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L'effet Kiss cool

par Moncef Wafi

On a tôt fait de parler de la méthode Tebboune, une météorite dans le ciel de la gouvernance made in Bladi, qui contraste singulièrement avec ses prédécesseurs pour qui tout est dans la tchatche, rien dans l'action. De l'esbroufe donc, on passe à l'acte, celui d'avoir le courage de s'opposer à des privilèges bâtis au détriment de l'Etat de droit. Ce n'est pas facile de s'attaquer à des monopoles en place, au fait du prince encore moins à des intérêts soutenus par des cercles au pouvoir et le nouveau Premier ministre a eu ce mérite. Au moins celui-là en attendant de lui qu'il concrétise sur le terrain cette justice sociale phagocytée par une paix sociale devenue la priorité d'un régime qui joue sa survie.

La mise en demeure adressée aux puissants groupes du BTPH, privé algérien et sociétés étrangères, ainsi que le gel de la décision arbitraire d'octroi des milliers d'hectares de bonne terre à des entités en dehors de tout cadre légal sont pour le moment des signaux forts envoyés par Tebboune à ces intérêts d'argent qui ont brassé large ces dernières années. Des noms ont émergé, des Khalifa bis en quelque sorte, qui sont devenus, du jour au lendemain, les plus importantes fortunes d'Algérie multipliant les investissements grâce à l'argent des banques étatiques. Leurs sociétés étant privilégiées dans les projets publics en l'absence de toute logique économique.

Si le lendemain de son installation le mandat de Tebboune commençait par un couac inimaginable avec le limogeage de son ministre du Tourisme, donnant l'image d'un Premier ministre aux ordres, les Algériens découvraient le côté populiste du gouvernement avec des décisions suggérant une continuité dans la logique gestionnaire du pays. Dettes Ansej, session spéciale pour les retardataires au baccalauréat, gratuité des plages, Tebboune arrivait difficilement à s'émanciper des vieux réflexes de la République, prenant soin de ne pas ruer dans les brancards. Puis vint l'épisode des ateliers de montage des voitures, des avantages fiscaux et de la permissivité de l'administration, une véritable organisation mise en place pour vider les caisses de l'Etat. Si sur ce dossier l'Etat passait à l'offensive, on est pourtant encore loin de demander des comptes.

Le travail et l'engagement du Premier ministre sont en train de redonner confiance aux Algériens, même si tout n'est pas dans le meilleur des mondes. L'avènement de Tebboune n'a pas mis fin aux inégalités sociales ni à la crise encore moins à l'omnipotence de l'Etat policier. Certains détracteurs de son action peuvent suggérer qu'il ne s'attaque qu'aux intérêts d'un clan en perte de vitesse au profit d'un autre levier de puissance mais il aura le mérite de faire bouger les choses, nous rappelant le vent d'espoir et de changement apporté par Boudiaf. On croise les doigts pour Tebboune dans sa croisade contre la mafia politico-financière.