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LA GRANDE CAGE A LIONS

par M. Abdou BENABBOU

Ne nous serions donc pas trompés sur la nature de la fameuse cage à lions qui a été décriée avec fougue il y a près de vingt ans ? Sans être sérieusement cru, un haut gradé militaire avait déjà à l'époque murmuré à qui voulait bien l'entendre que le président de la République fraîchement élu avait le pouvoir absolu et pouvait neutraliser qui il voulait sans que personne ne puisse lever le petit doigt. L'allusion concernait des dieux auxquels on attribuait le droit de vie et de mort dans l'opacité immesurable dans laquelle baignent les institutions fantomatiques du pays. Le couvercle du puits était hermétiquement fermé pour que l'on accordât du crédit à une confidence d'une apparence aussi légère qui ne concordait pas avec le flot des rumeurs et des idées reçues amplifiées par la vision unanime mais hâtive et tronquée qu'avait l'opinion internationale sur le pouvoir algérien.

Tout indique aujourd'hui que le gradé disait vrai et que les humeurs et les craintes de l'époque n'avaient pas su donner une mesure juste et perspicace à la cage et qu'en fait elle embrigadait toute une nation. Le futur président de la République sollicité n'aurait pas farouchement insisté pour que le plein pouvoir lui soit donné par l'armée sur un plateau pour qu'il soit ensuite animé par la tentation saugrenue de se tirer une balle dans le pied. Sa stratégie n'était que tempérance et nécessité d'équilibre des forces dont les hauts gradés de l'armée étaient la partie visible du titanesque iceberg. L'AVC qui l'a frappé des années plus tard est le produit d'une mauvaise évaluation des capacités de nuisances éparses et vastes, éparpillées dans l'ensemble de la société algérienne. Pourtant il avait reconnu avec courage que le pouvoir en place depuis l'indépendance et auquel il a longtemps appartenu s'était lourdement trompé.

Le mal est profond et la remise sur pied du pays ne peut se contenter de quelques mises à la retraite forcées aussi remarquables soient-elles ni de quelques initiatives justifiées prises par à-coups. Les problèmes sont si lourds qu'une interpellation patriotique urgente et générale est devenue l'unique impératif. Il s'agit pour chaque Algérien de commencer par donner une juste appréciation de la grande cage à lions dans laquelle il est prisonnier.