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Une enseignante poignardée à Batna: La violence en milieu scolaire prend de l'ampleur

par M. Aziza

Les agressions contre les enseignants et le personnel éducatif ne cessent de se multiplier. Une enseignante de la langue arabe a été agressée à l'aide d'un couteau au sein d'un établissement scolaire à Batna par son élève et un surveillant a été victime d'une agression physique par un ancien élève, à Haouch El Mokhfi à Boumerdès. Des actes de violence qui ont été énergiquement dénoncés par les syndicats du secteur, par les associations de parents d'élèves et par le ministre de l'Education nationale.

Plusieurs agressions contre les enseignants et le personnel éducatif ont été signalés dès le début de cette année, mais l'agression au couteau contre une enseignante dans la commune de Taxlent, wilaya de Batna, mercredi dernier, a jeté l'émoi et la consternation au sein de la famille de l'éducation en particulier et parmi la population en général. Les réactions dénonçant ces actes violents ont enflammé la toile depuis cette agression.

Les autorités publiques ont vite réagi. Le procureur de la République près le tribunal de N'gaous, rattaché à la cour de justice de Batna, a précisé à travers un communiqué rendu public que le mineur, présumé auteur de l'agression a été arrêté et fait l'objet d'une enquête.

Il a été précisé dans le communiqué «qu'en date du 11 janvier 2023, au milieu de la journée, les services de la brigade territoriale de la gendarmerie nationale de Taxlent ont reçu un avis concernant l'agression contre une enseignante de langue arabe, répondant aux initiales B.C. R., qui a reçu un coup de couteau au dos donné par un mineur nommé A.H., élève de quatrième année moyenne dans le même établissement où elle exerce. «Aux environs de dix heures, la victime a reçu le père de l'élève, convoqué pour l'entretenir au sujet du comportement de cet élève. Aux environs de midi, pendant la pause des cours, alors que l'enseignante se tenait devant son bureau, le garçon a donné un coup de couteau sur le dos de la victime, avant de prendre la fuite». En précisant, par ailleurs, qu'une ambulance a transporté la blessée à l'hôpital de N'gaous, avant de la transférer au CHU de Batna. Le communiqué indique que «l'agresseur en fuite a été arrêté et fait l'objet d'une enquête». Le procureur général a affirmé, dans le communiqué, «nous nous sommes déplacés à l'hôpital de N'gaous pour nous enquérir de l'état de la victime, dès que nous avons été informés de cette agression», précisant qu'il «suit de près cette affaire».

Le ministre de l'Education nationale, Abdelhakim Belabed, s'est déplacé au CHU de Batna pour s'enquérir de l'état de santé de l'enseignante «Rayhana Benchia» et de la soutenir. Et ce, en compagnie de la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Kaouthar Krikou. Le ministre s'est montré ferme et rassurant en déclarant à l'issue de sa visite à la victime «que l'Etat, à travers son département ministériel, déploie tous les efforts pour assurer la sécurité nécessaire à l'ensemble des professionnels du secteur». Et de préciser que «cet incident exige une réflexion sur les changements à apporter aux règlements internes des établissements scolaires».

M. Belabed a indiqué avoir recommandé au directeur local de l'éducation de prévoir des dispositions spéciales au niveau de l'hôpital pour permettre à l'enseignante Benchia de passer l'examen de promotion le 21 janvier courant, en cas du prolongement de son hospitalisation, réaffirmant «le soutien et l'accompagnement de l'Etat algérien à l'enseignante victime jusqu'à son rétablissement total».

Le ministre a affirmé, en outre, avoir ordonné l'ouverture d'une enquête sur les circonstances de l'agression dont a été victime l'enseignante de langue arabe au CEM Amari-Saïd de Taxlent pour établir les responsabilités, assurant qu' «après les résultats de l'enquête, nous n'hésiterons pas à prendre les sanctions nécessaires et appliquer la loi contre tous ceux dont la responsabilité est établie dans ce tragique incident».

Contacté par nos soins, Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef), a affirmé que la visite du ministre de l'Education à la victime pour s'enquérir de son état de santé est une première «c'est un geste et un signale fort». Il s'agit, peut-être, dit-il, «d'un bon début pour un changement véritable dans la conception même de la sécurité dans les établissements scolaires».

Il dira que la loi criminalisant les agressions contre le personnel de l'éducation réclamée par la majorité des syndicats du secteur, à elle seule, ne peut régler ou cerner ce problème d'agression qui est devenu récurrent durant ces dernières années. Mais, il faut, précise-t-il, accompagner cette loi par d'autres mesures, telles que l'installation des caméras de surveillance à l'entrée des établissements et le recrutement de surveillants et agents de surveillance dans les écoles.

Il propose mieux, la révision de loi du 23 janvier 2008 n°08-04 portant orientation sur l'éducation nationale et qui fixe les dispositions fondamentales régissant le système d'éducation nationale. Cette loi stipule que l'enseignement est obligatoire pour toutes les filles et tous les garçons âgés de 6 ans à 16 ans révolus. Et aucun élève ne doit être exclu de l'école qu'après avoir dépassé l'âge de 16 ans.

Donc, dit-il, parfois certains établissements se trouvent dans l'obligation de garder des élèves qui affichent un désintérêt total à leur cursus éducatif et parfois ils sont dans l'obligation de garder des élèves violents et qui récidivent à chaque fois sans pour autant les exclure de l'établissement. Il précise, selon des informations récoltées, «l'élève violent aurait récidivé puisqu'il aurait déjà agressé le directeur de l'établissement».

Il ajoute qu'il faut impérativement changer cette loi «notamment avec la démocratisation de l'internet et la propagation de la drogue, les psychotropes et l'alcool au sein des écoles».

M.Amoura dira que face à cet acte de violence et d'agression que «nous condamnons fermement», il y a une responsabilité partagée que ce soit de la part des parents d'élèves ou de la part de notre système d'éducation. «On ne peut forcer un élève à poursuivre ses études alors qu'il ne veut pas étudier, on doit dans ce cas le réorienter vers la formation professionnelle».

L'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation a dénoncé à travers un communiqué rendu public, cet acte de violence en exigeant l'élaboration d'un projet de loi qui protègera le personnel éducatif de toute forme d'agression.

Le Syndicat national des directeurs des écoles primaires (SNADEP) a pour sa part réclamé, à travers un communiqué dénonçant cette agression, une loi criminalisant les agressions contre les enseignants et le personnel éducatif. Et a appelé à l'ouverture d'un dialogue responsable sur le phénomène de la violence dans le milieu scolaire en général.

Les craintes exprimées par l'organisation des parents d'élèves

La secrétaire générale de l'Organisation nationale des parents d'élèves, M.Adejina Ourida, a dénoncé elle aussi cet acte de violence, mais elle a insisté auprès du Quotidien d'Oran sur la nécessité de trouver une solution globale à cette problématique de la violence en milieu scolaire. En exprimant ses craintes de vouloir traiter ce problème d'un seul côté seulement. Elle dira «nous avons constaté que les réseaux sociaux se sont enflammés, des tweets, des posts sur Facebook, des appels qui diabolisent les élèves et pointant du doigt uniquement la responsabilité des parents d'élèves, alors que le problème doit être analysé dans le fond».

Il faut penser, dit-elle, à des solutions globales et des stratégies de lutte qui concernent tous les intervenants dans le milieu scolaire. Il faut, dit-elle, redynamiser le rôle de la cellule d'écoute et de suivi «qui se contente aujourd'hui d'assurer des missions administratives». Il faut également, dit-elle, redynamiser le rôle que doit jouer le conseiller d'orientation scolaire, ainsi que le rôle de l'enseignant désigné président de la classe, notamment pour un accompagnement des élèves, notamment ceux ayant des carences que ce soit en matière de comportement ou des carences pédagogiques. Sans parler, dit-elle, du rôle que doit jouer le conseil des classes. Avec la nécessité de former les nouveaux enseignants sur le comportement à suivre pour gérer et maîtriser la classe et accompagner les élèves.

Elle conclut en affirmant que les autorités doivent aussi trouver des solutions à la surcharge des classes.