2014. Etrange chiffre. Matricule arrière d'une voiture que le
pays ne rattrapera jamais. Tout est donc mollement braqué vers cette date
limite de péremption : Le clan présidentiel, ses palais, ses proches neveux et
ses cuisines. Les autres, les partis, un peu les journaux. C'est le seul
intérêt international pour l'Algérie, en ce moment : la date 2014 avec une
question molle : le changement sera-t-il biologique ou électoral ? Démocratique
ou par avion ? Mis à part cela, rien. Exercice de la lenteur. Malgré dix mille
rumeurs, Bouteflika est vivant. Malgré vingt mille analyses, le peuple est
mort. Ce qui est contraire à la loi, bien sûr : Bouteflika rajeunit, coince le
temps entre ses dents, dément et garde ses cheveux et ses cinq sens plus les
siens. Le peuple lui, se dégarnit, prend du ventre à cause de la malbouffe
pétrolière, perd sa coupe, ses dents et ses muscles. Bouteflika et le
Bouteflikisme pensent déjà à l'avenir et se préparent. Le peuple pense au passé
et ne le retrouve pas. Bouteflika voyage, reçoit des gens et sourit et passe à
la télé. Le peuple ne voyage plus qu'après la mort, ne reçoit que des coups,
passe à côté et a peur. Donc doucement, prenant soin de ne pas briser sa nuque
ou agiter les oiseaux, l'œil du peuple se tourne vers 2014 et ne voit rien. Et
pour cause : le décompte est occidental. 2014 est une date, alors que le cas
algérien est une situation. En 2014, on sera encore en 1979. Plus nombreux.
Cette date ne changera rien. C'est comme offrir un agenda à une pierre tombale,
disent certains pessimistes. Les grandes dates contemporaines algériennes sont
connues : 62, 65, 79, 92.
Cela veut dire : une indépendance, un coup d'Etat, un
problème de succession puis une guerre civile. A tour de rôle ou en désordre à
chaque fois. 79 peut durer 10 ans. 62 à peine une demi-journée après un match.
92 quatre jours d'émeutes et 65 pendant 6 mois. Parfois plus, parfois moins.
Selon les tensions et les forces. Parfois le coup d'Etat de Tahar Zbiri est une
réussite et l'enterrement de Boumediene juste une rumeur. Parfois, c'est la
guerre et c'est la France qui gagne. Parfois, non. Parfois, Benbella n'est pas
renversé par l'armée mais le contraire et c'est l'armée qui prend sa retraite
sous le nom de Lamari. Puis meurt et ne dit rien. Donc au choix. Quatre dates
et un enterrement. Un pays par rébus du calendrier. Et 2014 ? Ce n'est pas une
date, juste un numéro sur le maillot d'un joueur. Le seul qui a un but malgré
son âge et nos jambes.