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Réchauffement climatique : et l’aérien ?

par Akram Belkaïd, Paris

Comment lutter contre le réchauffement climatique et, accessoirement, la pollution atmosphérique ? Ces questions sont fondamentales pour l’avenir des jeunes générations et, sans aucune exagération, pour l’humanité entière. De manière régulière, des scientifiques tirent la sonnette d’alarme tandis que des conférences ne cessent d’être organisées sans que de vrais résultats tangibles n’en sortent. La dernière fois que les dirigeants de ce monde ont semblé s’entendre sur le sujet, c’était à l’occasion de l’adoption du Protocole de Kyoto pour la réduction des gaz à effet de serre (11 décembre 1997). Depuis cette date, entre revirements de certains pays et le renforcement du climato-scepticisme, on sent bien que le combat, quand il existe, n’est que mollement mené.

L’aérien et le maritime non concernés

L’impunité du monde des transports le montre. En France, à la dernière rentrée, la perspective d’une taxe appliquée aux carburants a provoqué le désormais fameux mouvement des gilets jaunes. Si l’on regarde de près cette affaire, on se rend compte que l’essence est déjà beaucoup taxée, ce qui peut expliquer la colère des automobilistes. Pour autant, l’idée d’une taxe carbone sur les automobiles suit son chemin et il sera difficile de s’y opposer au cours des prochaines années. Par contre, les secteurs aérien et maritime sont pratiquement épargnés de tout prélèvement et aucun projet n’est dans les tuyaux.

En début de semaine, le quotidien français Le Monde a révélé qu’une étude diligentée par la Direction générale des transports au sein de la Commission européenne préconisait la mise en place d’une taxe de 33 centimes d’euros sur chaque litre de kérosène (1). Commandé en avril 2017, le rapport serait disponible depuis mai 2018 sans pour autant avoir été rendu public. Selon ses rédacteurs, le fait d’imposer une taxe de 0,33 euro sur chaque litre de kérosène aurait pour impact une baisse de 10% des émissions de dioxyde de carbone et cela, c’est important, sans baisse des emplois. Le document établit aussi que cela provoquerait une hausse de 10% du prix des billets d’avion, la baisse de la demande et, donc, des vols, pousserait les consommateurs à moins voyager (et à moins polluer). Autre avantage important, cela réduirait aussi le bruit avec une baisse de 10% des nuisances sonores.

Concernant le transport maritime, secteur névralgique pour le commerce mondial mais hautement polluant (le carburant utilisé est bien plus lourd que le kérosène, moins émetteur de particules quand il est brûlé), on relèvera que rien n’est fait sur le plan multilatéral pour endiguer sa pollution. L’affaire se corse quand on sait aujourd’hui que les bateaux de croisière – dont les machines tournent en permanence même au mouillage – sont de véritables cités flottantes. Des villes comme Marseille et Barcelone qui accueillent en permanence des bateaux de croisière voient leur taux de pollution sans cesse monter.

Poids des lobbies

Que faire ? La question est d’abord d’ordre politique. Au-delà des discours, les États refusent de taxer les compagnies aériennes ou maritimes. A Bruxelles, les lobbies se démènent pour maintenir le statu quo. Le fait que l’étude citée plus haut n’ait pas été rendue publique n’est pas le fait du hasard. Autour de la Commission européenne, les représentants des secteurs aérien et maritime agissent en amont pour défendre leurs intérêts. En attendant, la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique continuent à s’étendre.

(1) Climat : une étude de la Commission européenne propose de taxer le kérosène des avions,
Le Monde, 13 mai 2019.