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NETNAHAW GAÂ !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

BOUTEFLIKA, LA FAILLITE ANNONCEE. Essai de Khaled Nezzar. Chihab Editions, Alger 2019, 164 pages, 800 dinars



Voilà donc un livre qui, selon l'auteur, général-major à la retraite, qui avait joué un rôle central sinon principal dans le choix du «moins mauvais des candidats» à la tête du pays, a été «édité», une première fois, en 2003. Avec, pour titre, «Bouteflika, un mandat pour rien». Le premier mandat se terminait et le second se profilait. Un livre qui aurait rencontré beaucoup d'entraves, avec des pressions sur les éditeurs, les distributeurs et les libraires.

Largement distribué, aurait-il changé la face politique du pays ? Pas si sûr, une «confession» faite par un «faiseur de rois» passant difficilement, d'autant que peu de temps avant, l'accusé était présenté comme le plus beau des innocents.

Bref, d'abord le titre ! «Bouteflika, la faillite annoncée». Plutôt la «Boutefllka, la faillite programmée». Tant il est vrai que les vrais (autres) coupables de la «faillite» sont bien ceux qui, détenteurs du pouvoir politique, avaient «décidé» (et ce n'était pas la première fois depuis 62) du nom de celui appelé à être le «Chef». Sans tenir compte de la volonté populaire, à travers des élections libres, transparentes, bref, démocratiques, dans le cadre des lois de la République, des lois pourtant assez claires sur ce point. Mais, passons !

On a eu donc un «coopté». Encore une fois, mise à part la parenthèse Zeroual qui n'a d'ailleurs pas duré tout son mandat.

C'est ce constat qui rend quelque peu difficile la lecture de l'ouvrage. Il remue bien plus le couteau dans les plaies, causées par vingt années de règne en fait autoritaristes et sans partage, qu'il ne les calme.

Un livre qui reprend tous les griefs contre le «pouvoir sans limite» de Bouteflika et de son clan sur une Algérie «fabriquée à sa convenance» : «Obéissante, veule, obséquieuse, courbée», avec une Constitution «triturée, rafistolée, revue, corrigée, adaptée...». Une longue suite de critiques. Tout en remontant le temps, comme pour y trouver les raisons (des excuses pour faire face au sempiternel «péril en la demeure» ?) de l'appel à Bouteflika.

1994, l'année terrible qui avait vu, déjà, le nom de Bouteflika proposé au plus haut niveau de la hiérarchie militaire. «Cet ancien membre, très médiatisé du Conseil de la Révolution, semblait avoir le profil qui convenait ....».

Ses outrances de langage et ses «piques» verbales, avec, souvent, la dérision ou l'insulte : contre les militaires et les généraux, contre les cadres, contre les journalistes, contre les Kabyles, contre les anciens présidents, contre les citoyens, contre des partenaires étrangers. Ça tirait dans tous coins, mais des «dérapages» contrôlés.

Ses brusques variations.

Ses innombrables voyages à l'étranger (en moyenne 20 par an entre 3 et 4 jours et en grande pompe), ce qui fait dire qu'il avait, peut-être, le «Syndrome de Sissi», cette fameuse impératrice, grande voyageuse et grande dépensière, «usant des wagons de l'Orient Express comme d'un gardénal». Une «bougeotte» aiguë, accompganée de flonflons et d'embrassades.

Son régionalisme érigé en raison d'Etat

Les procédés de la mafia

Les doubles discours

La primauté des intérêts de la famille et du clan

Les Concordes «gigognes»

Etc., etc.

L'Auteur : Né le 25 décembre 1937 à Seriana dans l'actuelle wilaya de Batna en Algérie. Général-major de l'Anp à la retraite.

Carrière : En 1957, il déserte de l'armée française et rejoint l'Armée de libération nationale. En 1964, il intègre l'Académie militaire de Frounze, en Union soviétique, puis en 1975, l'École de Guerre à Paris. Nommé commandant des forces terrestres en 1986. Chef d'état-major de l'Armée nationale populaire de 1988 à 1990 puis ministre de la Défense nationale entre 1990 et 1993. De 1992 à 1994, et après le retrait de Chadli Bendjedid, Khaled Nezzar est l'un des cinq membres du Haut Comité d'État (HCE), présidé par Mohamed Boudiaf. Après l'assassinat de ce dernier, le 29 juin 1992, Ali Kafi le remplace à la présidence du HCE, dont le général Nezzar reste membre. L'Algérie a connu alors une «décennie rouge» (causée par le terrorisme islamiste après l'interruption du processus électotal le 12 janvier 1992 qui allait conduire certainement au pouvoir le Front islamique du salut (FIS), parti islamiste) qui fit des dizaines de milliers de morts et de disparus (200 000 ?). Khaled Nezzar échappe à un attentat en 1993 et se retire de la vie politique à l'arrivée de Liamine Zeroual (comme chef de l'Etat puis comme président de la République). Il publie ses mémoires en 2000.

Extraits : «Il n'acceptera aucune des démissions qui lui sont proposées. Il ne le fera pas, non par bonté d'âme, mais parce que sans eux il est perdu» (p 57), «Houari Boumediène et Abdelaziz Bouteflika ne se ressemblent pas. Le premier a travaillé, construit, châtié ou choyé pour la plus grande gloire de son pays, le second voyage, détruit, médit et calomnie pour le seul bénéfice de sa personne !» (p 149), «En définitive, le plus grand ennemi de Bouteflika, et qui a déjà terrassé politiquement et moralement Bouteflika, n'a été ni un chef de parti ni une faction politique ni un journaliste ni un général ; le plus grand ennemi de Bouteflika a été Bouteflika lui-même» (p 162)

Avis : Un livre déjà publié en 2013 avec un autre titre : «Le sultanat de Bouteflika», aux Éditions Apic (Alger) et Transbordeurs (Paris). Très bien écrit. Style journalistique maîtrisé.

Un véritable réquisitoire ! Du déjà su et écrit... mais jamais «entendu». Désormais pas nécessaire, le Mouvement du 22 février étant passé par là.

Citations : «La démission «volontaire» est le procédé de la dictature. Il préserve le huis-clos du pouvoir et la réputation du prince. Le départ de celui qui a cessé de plaire ne doit provoquer ni heurts, ni vagues, ni problèmes. Le limogeage d'un responsable, quel que soit son rang, ne doit jamais être un pavé dans la mare, à peine un sujet de discussion pour salons branchés, un entrefilet dans les journaux» (p 84), «La mort cérébrale d'un pays est consommée quand les idées abdiquent devant le mensonge» (p 121).



AU FIL DES JOURS:

ACTUALITES :

-Lu pour vous un ouvrage édité en France aux Editions Odile Jacob, 288 pages, 22,90 euros de Patrick Lemoine, psychiatre et docteur en neurosciences, sur «La santé psychique de ceux qui ont fait le monde». Portraits psychiques accompagnés de diagnostics... et du traitement possible, de : Charles de Gaulle, Adolf Hitler, Joseph Staline, Chuchill, Napoléon Bonaparte, Robespierre, Catherine II de Russie, Louis XIV, Chrales Quint, Jeanne d'Arc, Jésus-Christ (pas de panique, Mohamed, QSSSL, n'est pas présenté, ni d'ailleurs Moïse... Malynx le lynx !), Jules César, Alexandre le Grand, Bouddha et le roi Salomon. Dix-neuf «modernes» et «anciens» étudiés et seuls deux exempts de maladie psychique !

Conclusion : en règle générale, les «dictateurs» sont des paranoïaques, ignorant le doute, l'hésitation, la nuance. Ils n'aiment qu'écraser, dominer, laminer, atteindre leur but sans crainte de tout détruire sur leur passage. De terrifiantes machines à conquérir et garder le pouvoir. Surtout des ...hommes.

Quant aux «démocrates», c'est-à-dire «tous ceux qui respectent leur Constitution»....il apparaît (à l'auteur) de plus en plus clairement que le peuple veut être ditrigé par des personnages exceptionnels, des gens pas comme lui, différents, des sortes de dieux olympiens.... le chef ne peut pas, ne doit pas être comme tout le monde (sauf en Suisse !)

Autre conclusion : La dépendance toxicomaniaque au pouvoir doit être envisagée, car le pouvoir est une drogue puissante, une maladie parfois dangereuse... Heureusement, il ne faut pas généraliser car il est des drogues bénéfiques.

Pourquoi parler de ce livre ? Parce que tout simplement, la question s'est (re-) posée après la lecture d'une récente opinion de Mourad Benachenhou («Le Quotidien d'Oran», mardi 2 juillet). Il s'est interrogé sur le mode de gouvernance de Bouteflika et ses conséquences désasteuses... Peuvent-ils être considérés comme ressortissant de l'acte de trahison, ou comme les reflets d'une personnalité déséquilibrée, dont le traitement ressortit de la psychiatrie ? Et, de proposer, dans la foulée, la mise en place de mécanismes constitutionnels de filtrage des candidats au poste suprême, et de la fonction présidentielle afin que l'histoire ne se répète pas. Un filtrage psycho-clinique, en même temps qu'un filtrage médical ? Pourquoi pas ! Pas seulement en politique ou en économie, mais aussi... en sports, en fooball tout particulièrement.

-Finale de la Coupe d'Afrique des nations de foot, au Caire. L'Algérie la remporte. La liesse, partout à travers le monde, principalement en Algérie, cela va de soi, mais aussi en France. Tout s'est bien passé : Silmya, Sylmia partout ! En France, où la droite avait espéré et souhaité publiquement la défaite de l'Algérie, les commentateurs de presse avaient mis de l' «eau dans leur pinard»... devant le peu d'incidents. Il est vrai que nous n'étions plus le 14 juillet (de plus un dimanche, journée consacrée aux marches des manif' des Gilets jaunes... qui ont leurs extrémistes et leurs casseurs ), depuis des décennies connu pour ses joies populaires mais aussi pour ses «dérives» violentes, mais le vendredi 19...

CITATIONS

- Le président Abdelaziz Bouteflika n'avait, à aucun moment, admis l'idée que l'Algérie et les Algériens étaient prêts, politiquement et culturellement, à vivre sous le régime de la démocratie. Dans la pensée du démocrato-sceptique qu'il était, celle-ci ne saurait fonctionner autrement que selon la mécanique obsolète de la moubayaâ, une gouvernance dirigiste à consonnance mystique (Mili Badr'eddine, «L'opposition politique en Algérie». Monographie © Casbah Editions, Alger 2017)

-La scène politique algérienne actuelle est encombrée «d'hypocrites» qui, hier, collaborateurs serviles du régime en voie de disparition, arborent un masque de virginité morale et politique, et vont jusqu'à corriger leur parcours en faisant croire qu'en fait, même au sommet de la hiérarchie du sytème, ils en étaient des opposants «farouches». Bref, ils auraient été «hirakiens» avant même que le mouvement ne naisse (Mourad Benhachenhou. Débat (c) Le Quotidien d'Oran, mardi 02 juillet 2019)

- Un Guide n'a pas d'humour. Ses allusions sont des consignes, ses anecdotes des mises en garde (Khadra Yasmina, «La dernière nuit du Rais». Roman © Editions, Alger 2015)

ARCHIVES BRÛLANTES

-La presse du lundi 22 août 2011 revient abondamment sur le projet de loi sur les partis politiques... Pour elle, il ne fait aucun doute : A. Bouteflika ( «qui a déjà dit tout le mal qu'il pense de la presse et des partis politiques») veut se donner, désormais, d'autres moyens de «régenter» jusqu'à la vie interne des partis politiques.

-Ahmed Benbitour, l'ancien chef de gouvernement, publie, mardi 23 août 2011, dans la presse, une «lettre-programme» à «tous ceux qui ont à cœur l'Algérie», car, dit-il «la Nation est en danger». Il répertorie les «maux» dont souffre le pays : Sept (7) au total dont «la perte de morale collective», «la généralisation de la corruption à tous les secteurs d'activité», «la dérive d'un Etat défaillant vers un Etat déliquescent»... et il demande «la mise en place d'une période de transition»

Il note, par ailleurs, dans une de ses 4 hypothèses de travail que, désormais, «les citoyens sont capables d'amorcer le changement et faire partir les symboles du régime... dont, en premier lieu le chef de l'Etat»...d'autant que «les dirigeants actuels ne peuvent plus bénéficier du paradis de l'exil... Ce n'est plus possible ni pour eux, ni pour leur famille, ni pour leurs collaborateurs proches... et la peur s'est déplacée de chez les citoyens vers les autocrates»

-Récemment, l'ex-patron du renseignement extérieur français, Bernard Bajolet, ancien ambassadeur de France en Algérie (entre 2006 et 2008) a affirmé que l'ancien président Abdelaziz Bouteflika et ses frères «sont impliqués dans la corruption». S'exprimant dans un documentaire consacré au mouvement populaire du 22 Février et diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte, il a affirmé que «Saïd Bouteflika était appelé Monsieur 15%», allusion à des rétrocommissions qu'il aurait touchées en contrepartie de marchés publics indument octroyés à des hommes d'affaires actuellement emprisonnés.

Déjà, en octobre 2018, le chef-espion s'était fait remarquer avec la publication de ses «Mémoires» et ses déclarations sur la santé défaillante du président Abdelaziz Bouteflika.