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Le syndrome de Stockholm appliqué à la politique

par Kharroubi Habib

«Le président de la République n'a pas besoin de me rappeler à l'ordre, il m'a nommé, il peut me démettre. On dit que j'ai des ambitions présidentielles. Je l'ai dit et je le répète, je ne serais jamais candidat face au président Bouteflika. Si le président décide d'aller au 5ème mandat, il est établi que je serais à ses côtés pour au moins deux raisons : je l'ai soutenu pendant quatre mandats, je ne peux pas ne pas le soutenir pour un cinquième. Aussi par considération personnelle, je suis un homme qui a certaines valeurs, j'ai été le plus proche de ses collaborateurs dans l'exécutif». Ce sont là les propos martelés par Ahmed Ouyahia en réponse aux questions posées par les journalistes ayant eu trait à ses relations avec le chef de l'Etat et leur possible altération après que celui-ci a semblé l'avoir «recadré» sur la charte du partenariat public-privé.

S'il a été ulcéré par la directive présidentielle dans laquelle Bouteflika a sèchement rappelé que toute opération dans le cadre du processus du PPP passe par une approbation du président et est validée par lui, Ahmed Ouyahia n'en a absolument rien laissé paraître confirmant ainsi une fois de plus qu'il est un formidable encaisseur et un simulateur hors pair. Pourtant si face à la presse le Premier ministre n'a laissé transparaître aucun signe de ressentiment à l'encontre de Bouteflika qu'il a outrageusement encensé, au contraire, Ouyahia aurait selon nos sources «dégrafé la chemise» en cercle restreint de ses proches et fidèles en leur confiant qu'il est bel et bien la cible d'une manœuvre politique visant à le disqualifier de la course à la présidentielle de 2019 et même celle d'au-delà de cette échéance et certain que le chef de l'Etat a par sa directive fourni le prétexte de l'entreprendre à ceux qui ont entrepris l'opération.

L'habileté tactique d'Ouyahia a consisté à faire semblant d'avoir reçu la directive présidentielle comme allant de soi et confirmant la «sagesse» de son auteur et que la polémique qu'elle a soulevée ainsi que les supputations auxquelles elle a donné lieu ne l'ont nullement atteint ou déstabilisé. En cela, l'inoxydable Ouyahia n'a pas dérogé à la stratégie qui est la sienne et a démontré qu'elle est payante pour lui puisqu'elle lui a permis des rétablissements politiques dont aucun personnage public ne peut se prévaloir. Elle consiste en une espèce de «syndrome de Stockholm» appliqué à la politique. Plus il est attaqué et cerné par ceux qui veulent sa perte, plus Ouyahia multiplie les signes d'allégeance et de totale loyauté à l'endroit de celui qu'il sait être leur inspirateur.

Sa prestation d'hier devant les journalistes sur les remous provoqués par la directive présidentielle n'a pas dérogé à cette stratégie de «survie» qui lui a permis de surnager au plus haut du sommet de la politique et de l'Etat. Mais si ses protestations de fidélité et de soutien inconditionnel lui vaudront encore une fois de désamorcer la bombe politique qu'aura été le recadrage dont il fait l'objet et lui vaudront encore d'avoir à compter avec celui qui en est l'auteur, elles l'ont irrémédiablement perdu dans l'estime et le respect de l'opinion publique algérienne écœurée par l'esprit de courtisan qui en est la marque.