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LAISSER LES FRUITS DES ARBRES TOMBER

par M. Abdou BENABBOU

Les Algériens ont fêté hier leur 24 Février, chacun à sa façon. Les uns remuant leur amertume, les autres brandissant des étendards de la suspicion et la majorité tournant le dos en silence à une gloire éphémère qui lui a accordé une dignité sans fond. En marge du tumulte des rues, le Premier ministre s'en est allé à Arzew pour revivifier un symbole qui a certainement vécu son temps. L'image devenue floue de Aïssat Idir a été ressortie pour se souvenir de la naissance d'un syndicat sur un nuage alors que d'autres plus téméraires et se voulant autonomes et libres battaient le pavé à Alger.

Il est encore bien évidemment question de gaz de schiste, prétexte providentiel pour remonter à contre-courant le cheminement de l'Histoire du pays. Le 24 Février a été sans conteste une révolution. Mais les révolutions ne valent que par ce que l'on en fait. On ne saute pas, sans précaution, du dos d'un âne pour monter dans un avion. Le leader qui a programmé ce saut en toute bonne foi et les Algériens l'ont suivi dans son ivresse populiste en ne tenant pas compte de la profondeur de la nature humaine, convaincus qu'il suffisait de faire don d'un arpent de terre réduit, d'un toit, d'un frigo et d'un téléviseur à des haillons, pour en faire des hommes. Ils avaient la légèreté de croire que la brise du vent, à elle seule, en soufflant sur un drapeau était capable de rendre à un pays sa dignité. On sait que le monde s'accommode difficilement de messies et que les peuples ne s'encombrent qu'un temps de leurs fausses prophéties.

L'Algérie détiendrait la 4ème réserve mondiale de gaz de schiste. Pourquoi donc faire la fine bouche sur cette richesse providentielle et faire l'impasse sur ce cadeau du ciel quand la fausse compréhension collective de l'indépendance et de la souveraineté a été forgée en restant les bras croisés ?

Nous avons été éduqués les uns dans une sublime complicité, les autres à l'ombre des fouets, à laisser les arbres pousser et attendre que les fruits tombent pour les ramasser.