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L'essentiel est ailleurs

par Moncef Wafi

Alors que le pays s'apprête littéralement à amorcer un virage crucial dans son histoire, des pseudo-intégristes 2.0 ont lancé une fetwa facebookiste contre les bikinis sur les plages. Un air de déjà vu avec la guerre contre les burkinis, version salafiste qui donne de l'Algérie l'image d'un pays qui n'a rien d'important à faire que de surveiller les formes féminines au bord de la mer. Au moment où les regards se portent vers un nouveau souffle dans la gouvernance apporté par Tebboune et ses décisions, quoique populistes pour certaines, mais qui ont le mérite de réconcilier ou du moins intéresser les Algériens avec ce qui se passe en haut, on est irrémédiablement détourné de l'essentiel.

Cette histoire d'appel des femmes à prendre possession des plages pour dénoncer le machisme général et l'attitude hostile de la moustache contre toute tentative d'émancipation a ce quelque chose qui gêne. Pas dans le fond, puisqu'il est temps que le harcèlement, sous toutes ses formes, où qu'il soit, soit réellement puni par la loi, mais dans la forme en renforçant le sentiment d'une société bâtie sur la confrontation physique. Les femmes ont le droit d'aller se baigner là où elles l'entendent, seules ou accompagnées, la liberté individuelle étant garantie par la Constitution. Elles ont le droit de bronzer en bikini, en burkini ou en bad'ia si ça leur chante et personne ne peut leur renier cette réalité, mais il se trouve des esprits chagrins, des préposés au paradis qui se permettent d'excommunier et d'apostasier sans autre forme de procès.

Les médias étrangers ont vite fait de donner une image d'intolérance de l'Algérie, nous renvoyant au début des années 90, du temps de la police des mœurs. L'Algérie n'est ni celle des frustrés sexuels ni des féministes enragées, elle est au-dessus de toutes ces polémiques stériles qui la tirent vers le bas et la détournent de l'urgence. Le pays n'a que faire de toutes ces querelles ethniques entre Arabes, Kabyles, Mozabites ou Touaregs, il a plus important à faire et les Algériens de ne plus se laisser distraire par les faux problèmes. Il est temps de se focaliser sur ce qui se passe dans les premiers étages de la République et exiger des comptes. Pourquoi et comment en est-on arrivé là ? Qui sont les responsables de la banqueroute nationale et quand est-ce qu'on va les juger ? C'est en réformant en haut et en donnant l'exemple qu'on arrivera à juguler en bas et c'est plus gratifiant que de s'intéresser à la libido de certains énergumènes en mal de virilité.