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LE MENTEUR AU PAS DE SA PORTE

par K. Selim

La colonisation des territoires palestiniens a repris à coups de bulldozers israéliens. Cela était prévisible. Les Etats-Unis, les seuls à même de convaincre Benyamin Netanyahu, ont fait preuve, en dépit des suppliques publiques, de tellement de mollesse qu'il ne pouvait en être autrement. Durant les derniers mois, le lobby pro-israélien a suffisamment fait étalage de sa puissance à Washington pour que Barack Obama renonce définitivement aux velléités d'exercer des pressions sur Tel-Aviv.

 Le président français Nicolas Sarkozy a peut-être saisi l'ampleur de l'impuissance de l'administration américaine en mettant en cause un «problème de méthode» et en suggérant que l'Europe et l'Union pour la Méditerranée participent au processus politique. Les think tank peuvent toujours réfléchir à la proposition de M. Nicolas Sarkozy et sur les raisons qui font qu'une Europe si économiquement puissante n'ait aucun rôle politique au Moyen-Orient. Quant à l'UpM, on avait presque oublié son existence; et d'ailleurs, une grande moitié de l'Europe n'en veut absolument pas. Mais cela est encore un sujet pour les think tank.

 Ni Barack Obama, ni Sarkozy, ni l'Europe et encore moins la fantomatique UpM ne sont vraiment concernés par la reprise de la colonisation des territoires palestiniens. Ils peuvent le regretter, peut-être avec sincérité, mais on n'attend pas d'eux qu'ils exercent des pressions sur Israël. Le plus prévisible est qu'ils demanderont, une fois de plus, à Mahmoud Abbas de faire preuve de patience et de ne pas claquer la porte des négociations. C'est ce que lui demande d'ailleurs Netanyahu après avoir décidé de ne pas prolonger le moratoire.

 M. Mahmoud Abbas, qui a déjà déclaré que des négociations à l'ombre de la poursuite de la colonisation seraient une perte de temps, est, une fois de plus, mis sur le gril. Il devra choisir d'être conséquent avec ses propos ou bien de céder à des «amicales pressions» occidentales. Pour l'heure, la décision qui semble évidente, se retirer de la négociation, n'a pas été prise. Mahmoud Abbas a annoncé une décision après le 4 octobre prochain, à l'issue d'une réunion de la Ligue arabe.

 A priori, cela ne semble pas manquer de sagesse. Nul n'ignore qu'une décision de l'Autorité palestinienne de renoncer aux négociations ne suscitera pas les mêmes regrets mous qui s'expriment aujourd'hui autour de la reprise de l'expansion coloniale israélienne. Le chef de l'Autorité palestinienne et ses collaborateurs vont être soumis à de fortes pressions et il ne sera pas inutile d'avoir le soutien franc des Etats arabes. Sauf qu'il n'est pas sûr que la Ligue, à l'image du «Comité arabe de suivi de l'initiative de paix», ne servira pas d'alibi pour une attitude équivoque.

 M. Mahmoud Abbas sait pourtant qu'un tel alibi est inutile et ne lui épargnera pas d'être accusé par l'opinion palestinienne de poursuivre une politique de concession sans fin. Le chef de l'Autorité palestinienne peut se ressaisir. Le dialogue qui semble se réamorcer entre les deux grands groupes politiques palestiniens, le Fatah et le Hamas, lui en offre l'opportunité. Il ne peut pas transiger sur le rejet de la colonisation sans perdre définitivement la face. Il n'est pas condamné à jouer une fausse partie avec de fausses cartes et de faux arbitres. Il peut dire basta. Il a en effet trop souvent suivi le menteur jusqu'au pas de sa porte pour ne pas en être édifié.