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Tébessa: Les vendeurs informels maîtres des lieux

par Ali Chabana

Vaille que vaille, des dizaines de jeunes vendeurs à la sauvette défient les interdictions et autres intempéries, en se partageant les espaces, les étals de fortune dressés tout au long des trottoirs, la place de la Victoire en est l'exemple parfait, d'un marché de l'informel envahissant, une réalité socio-économique incontournable. « Même si on me chasse, je reviendrai, ça va de mon gagne-pain, je n'ai pas d'autre boulot, mon étal d'articles vestimentaires est ma seule source de vie », dira Walid, le ton résolu, lui qui a bourlingué partout, sans réussir à se stabiliser, le travail précaire n'est qu'un choix imposé par la dureté du quotidien selon lui. Dès les premières heures de la journée, les vendeurs, tout acabit, entament l'occupation systématique des espaces, ils viennent de partout, même des quartiers périphériques. Des commerçants occasionnels, qui par habitude deviennent des permanents, rien ne semble les décourager, parfois c'est toute une fratrie qui se retrouve versée sur le marché informel du travail, faute de mieux, « J'ai deux frères moins jeunes que moi, qui exercent dans la vente de légumes et fruits et dans la friperie. C'est ainsi qu'ensemble nous aidons nos parents à subvenir. Personnellement, j'ai tenté ma chance dans un poste d'agent de sécurité dans une entreprise publique, mais trop de pression m'a fait renoncer à l'emploi.» avoua Belgacem trentenaire, l'air jovial, habitant toujours le domicile familial et d'ajouter : « Vous voyez, avec ce que je gagne, j'arrive tout juste à satisfaire aux dépenses et autres charges, louer un appartement pour pouvoir bénéficier d'une certaine indépendance, c'est un rêve.»

Le long de la muraille byzantine, près du marché couvert ou encore, dans ces nombreuses ruelles de l'ancienne ville, le commerce informel fleurit à vue d'œil, même la pandémie du coronavirus n'a pu le déloger, nos amis revendeurs en ont décidé ainsi. « Depuis mon jeune âge, après avoir été renvoyé de l'école, j'ai pris ce chemin, malgré moi, il m'était difficile de demeurer inactif. Auparavant j'ai travaillé comme apprenti dans une boulangerie, une expérience infructueuse, puisque le gérant de l'établissement m'a congédié pour insuffisance de rendement.» nous révéla Amine, bien installé derrière sa table de produits cosmétiques. A voir tous les étals, on se croit dans une foire à ciel ouvert, bariolée de toutes les couleurs, en ce mois de fin d'automne, sous un ciel gris, les vendeurs s'entraident entre eux, ils s'affairent à monter leurs étals, ici on ne badine pas avec l'assistance mutuelle, qui n'est pas un vain mot, tout s'apprend sur le terrain. « Oui on s'aide entre nous, c'est tout à fait normal, au vu de la situation sociale de chacun de nous, la vie est de plus en plus dure, donc l'élan de solidarité nous rend plus résistants, face aux difficultés de tous les jours.» confirma Ahmed, un vieux de la vieille, bien endurci et qui selon ses propres propos a appris à courber le dos, mais ne jamais céder devant les problèmes. Pendant ce temps, les heures s'égrènent et nos chers revendeurs sont encore là, scrutant l'horizon, l'oreille attentive, le regard tourné vers demain, en pensant à un avenir plus clément.