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LE DEVELOPPEMENT N'EST PAS UN LUXE

par K. Selim

La conférence tant attendue sur le réchauffement climatique s'est ouverte hier à Copenhague, entre optimisme mesuré des politiques et prudence des ONG de protection de l'environnement.

 Les engagements des dirigeants des principales économies émettrices de gaz à effet de serre (GES), annoncés à quelques jours de la conférence, ont effectivement rassuré les observateurs et les médias. La plupart craignaient que la montagne n'accouche que d'une souris et qu'un échec ne vienne balayer les illusions de tous ceux qui espéraient en une prise de conscience des politiques.

 Mais les engagements des principaux pollueurs de la planète sont davantage un signal positif qu'un programme à la hauteur des risques que fait peser une hausse substantielle de la température moyenne de la planète. Cela est particulièrement vrai pour l'annonce faite par le président Obama de réductions d'émissions relativement modestes par rapport à l'effort des Européens et des Chinois. Et en plus, ces réductions restent conditionnées à l'approbation du Sénat américain.

 Les conséquences catastrophiques à court et moyen termes sont perçues avec une acuité croissante par une bonne partie de l'opinion mondiale. Une pétition de dix millions de signatures a été remise aux organisateurs de la conférence de Copenhague. Il y a fort à parier que les pressions des ONG sur les politiques vont aller crescendo, à la mesure des inéluctables modifications climatiques.

 Mais les chiffres de réduction des émissions de GES des pays économiquement avancés, s'ils sont importants, n'expriment pas l'effort global des pays de la planète. L'engagement des pays en développement, notamment ceux du continent africain, est nécessaire pour contenir la détérioration climatique. Il est attendu des pays d'Afrique, premières victimes des dérèglements climatiques, qu'ils contribuent à l'effort commun, notamment en protégeant l'environnement et en stoppant la déforestation.

 Les Africains, qui ont décidé de parler d'une seule voix dans la capitale danoise, réclament à raison des compensations à la hauteur des dégâts qu'ils subissent. Ils sont fondés à le faire puisque l'Afrique n'est responsable que de 4% des émissions annuelles de GES. Mais l'inquiétude exprimée par de nombreux acteurs de la vie sociale et économique du continent est que la priorité absolue donnée à l'environnement ne soit le prétexte à la mise sous l'éteignoir des politiques de développement.

 Kandeh Yumkella, directeur général de l'Organisation des Nations unies pour le Développement industriel (ONUDI), a tiré la sonnette d'alarme : «Les pays en développement recherchent de nouveaux fonds pour s'attaquer aux problèmes liés au changement climatique. Si nous cannibalisons l'argent pour lutter contre la faim, contre la mortalité maternelle et ainsi de suite, nous n'allons pas pouvoir résoudre les problèmes auxquels nous faisons face». Le débat est en effet central. «Les pays du Sud veulent aussi se moderniser. Nous ne pouvons pas avoir deux mondes au 21e siècle où nous dirions à certains : réduisez votre croissance, protégez vos forêts, que nous puissions faire comme avant».

 Le développement n'est pas un luxe que les riches, comble de cynisme, pourraient opposer aux plus pauvres au nom de la protection de l'environnement.