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LA BRECHE

par K. Selim

Le passage de Rafah a été ouvert. Définitivement, annoncent les autori     tés égyptiennes. La promesse de la place Al-Tahrir a été tenue. Sans surprise pour les Palestiniens qui attendaient l'officialisation de la mesure.

 Car, depuis que la place Al-Tahrir s'est mise à exprimer librement les attentes de la nation égyptienne, Ghaza se sentait déjà moins seule. Elle respirait mieux en attendant la «mise à jour». La fermeture du point de passage de Rafah par le régime de Moubarak illustrait, jusqu'à la honte, l'état de vassalité du plus grand pays arabe à l'égard des Etasuniens et d'Israël.

 Lorsque le régime Moubarak a commencé à être ébranlé, les premières craintes occidentales ? via le prisme israélien ? à l'égard du mouvement de contestation égyptien portaient justement sur le rapport aux Palestiniens de la bande de Ghaza.

 Le fait que les manifestants égyptiens - très occupés à en découdre avec un régime de coquins et de ripoux - n'aient pas évoqué la question palestinienne a donné lieu à des extrapolations saugrenues de la part des «spécialistes arabes» des plateaux de télévision occidentale. Ils ont clamé avec une certaine allégresse que la Palestine n'occupe plus l'esprit des opinions arabes et encore moins - c'est le plus important à leurs yeux - celui des Egyptiens. Rien que ça ! En d'autres termes, ces spécialistes autoproclamés de «l'esprit» des Arabes s'attendaient à ce que le changement provoqué par la mobilisation du peuple égyptien ne change rien à la situation des Palestiniens.

 Le mouvement des jeunes pour la liberté et la dignité devait, à leurs yeux, perpétuer l'indignité absolue de la fermeture du point de passage de Rafah et de la transformation de l'Egypte en garde-chiourme d'Israël. Il ne s'agissait pas d'analyse mais de désir de voir un message adressé à ceux qui détiennent le pouvoir de fait, les chefs de l'armée.

 Sauf que la place Al-Tahrir ne s'est pas mise en congé. Les Egyptiens continuent, jusqu'à aujourd'hui, à maintenir la pression pour accélérer le démantèlement du régime et de ses politiques. Et la fermeture du point de passage de Rafah, seule voie de respiration pour 1,5 million de Palestiniens, en était une des plus hideuses expressions. De la trahison pure et simple qui se drapait de la préservation de l'intérêt «supérieur» de la nation égyptienne.

 C'est désormais fait. En ouvrant de manière permanente le passage de Rafah, l'Egypte se sort de l'indignité permanente où elle a été placée par le régime de Moubarak. Ghaza respire un peu mieux et l'Egypte a rétabli de sa dignité sous la pression d'un mouvement populaire qui n'a jamais oublié le fait que le régime de Moubarak était pleinement associé à l'oppression que les Palestiniens subissaient.

 L'Egypte vient d'ouvrir une brèche dans l'état de siège imposé aux Palestiniens, après avoir réussi à amener le Fatah et le Hamas à signer un accord de réconciliation qui n'est guère apprécié à Washington.

 Même si la réouverture du passage de Rafah ne concerne que la circulation des personnes, cela constitue un progrès indéniable. La brèche ne fera que s'élargir à mesure que les Egyptiens sont dans leur propre combat contre un régime indigne et vassal.