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Charniers de l'hôpital Nasser de Ghaza: Des appels à une «enquête internationale»

par Mohamed Mehdi

Au 203e jour de l'agression contre Ghaza, le nombre de victimes des bombardements israéliens a atteint, vendredi, 34.356 martyrs et 77.368 blessés, a indiqué hier le ministère de la Santé de l'enclave. «L'occupation a commis 5 massacres au cours des dernières 24 heures (jeudi, ndlr), faisant 51 martyrs et 75 blessés», a ajouté la même source.

Au 203e jour du génocide israélien à Ghaza, le nombre de journalistes martyrs s'élève à 141, après le martyr du journaliste Mohammed Bassam al-Jamal lors d'une frappe aérienne à l'est de Rafah, a annoncé jeudi le bureau des médias du gouvernement de Ghaza. La même source a précisé que des «centaines d'autres (journalistes, photographes et techniciens) ont été blessés depuis le 7 octobre 2023, et dont les maisons et les familles ont été prises pour cible par l'occupation».

Vendredi, les bombardements israéliens ont ciblé les différentes régions de Ghaza du nord au sud. Le journaliste d'Al Jazeera, Achraf Abou Amra a rapporté plusieurs bombardements de l'artillerie israélienne, peu après minuit, qui ont visé le nord des camps de Nuseirat et Bureij, dans le centre de la bande de Ghaza.

Toujours dans le centre de Ghaza, l'armée d'occupation israélienne a également fait exploser des carrés résidentiels dans la ville d'Al-Mughraqa, et a bombardé un immeuble de la rue Al Wahda, faisant au moins 4 martyrs et plusieurs blessés, affirme la même source. Il s'agit, a précisé plus tard Al Jazeera, d'un bâtiment de la Croix-Rouge Palestinienne abritant des personnes déplacées. Au large de la ville de Rafah, dans le sud de l'enclave, un pêcheur est tombé en martyr et un autre a été blessé par les tirs des navires de la marine israélienne. Des «bombardements d'artillerie permanents» à l'est de Rafah, durant la matinée de vendredi, a annoncé Hani Mahmoud, correspondant d'Al Jazeera English. «En ce moment, nous assistons à des bombardements d'artillerie constants sur la partie est de la ville. Cela fait partie d'un plan de longue date de l'armée israélienne visant à étendre une zone tampon, qui engloutit 16% de la superficie totale de la bande de Ghaza, défrichant davantage de terres agricoles et détruisant les bâtiments résidentiels restants dans la partie orientale», rapporte Hani Mahmoud.

Selon lui, «les attaques semblent se concentrer sur la zone centrale de Ghaza, principalement sur les camps de réfugiés de Nuseirat et Al-Bureij, ainsi que sur la ville de Deir el-Balah». Ces attaques s'étendent aussi «jusqu'à la partie nord de Ghaza, où les tirs d'artillerie et les drones d'attaque sont quasi incessants», affirme encore le journaliste. L'armée sioniste a également bombardé, hier, le quartier Al-Zaytoun, au sud-est de la ville de Ghaza, ainsi qu'une maison dans la ville de Zawaida, dans le centre de l'enclave, faisant un martyr et des blessés.

Appels à une «enquête internationale»

Plusieurs pays et organisations appellent, depuis mercredi, à une «enquête internationale» sur les circonstances des charniers retrouvés dans l'enceinte de l'hôpital Nasser, à Khan Younes, après le retrait de l'armée israélienne.

Les dernières informations fournies, jeudi, par la Protection civile de Ghaza, concernant ces charniers, font état de la «découverte de 392 corps, dont 58% n'ont pas pu être identifiés».

«Nous ne connaissons pas la raison de la présence de corps d'enfants dans les fosses communes de l'hôpital Nasser», ajoute la Protection civile, qui affirme avoir découvert «des traces de torture sur les corps de certains martyrs», avant d'appeler à «l'ouverture d'une enquête internationale sur ces crimes».

La même source a relevé qu'un «certain nombre de corps étaient enterrés dans des sacs en plastique à une profondeur de 3 mètres, ce qui a accéléré leur décomposition». «Nous pensons que l'occupation a enterré au moins 20 personnes vivantes», ajoute encore la Protection civile de Ghaza qui estime à «plus de 2000 disparus» dans des fosses communes.

Jeudi, le Mouvement de la Résistance islamique (Hamas) a appelé les Nations Unies à envoyer des équipes spécialisées pour rechercher les disparus et identifier les martyrs. Le Hamas a également demandé la constitution d'une «commission d'enquête internationale indépendante sur ces charniers qui abritaient les corps de civils malades et blessés, d'enfants et de femmes».

De son côté, Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général des Nations Unies, a déclaré, jeudi, sur Al Jazeera English que, même si l'organisation collecte des informations sur les charniers découverts à l'hôpital Nasser, un mandat est requis d'un organe législatif de l'ONU.

«Nous avons demandé une enquête internationale. Comment cela va-t-il se passer ? Ce n'est pas clair pour le moment. Certaines parties de cette organisation ont le pouvoir de le faire», a déclaré Dujarric. «En attendant, il est important que toutes les preuves médico-légales soient bien préservées», a-t-il ajouté.

Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, la France, la Belgique et l'Espagne et l'Union Européenne, ont appelé à l'ouverture d'une enquête indépendante sur les charniers de Ghaza.

Jeudi, la Maison Blanche a clairement indiqué que Washington souhaitait une «enquête sur les charniers» de Ghaza et «obtenir des informations». Le ministère français des Affaires étrangères a exprimé son inquiétude face aux informations relatives à la découverte de fosses communes des hôpitaux Nasser et Al-Shifa, et a demandé une enquête indépendante pour découvrir les circonstances de ces charniers.

«Israël bloque les enquêteurs»

Côté organisations non gouvernementales (ONG), Amnesty International a déclaré que la découverte de charniers à Ghaza exige des enquêteurs indépendants en matière de droits humains et d'experts légistes.

«Sans enquêtes appropriées pour déterminer comment ces décès ont eu lieu ou quelles violations ont pu être commises, nous ne découvrirons peut-être jamais la vérité sur les horreurs qui se cachent derrière ces charniers», a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice principale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International.

«Les charniers sont des scènes de crime potentielles offrant des preuves médico-légales vitales et urgentes ; Ils doivent être protégés jusqu'à ce que des experts légistes professionnels dotés des compétences et des ressources nécessaires puissent procéder en toute sécurité à des expositions adéquates et à une identification précise des restes».

Pour sa part, Kenneth Roth, professeur invité à l'université de Princeton et ancien directeur exécutif de Human Rights Watch (HRW), a déclaré qu'Israël n'est pas intéressé par une enquête internationale sur les charniers de Ghaza. «Le blocage par Israël de l'entrée des enquêteurs dans la bande de Ghaza entrave la réalisation d'une enquête indépendante sur les charniers récemment découverts», a déclaré Kenneth Roth à Al Jazeera. «Cela nécessiterait simplement la coopération des deux parties, mais Israël ne veut pas autoriser ce type d'enquêtes indépendantes», a ajouté M. Roth.

Israël «veut simplement balayer la question sous le tapis ou dira que nous allons enquêter nous-mêmes», a-t-il ajouté, estimant qu'une telle démarche vise à ce que «personne ne soit tenu pour responsable par les autorités israéliennes».