Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Nouvelle morale publique

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Durant toute une semaine, sur initiative d'une Administration, une campagne nationale de sensibilisation sur « les produits contenant des couleurs et symboles contraires à la religion et aux valeurs morales de la société algérienne» afin d'alerter les consommateurs et les opérateurs économiques sur «les risques et les fâcheuses conséquences de la présence de tels produits sur le marché national» a été lancée. Sans aucune autre précision, ce qui a indubitablement entraîné moult commentaires surtout interrogatifs et une «chasse» sans limite de tout ce qui est considéré comme «indésirable» en Algérie. On ne sait au juste les raisons qui ont présidé à la «razzia», d'autant que l'Administration en question existe depuis bien longtemps et est chargée en principe de la régulation de tout ce qui est commercialisé.

Et pourquoi maintenant: Pour imiter (et/ou surpasser) les Qataris qui, au passage, en dehors des histoires de consommation de bière dans les stades et de rejet des couleurs favorables-dit-on- au mouvement Lgbt, ont brillement réussi leur Coupe du monde dans une ambiance de totale liberté, surprenant ainsi tous ceux qui s'attendaient à des dérapages concernant surtout les comportements des supporteurs étrangers ? Pour nous préparer, dès maintenant, spirituellement, au Ramadhan qui approche à grand pas puisque, déjà, on commence à organiser les « Souk Errahma » ? Pour donner de la consistance à un plan de charges et à un programme de travail quelque peu bousculé par la flambée des prix à la consommation en raison d'une certaine spéculation ? Ou, tout simplement, pour « redresser » moralement la société, estimée en perdition ou ignorante!Un peu de tout, de tout un peu qui ne manque pas de «brouiller» le radar sociétal des enfants surtout et, selon bien des observateurs, créer une autre paranoïa chez les citoyens. Car, en vérité, les citoyens -faisant largement confiance en leurs douaniers et en leurs contrôleurs de commerce - dans leur large majorité sinon la quasi-totalité ont fait, jusqu'ici, peu cas des couleurs des produits commercialisés, et ne pensaient même pas qu'ils comportaient des symboles contraires à la religion et aux valeurs morales de la société algérienne.

Ceci dit, mis à part les habituels râleurs et gardiens de la morale publique qui voient le mal partout, à travers certaines émissions de télés « algéro-étrangères » et de réseaux sociaux. Personnellement, malgré les larges lectures et ma fréquentation soutenue des «souks», je n'avais jamais fait attention à la «chose», comme beaucoup de mes concitoyens, les enfants et les jeunes encore moins. Désormais, comme beaucoup, je vais faire gaffe: chasser les couleurs et les dessins « douteux » et immoraux, vérifier les écritures, faire valider les lectures, peser mes commentaires et mes mots, bien « choisir » mes achats après avoir vérifié la « halalité » des notices d'accompagnement, ne plus offrir à mes petits-enfants n'importe quel jouet. Donc, désormais, on va faire attention, on va suivre les résultats de la campagne. En attendant avec impatience les pluies, pour se suffire des inévitables et magnifiques arcs-en ciel, tout en souhaitant que les nouvelles belles (?) couleurs de l'Hôtel Seybouse de Annaba ne soient pas supprimées ou couvertes.