Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'impasse de tous les risques

par Kharroubi Habib

Les ministres de la Santé et de l'Education dont les secteurs sont paralysés par une fronde sociale interminable répètent à l'envi qu'ils n'ont pas fermé la porte du dialogue avec les partenaires sociaux. De fait ils ont eu de nombreuses rencontres et réunions avec ces derniers qui n'ont pas toutefois permis de parvenir à des accords mettant fin aux conflits. Les deux parties se rejettent mutuellement la responsabilité de l'impasse. Les ministres en arguant que ces partenaires sociaux ont des revendications auxquelles ils ne peuvent donner satisfaction et ces derniers en soutenant que l'administration ne veut pas du dialogue et du compromis. Entre les deux parties, il aurait fallu qu'un arbitre se prononce qui n'est autre que le chef de l'Etat.

Or malgré que les grèves et la contestation sociale persistent avec toutes les conséquences néfastes qu'elles induisent pour les secteurs concernés et leurs effets sur la scolarité des élèves pour l'un et l'accès aux soins des malades pour l'autre, et que les syndicalistes ont sollicité son intervention, le président de la République reste imperturbablement silencieux. Il lui revient pourtant de dénouer les situations qui menacent la stabilité sociale et partant celle du pays. Est-ce à dire alors que son attitude lui est dictée par la considération tactique que le pourrissement de la situation en l'occurrence jouerait en faveur de l'administration en discréditant au sein de l'opinion publique les grèves en cours et leurs animateurs ?

Cette arrière-pensée transparaît à l'évidence dans l'insidieuse campagne de dénigrement lancée contre les syndicats qui participent à la contestation sociale et à laquelle Ahmed Ouyahia s'est joint en proférant d'extravagantes accusations à l'encontre de ces derniers et en les menaçant de la «rigueur» de la loi. Rompant avec l'intrigant silence qui a été le sien depuis le début de la fronde sociale qui paralyse l'Education et la Santé, le Premier ministre a en effet lourdement chargé les syndicats qui l'entretiennent, sans laisser nullement entrevoir que son gouvernement est disposé à des compromis qui mettraient fin à leurs mouvements revendicatifs.

Après la carotte qu'ont été les semblants de négociations laissées à l'initiative de ministres dont la marge du pouvoir de décision est singulièrement restreinte concernant les revendications cruciales mises sur la table par leurs partenaires sociaux dont celle du respect du pluralisme syndical, c'est le bâton qu'Ouyahia a agité avec les menaces qu'il a proférées. S'il est vrai que la longueur des grèves dans les secteurs de l'Education et de la Santé suscite un mécontentement populaire grandissant, il est faux qu'il ne s'exprime que contre les syndicalistes et les grévistes. L'Etat n'est pas épargné, accusé d'être dans la confusion en émettant des signaux contradictoires qui révèlent qu'il est soumis à une conduite à vue et pour tout dire à la façon de gribouille qui ne dispose pas en sa faveur cette opinion publique.

A vouloir étouffer le mouvement social auquel ils sont confrontés par le dénigrement et l'exercice de la force à l'encontre de ses animateurs, les autorités prennent le risque que cela engendre au contraire un mouvement de solidarité populaire à leur égard qui pourrait tourner à l'explosion sociale tant redoutée par elles en cette année charnière pour l'agenda politique qui constitue leur feuille de route.