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Fracassante lettre ouverte

par Kharroubi Habib

« Le régime contrôle tout et empêche toute évolution positive vers la démocratie». Ce constat n'a pas été dressé par un des leaders de l'opposition mais ce qui n'est pas banal par six membres du comité central du FLN ayant pris l'initiative de rédiger une lettre ouverte dans laquelle après avoir brossé un sombre tableau de la situation politique nationale, ils ont exhorté leurs collègues du CC à avoir un «sursaut de patriotisme» en refusant de continuer à être «un instrument» entre les mains de ceux qui dirigent le pays et éviter le «pire» au FLN.

Les rédacteurs de la lettre ouverte ne se réclament d'aucune des oppositions qui se sont dressées contre le parachutage de Amar Saadani aux commandes du parti et s'essayent à vouloir le destituer. Ils s'en démarquent même en ayant pris le soin de ne pas réduire comme elles les causes de la crise qui menace l'existence du FLN à la question de l'illégitimité de sa direction présente. S'ils veulent eux aussi comme le groupe Abada ou celui de Belayat la convocation du CC du parti en session extraordinaire, ce n'est pas pour qu'il tranche uniquement sur le cas Saadani mais pour faire une évaluation de la situation dans laquelle le pouvoir a mis le pays en persistant à «monopoliser la scène politique, à imposer ses choix, à verrouiller le paysage politique et à dicter sa ligne de conduite dans la vie générale du pays».

Une évaluation qui selon eux conduirait le comité central à prendre «des décisions de manière légale et transparente en faveur du parti». Ils estiment que cette démarche est de la responsabilité du FLN qui se doit «d'appeler le pouvoir en place à ouvrir le débat avec le peuple et revoir sa politique en mettant les intérêts de la collectivité devant ceux de la logique du pouvoir».

Assurément, les signataires de la lettre ouverte aux membres du comité central sont dans une révolte qui n'a pas pour cible principale la personne du controversé «patron» en poste de leur parti, mais contre un pouvoir dont ils constatent qu'il a conduit le pays au mur. Ce qu'ils veulent c'est que leur parti «se ressaisisse» et cesse de lui faire allégeance et «d'encenser» ses décisions «même quand elles sont rejetées par le peuple». Leur «coup de gueule» et ses motivations sont, on le constate, à mille lieues de ce qui fait s'agiter les Belayat, Abada et leurs partisans respectifs.

Ils ne parviendront probablement pas à rallier à leur appel le comité central du FLN peuplé d'individualités qui n'ont pas pour qualité le courage politique. Mais au moins ils auront eu le mérite de s'élever au-dessus des ubuesques conflits internes au FLN dont le seul but pour ceux qui en sont les protagonistes est d'être comptés parmi les ayants droit aux bénéfices de l'immense et révoltante prédation dont l'Algérie et son peuple sont les victimes. Leur lettre ouverte a certes éreinté la direction du FLN soumise à Amar Saadani, mais elle a aussi mis à nu l'inanité écœurante de ses opposants dans le FLN n'ayant pour horizon politique que le siège du secrétariat général ou ceux du bureau politique.