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Pour une gestion durable des zones humides, en Algérie

par Mohamed Khiati (*)

Le 2 février dernier l'Algérie, à l'instar de nombreux pays, a célébré la Journée mondiale des zones humides, sous le thème : « Agir pour les zones humides, c'est agir pour l'humanité et la nature ». Cet évènement à caractère international avait pour principal message, cette année 2022, la valorisation des zones humides, dans la mesure où elles offrent de nombreux avantages pour le bien-être de la planète et des humains.

La gestion durable des zones humides permet la conservation et la préservation de ces écosystèmes et de sauvegarder la richesse de la biodiversitéì et de la vie dans ces écosystèmes naturels.

Dans la sémantique «Les zones humides sont des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d'eaux naturelles ou artificielles permanentes ou temporaires, où l'eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d'eau marine dont la profondeur, à marée basse, n'excède pas six mètres». Les zones humides ont des fonctions écologiques vitales : elles assurent la régulation des régimes hydrologiques et abritent une très grande diversité biologique».

Historiquement, la Convention sur les zones humides a été signée dans la ville de Ramsar (Iran), en 1971, et est entrée en vigueur en 1975, avec pour objectif: « la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides par des actions locales, régionales et nationales et par la coopération internationale, en tant que contribution à la réalisation du développement durable dans le monde entier. »

La Convention Ramsar a adopté une large définition des zones humides comprenant tous les lacs et cours d'eau, les aquifères souterrains, les marécages et marais, les prairies humides, les tourbières, les oasis, les estuaires, les deltas et étendues intertidales, les mangroves et autres zones côtières, les récifs coralliens et tous les sites artificiels tels que les étangs de pisciculture, les rizières, les retenues et les marais salés.

L'Algérie a adhéré à la Convention de Ramsar par décret n° 82-439, du 11 décembre 1982. Cette Convention est entrée en vigueur en 1984 et a permis le classement de deux sites sur la liste des zones humides d'importance mondiale : le lac de Tonga et le lac Oubeira, situés dans le complexe des zones humides du parc national d'El Kala.

Les zones humides en Algérie :

Les zones humides couvrent en Algérie, selon les données de la Direction générale des forêts (DGF), une superficie de 3 millions d'hectares et comptent de nombreux sites dont 23 d'importance internationale ont été classés en 2001 et 42 zones humides classées, en 2007.

Plus tard, en 2008, la DGF, autorité de la Convention de Ramsar, fait état de l'existence de 2.375 zones humides, dont 2.056 naturelles et 309 artificielles parmi lesquelles, 50 zones sont classées sur la liste Ramsar d'importance internationale. Selon leur répartition, on distingue :

? Au nord-est du pays, une partie fortement arrosée ; elle renferme un complexe lacustre important de par le nombre de zones humides classées et la superficie, c'est le cas des lacs Oubeïra, Mellah et Tonga au Parc national d'El Kala dans la wilaya d'El Tarf ;

? Au nord-ouest, une région soumise à un régime pluviométrique moins important, se caractérise par des plans d'eau salés /marais tels que La Macta à Mascara et la grande Sebkha et les Salines d'Arzew, dans la wilaya d'Oran ;

? Au niveau des plaines steppiques, caractérisées par une pluviométrie faible, avec une sécheresse estivale prononcée. Elles contiennent des sebkhas et des chotts : Sebkhet Bazer et El Hamiet (Sétif) ; Chott El Hodna (M'sila- Sétif-Batna), Chott Melghir (Biskra), Chott Chergui (Saida)... ;

? L'Atlas saharien et le Sahara sont caractérisés par un réseau hydrographique fossile extrêmement ramifié représenté en surface par des lits d'oueds et des oasis ;

? Les massifs montagneux du Hoggar-Tassili (Sud) comprennent, quant à eux, des zones humides permanentes appelées Gueltas.

Par ailleurs, le bilan non exhaustif établi par les services des forêts montre que, depuis l'adhésion en 1982 à 2012, une cinquantaine de zones humides a été classée d'importance internationale sur la liste de la Convention Ramsar.

Il convient par ailleurs de noter qu'un inventaire national des zones humides a lancé en 2006, revu et rehaussé en 2008, et un plan de gestion intégré a été élaboré permettant la gouvernance durable de ces zones sachant toutefois qu'un premier plan a été déjà mis en oeuvre en 1996 pour le site de Beni Belaid, à Jijel, avec l'appui de l'initiative Medwet des zones humides méditerranéennes.

Depuis, d'autres plans ont vu le jour. Ils ont concerné d'autres endroits, en l'occurrence les sites de Oglet Ed-daira (Naâma) et Dayet-Tyour (Bechar), en 2005 ; le lac de Réghaia (Alger), en 2006, de cinq sites Ramsar au Parc national d'El Kala et un complexe des zones humides à Guerbes-Sanhadja, dans la wilaya de Skikda, en 2012.

Parallèlement, un réseau national d'observateurs ornithologues algériens (RNOOA) a été institué par arrêté ministériel datant du 2 août 2011, pour le suivi de l'état de conservation des zones humides à travers le dénombrement des oiseaux d'eau qui constituent d'excellents indicateurs de la santé des ces zones.

Au niveau international, ledit réseau national est impliqué dans les processus mondiaux de préservation des oiseaux dans le cadre de l'Accord sur la Conservation des Oiseaux d'Eau Migrateurs (AEWA), auquel, l'Algérie a adhéré par décret présidentiel n° 06-140 du 15 avril 2006 et dont le point focal est la DGF.

Il est à relever que les menaces qui pèsent sur les zones humides se manifestent par l'extension, souvent irréfléchie, et l'existence de périmètres irrigués adjacents à certaines de ces zones. Leur atterrissement est lié essentiellement à des défrichements illicites entraînant un charriage important de matériaux solides (cas du lac Tonga).

Les zones humides sont également menacées par l'extension urbaine qui les utilise comme réceptacle des eaux usées : cas du Lac des Oiseaux, à El Tarf, par la chasse illicite et incontrôlée qui affecte les populations d'oiseaux d'eau hivernant (cas du Lac Tonga) et enfin, par le pompage excessif et souvent irrationnel des ressources en eau au profit d'une agriculture spéculative forte consommatrice d'eau en période sèche (cas du Marais de Réghaia, dans l'Algérois).

Il est à souligner que la DGF a élaboré une stratégie nationale multisectorielle des zones humides pour la période 2015-2030 qui constitue, en fait, un instrument important pour amorcer un développement écologique et socio-économique durable de ces milieux et contribuer, par la même, à la lutte contre la désertification, à l'atténuation/adaptation aux effets des changements climatiques et à la sécurité en matière de ressources hydriques.

Dans ce contexte, un Comité national multisectoriel a vu le jour par arrêté ministériel du 20 mars 2012, institué pour l'élaboration de ladite stratégie et de veiller à sa mise en œuvre.

Ladite stratégie nationale de gestion éco-systémique des zones humides vise à préserver ces espaces et leur système dans une perspective durable. Elle s'est fixée comme objectif essentiel la garantie d'une gestion éco-systémique des Complexes de Zones Humides (CZH), au niveau national, en vue d'assurer le bon fonctionnement de ces zones et leur permettre de fournir des services écologiques au profit des générations actuelles et futures et en faveur du développement économique durable, ainsi qu'une meilleure résilience aux changements climatiques.

Il est à rappeler, par ailleurs, que lors de la journée d'information et d'évaluation de l'action du secteur des forêts « atouts et contraintes », organisée par la DGF et tenue à Batna, le 17 juin 2018, une série de recommandations avait été formulée à l'occasion concernant le développement des zones humides. Ces recommandations ont porté essentiellement sur la nécessité de l'actualisation des inventaires faunistiques et floristiques pour une meilleure efficacité d'intervention; le renforcement des capacités des cadres du secteur pour une meilleure connaissance des milieux naturels et de réhabilitation des habitats; le financements pour l'élaboration d'études de classement de nouvelles aires protégées ; la création de corridors écologiques ; l'aide au développement d'activités éco-touristiques et enfin, le financements des études de plans de gestion des sites Ramsar et leur mise en œuvre. Enfin, le faciès de morphologie et le potentiel naturel dont dispose le pays, constituent, à plusieurs égards, un élément important susceptible d'être pleinement valorisé. Les zones humides ne sont pas du reste. Il s'agit de développer leur attractivité à travers l'amélioration de leur qualité qui constitue une source idoine pour la valorisation socio-économique, car elles sont génératrices de richesses et d'emplois. Elles sont protectrices de l'environnement et leviers de valorisation des écosystèmes, outre leur usage pour des considérations scientifiques, culturelles et touristiques, à la fois. Cela appelle à l'adoption d'une stratégie rationnelle de gestion de ce patrimoine naturel, dans le cadre de la gestion de l'aménagement du territoire. La valorisation des zones humides constitue une aubaine et un autre levier pour la promotion économique et sociale du pays.

(*) Agronome post-universitaire

Source :

1. Note d'information sur les zones humides, lors de la journée d'information et d'évaluation de l'action du secteur des forêts « atouts et contraintes », tenue à Batna, le 17 juin 2018.

2. DGF. Stratégie nationale de gestion écosystémique des zones humides d'Algérie, octobre 2016..

3. Les Zones Humides en Algérie. Direction Générale des Forêts.2012.



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