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COLONISATION ET PROVOCATION

par K. Selim

La négociation dans tout conflit, et a fortiori au Proche-Orient, est un aboutissement normal. Ce n'est pour un mouvement de libération ni une honte ni une trahison. A l'heure où l'Autorité palestinienne s'apprête à répondre aux pressions américaines, à «l'invitation» du Quartet et aux incitations arabes, il est nécessaire de rappeler que ce qui est en jeu n'est pas le principe de la négociation avec Israël, mais sa possibilité même. Depuis les accords d'Oslo signés en septembre 1993, les Palestiniens sont dans un processus de négociation face à un Etat qui accentue la colonisation des terres, avec pour but non caché de rendre impossible l'érection d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967.

 Une négociation directe ou indirecte avec un Etat qui colonise avec l'assentiment du présumé parrain des discussions n'a aucun sens. Elle n'a qu'une seule fonction : émousser l'esprit de résistance. Il s'agit de créer une caste de Palestiniens dont le statut s'améliore dans un processus de négociation sans fin et sans but, qu'on oppose aux «terroristes». La démarche a bien réussi. Les Palestiniens sont divisés.

 Mais l'Autorité palestinienne s'est retrouvée dans une situation embarrassante quand, en toute logique et au grand dam de l'establishment pro-israélien de Washington, Barack Obama a commis «l'erreur» de demander un arrêt de la colonisation des territoires palestiniens. C'était une évidence : si l'on veut négocier sérieusement avec le voisin, on ne doit pas continuer à lui voler ses terres. Barack Obama, sous la forte pression du lobby sioniste, a reculé, mais ce qu'il a énoncé reste.

 Un reste de pudeur a conduit l'Autorité palestinienne à exiger l'arrêt de la colonisation comme préalable aux négociations. Mais cette pudeur est en train d'être balayée. Les éternels négociateurs palestiniens de Ramallah sont sur le point d'aller «sans conditions» à ces négociations qui ne finissent jamais mais où de grands pans de ce qui reste des territoires palestiniens seront avalés par les colons d'un Etat théocratique raciste.

 Il semble, aux dernières nouvelles, que sous la pression américaine, le communiqué que doit adresser le Quartet aux deux protagonistes remplacera l'expression «l'arrêt des colonisations » par «l'arrêt des provocations» (!). Gageons qu'avec l'assentiment des Américains, s'opposer à la colonisation va devenir une provocation !

 Si M. Mahmoud Abbas et le comité exécutif de l'OLP acceptent cette formulation qui méprise ouvertement l'intelligence des Palestiniens, ils doivent comprendre qu'ils auront accepté de faire semblant de négocier. Qu'ils ont accepté de refaire le même processus calamiteux qui a suivi les accords d'Oslo : des discussions vaines d'un côté et un expansionnisme colonial agressif de l'autre.

 Les Palestiniens, y compris ceux qui se reconnaissent dans les organisations islamistes, sont prêts à une négociation sérieuse. Ils n'acceptent pas cependant que des dirigeants décident, en leur nom, de participer à une farce qui a trop duré. Ils ont raison de considérer qu'il ne faut pas transiger sur la condition minimale de l'arrêt des colonisations.