Internet, telles que l'adressage IP et les noms de domaines de premier niveau (TLD), et de coordonner les acteurs techniques. Pour plus de détail, lire par exemple la notice éponyme que lui a consacrée Wikipedia.

6 AFP, D. 25/08/2019 à 21:15. Le lundi 26 au matin, pour apaiser le débat et venir au secours d'un E. Macron en mauvaise posture, D. Trump décline une autre version toute en circonvolutions, nuançant ses propos de la veille. Cela n'a pas beaucoup coûté au facétieux omnipotent. De plus, il n'était pas judicieux d'accabler un « allié » qui pouvait encore servir.

7 J'ai participé en juin 1975 à la création d'une association de défense des « Indiens » d'Amazonie avec des amis sud-américains (péruviens, brésiliens, uruguayens) avec une visite de plusieurs mois sur le terrain au Pérou, au Brésil et en Bolivie.

8 Le système de référence ici n'est pas géographique, culturel ou civilisationnel. Il est stratégique, politique, militaire et géoéconomique : le Japon participe de l'Occident quelle que soit les cultures ou les cultes que partagent ses populations.

9 Cf. Abdelhak et Valérie Benelhadj : « Pillage et surexploitation des ressources terrestres. L'humanité n'y est pour rien. » Le Quotidien d'Oran, J. 1er août 2019

10 AFP, D. 25/08/2019 à 23:07

11 https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/bresil/relations-bilaterales/