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FIASCO !

par K. Selim

A moins d'un coup de théâtre de dernière minute, la conférence sur le réchauffement climatique de Copenhague s'achèvera sur un échec. L'énorme machine médiatique occidentale, à la recherche d'un bouc émissaire, essaie sans conviction de désigner la République Populaire de Chine comme le premier responsable de ce terrible résultat.

 En l'état actuel des engagements des pays riches, responsables de l'accumulation des gaz à effet de serre (GES), la Chine refuse effectivement de faire des concessions sans contrepartie sérieuse. Mais il n'y a pas l'ombre d'un doute, et les gesticulations «africaines» de tel ou tel chef d'Etat européen n'y changeront rien, les responsables du fiasco danois sont les Occidentaux, les Etats-Unis au premier chef. Les pollueurs historiques refusent de s'engager à la hauteur des dégâts qu'ils assument et à celle des enjeux des changements climatiques.

 Le blocage était perceptible dès l'ouverture de la conférence, il y a une quinzaine de jours. La présidence danoise, entre soumission complète aux Etats-Unis, déplorée par de nombreux Européens, et incompétence diplomatique criante, a grandement contribué à dégrader l'atmosphère d'une réunion qui s'annonçait pourtant sous de meilleurs auspices. La stratégie des Occidentaux a consisté à réduire le niveau de leurs engagements et à aboutir à une déclaration politique en retrait par rapport au protocole de Kyoto.

 Sous la pression des multinationales, dont les hommes de pouvoir en Occident ne sont objectivement que des fondés de pouvoir, les termes d'un engagement susceptible de limiter à deux degrés la hausse moyenne de la température globale ont été largement atténués et le caractère juridiquement contraignant d'un accord éventuel abandonné en chemin. Cette position, absurde et dangereuse, est avant tout celle des Etats-Unis. Dans le droit fil de la méthode de son prédécesseur immédiat, le personnage shakespearien qui pilote la politique étrangère américaine a annoncé, sans autre précision, la participation de son pays au fonds climatique destiné à aider les pays du Sud. La déclaration a suscité un déferlement de louanges pâmées de la part de tous les groupies, chefs d'Etat européens et «grands» médias, sans doute pour paver la voie à la déclaration du président Obama devant la plénière.

 Hélas, le président a livré une prestation sans grande envergure, les analystes de circonstance expliquant qu'il ne pouvait aller plus loin sans l'aval de son Congrès. Si on doit espérer du Congrès de ce pays qu'il relève le défi climatique, autant s'attendre au pire et s'y préparer... Mais la leçon est ailleurs, le roi se dénude encore plus vite que prévu. Voici donc un prix Nobel de la paix fraîchement émoulu qui vient en quelques jours de porter l'effort de guerre de son pays à un niveau inédit et de contribuer au sabordage d'une conférence vitale sur le climat.

 Dans cette affaire danoise, les Occidentaux jouent un jeu éminemment risqué. Les stratèges des multinationales considèrent que le gros des catastrophes à venir sera concentré dans les pays du Sud et que les pays développés tireraient profit d'un certain niveau de réchauffement, qui pourrait faciliter notamment l'exploitation des ressources minières dans les pôles. A cette aune, la solidarité est une considération parfaitement secondaire. Le cynisme et l'égoïsme sont la norme des relations internationales. Mais s'agissant malgré tout du devenir commun, le réalisme sordide à l'oeuvre à Copenhague est la marque d'une terrifiante irresponsabilité.