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GENEVE 2 OU LE CYNISME TRIOMPHANT DE L'OCCIDENT

par Moncef Wafi

Guerre des mots, des priorités et de tranchées. Genève 2 ressemble à s'y méprendre à un dialogue de sourds entre un régime syrien qui se repose sur une légitimité intérieure et une opposition en exil appuyée par des puissances dont les intérêts dans la région convergent diamétralement. Ouverte hier, en prélude à des négociations directes et exclusives entre les deux parties avec l'arbitrage de l'Algérien Lakhdar Brahimi, à partir de demain, vendredi, la conférence de paix en Suisse butte d'ores et déjà sur l'avenir de Bachar Al-Assad dans la Syrie de demain.

Pour l'opposition, Riad, Washington, Ankara et Paris, il est inimaginable qu'il prenne part au gouvernement de transition lui déniant cette fameuse légitimité pour gouverner. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry l'a affirmé sans ambages déclarant qu'«il est impossible que cet homme qui a mené une telle violence contre son propre peuple puisse conserver la légitimité pour gouverner». On devine du reste la réponse de la délégation officielle syrienne qui ne s'est pas empêchée de rappeler à l'Américain les droits internationaux. Comme quoi on se défend avec les armes qu'on a. Ainsi, les présents se dirigent droit vers une impasse politique puisqu'il est fait du départ du président syrien une condition sine qua non par l'opposition et ses alliés.

Si le sort de Bachar Al-Assad plane au-dessus de Montreux, celui de Genève I continue d'être au centre des interprétations des uns et des autres. Ainsi, Russes et Américains continuent de s'opposer sur l'interprétation des principes édictés en juin 2012 lors de cette conférence. Les seconds parlent de la formation d'un gouvernement de transition sans Bachar Al-Assad, ce que réfutent les Russes et Damas. Pour les partisans du président, il est manifestement clair qu'il ne partira pas, comme l'a si bien martelé le ministre syrien de l'Information, Omran Ahed Zohbi. Aucune approche convergente ne semble être d'actualité pour le moment et ce point nodal reste la pierre d'achoppement entre régime et opposition.

L'autre point de discorde est à chercher au sein même des délégations occidentales puisque le menu partage Paris et Moscou, chacun voyant ses priorités à la porte de la Syrie. Emboîtant le pas à John Kerry, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a annoncé fermement que l'objectif de cette conférence n'était pas d'évoquer le «terrorisme», mais d'un «gouvernement de transition». Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et lors de sa prise de parole en ce premier jour de la conférence, a rappelé le risque de voir la Syrie se transformer «en foyer du terrorisme international». Ce décalage dans les positions transpire tout le cynisme des capitales occidentales qui n'hésitent pas à financer des groupes djihadistes blacklistés pour renverser un régime récalcitrant.

La chute d'Al-Assad signifie pour Israël et ses alliés, Paris, Doha et Washington, l'affaiblissement militaire du Hezbollah, seule armée dans la région capable de tenir tête aux troupes de Tsahal. Et pour y arriver, on n'hésite pas à mettre le feu aux poudres et à plonger tout un pays dans le chaos. La Libye puis la Syrie qui sera fatalement aux mains des groupes djihadistes et un foyer de l'international terrorisme. Puis, pour prévenir tout danger, les avions de l'Otan bombarderont ce qui reste des murs debout de Damas. Le pays sera peut-être démembré comme en Irak et les entreprises françaises auront des marchés à la pelle pour sortir de la crise économique.