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Clause d'incessibilité

par Abdelkrim Zerzouri

La question de l'incessibilité des logements du secteur public locatif à caractère social, financés sur concours définitif du budget de l'Etat reste, triturée par les députés et les gouvernements successifs, entre les mesures de son maintien et sa suppression, reste une particularité de bien des Lois de finances, depuis près d'une décennie. Elle revient avec une régularité étonnante sur la table des débats, sans qu'on n'arrive à trancher définitivement dans le vif du sujet. Faut-il permettre aux propriétaires des logements acquis dans le cadre des formules du logement promotionnel aidé (LPA), du logement social participatif (LSP), de la location-vente et le logement social, de les vendre librement ou les frapper d'incessibilité, d'une manière absolue ou durant un certain nombre d'années ? Depuis l'année 2011, on n'a pas fini d'en débattre. Au tout début de l'apparition de cet «incident» réglementaire, les députés ont adopté, à travers la Loi de finances complémentaire de 2011, la suppression de la mesure d'incessibilité de ces logements durant 10 ans, pour la réduire à 5 ans, avant que le gouvernement ne la bloque, en reléguant aux calendes grecques la promulgation du texte réglementaire portant exécution de cette mesure législative.

Depuis, le dossier n'en finit pas de s'inviter dans le débat autour des différents Projets de Loi de finances passés, et jusqu'au plus récent, celui relatif à la LF 2022. Différentes étapes et mesures ont marqué ce dossier, allant de l'allègement de cette mesure à 4 ans, puis à 24 mois et jusqu'au dernier Projet de LF 2022, qui proposait d'aller carrément vers une incessibilité des logements sociaux à partir du 31 décembre 2022, qui a été finalement abrogé par les membres de l'Assemblée populaire nationale (APN). Il s'agit par cette abrogation de «permettre à une large frange de citoyens de céder leurs logements à l'instar des citoyens propriétaires de logements dans le cadre d'autres formules», selon les termes du rapport de la Commission des finances et du Budget de l'APN. Ce n'est que partie remise ? Certainement qu'on continuera encore d'entendre parler de cette mesure qui sème la polémique lors des prochains débats autour des Lois de finances.

Des milliers de citoyens, acheteurs et vendeurs, s'intéressent de près à cette mesure d'incessibilité des logements publics, tel que l'AADL, LSP, LPA ou le logement social, et ni le gouvernement ni les députés n'ont pu à ce jour satisfaire leur longue attente. Est-on conscient que ces indécisions, qui découlent de positions à l'équilibre fragile, ont fait plus de mal que de bien aux citoyens et à l'Etat ? Tout le monde est perdant au bout des exercices, sauf le marché noir. La clause d'incessibilité vise à contrer la spéculation, mais cela n'a pas empêché la banalisation de la vente et la sous-location des logements sociaux, non sans problèmes qui accompagnent les désistements contre reconnaissances de dettes et autres arrangements pour échapper à la clause en question, à l'ombre de ces incertitudes infinies. Peut-on espérer un jour assister à la fin de ce feuilleton d'incessibilité des logements sociaux à travers la mise en place d'un mécanisme juridique stable, hors de portée des marchandages politiciens ?