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Quand quiconque veut devenir maire

par El Yazid Dib

Qui va être maire ce 29 novembre ? Une créature humaine. Ou une autre de la même espèce. Pourvu que le siège laissé pour vacant soit rempli. Tant bien que mal. Médecin ou retraité; là n'est pas le propos. Il est cependant dans ce qu'il peut faire.

Le maire par définition politique est un consensus populaire. Résultat d'une opération électorale d'addition de voix ; il n'est pas le produit d'une gérance. C'est une encaisse de l'ur ne. Il n'est pas un fonctionnaire banal et anodin qu'un acte pourvu d'autorité discrétionnaire arrive à le nommer selon une forme procédurale suite à un concours externe ni le dégommer selon une autre. Il est un partisan et maintenant un indépendant. Il émane, en principe d'une volonté populaire. C'est au parti, le sien à qui incombe le devoir d'assurer la production. Si sur le plan politique toute personne portée sur une liste électorale était supposée remplir les conditions tacites de performance politique, il en serait autrement, la pratique le démontre; quand ce candidat devient élu et de surcroît chef d'un exécutif communal. La partie est pénible plus que ne l'était la campagne électorale.

Celle-ci s'est vite essoufflée, une fois commencée, pour ces énièmes joutes municipales de fin novembre. Quelques affichettes mal conçues, des slogans vides, voilà un menu qu'ils disent électoral. Ce sont en effet les partis qui procréent les maires. Le peuple par son vote ne valide en fait ce qu'il lui est proposé ou/et imposé. Pourtant avec le parti unique, alors que l'on exigeait une démocratie ; celle-ci était pratiquée à une échelle très individuelle. Certes il n'y avait pas autant de partis, mais beaucoup de candidats. Ils se départageaient par le stylo. C'était la personne et non la liste que l'on crédibilisait. Le trait personnel et intrinsèque du candidat, quelque soit son rang «de classement» est vite repéré par l'électeur. Un autre trait manuel servait à cocher les «mentions inutiles». Soit barrer le nom non désiré. La campagne se faisait par le candidat, alors que le parti la faisait pour rameuter les foules. Ainsi, il était difficile de pouvoir s'inscrire dans une liste. Plus difficile serait l'élection. En ce jour, l'on ne voit plus des «têtes» de liste, non rassurées sur l'issue du scrutin. Ils ne seront pas, ces «têtes» forcement désigné-élus comme maire ou P/apw. Le subterfuge du candidat suivant est toujours de mise. L'on peut comprendre le jeu politicien qui se trame au travers le tissage de ces listes. L'expérience a démontré le coup d'Etat électoral fomenté au sein des listes à la veille de l'heure de vérité. Le premier classé n'était utilisé que comme appât électoral. Toujours, beau, gentil et souriant en photo. Fini ce scenario de vitrine et d'achalandage. Le plus populaire fera le leader du choix et encore.

Le P/APC, autrement et il est facilement pratique de l'être, sera celui qui saura s'éloigner des problèmes. C'est-à-dire qui ne les crée pas ni participe à leur création. Il ne lui sera en aucun cas demandé de résoudre ceux qui existent déjà. Il a cependant toute l'attitude de pouvoir régler les affaires en suspense dépendant de son giron. A plus forte raison, il devra anticiper son mandat par le ciblage des impasses ayant emmaillé le mandant antécédent. Il est dommage de constater qu'à chaque nouveau maire, un état des lieux beaucoup plus subjectif est établi. Le logement et l'emploi ne sont pas ses problèmes. Encore s'ils le sont, ils ne sont pas de sa compétence. Ce sont une affaire d'Etat. Que lui restera t-il donc à résoudre ? Rien. Enfin les dissidences en son sein. Les luttes de clans y compris celles du sien. Il pourra par contre éluder les obstacles impératifs dans son parcours quinquennal en veillant à garder intact sa crédibilité ne serait-ce sur le plan comportemental.

La fonction qui par principe engendre l'organe ne devrait point lui faire miroiter le besoin d'adapter la fonction à sa personne. C'est l'inverse qui est vrai. Le maire étant un personnage important, à charge donc pour la personne «élue» de pouvoir rentrer dans la peau de la personnalité convoitée. Il y a de ces maires qui n'ont fait que détruire les routes pour ne jamais les reconstruire, refait les trottoirs pour les refaire une autre fois.

Eloigné de l'acte élaborateur de lois, l'élu en chef local se retrouve démuni quand il s'agit de faire appliquer une réglementation. Il n'est jamais mis au parfum de ce qu'il va advenir de la gestion de sa commune. Même le parti ; le sien à travers ses députés n'arrive pas à créer un lien de coordination permettant au maire de concert avec les représentants nationaux de sa corporation politique d'être informé ou consulté sur l'initiative des lois et règlements. Avez-vous vu un maire saisir directement un ministre pour lui exposer la situation de sa commune ? Et pourquoi ne le fera-t-il pas ? On est loin de penser, que ce maire tient à respecter une certaine hiérarchie. Mais en droit, en bon droit sa hiérarchie n'est que politique. Il n'a pas de lien de dépendance envers le chef de daïra ou le chef de ce dernier.

Certes ce dernier à droit de regard, comme l'autre a le pouvoir d'exercer un droit de supervision, pas plus. Rien n'est érigé comme obstacle réglementaire pour empêcher le maire de saisir, pour les suites utiles, quiconque. Car avant tout, il est une entité d'origine politique. C'est à ce titre qu'il doit oser les choses louables et anticiper les cas indéniables. Seul un cran intrépide, à la limite de l'audace tactique est à même de faire secouer les choses. Seulement le poids de la tradition non écrite pèse lourdement sur le pli communal et chaque maire tend à passer en consignes cette «habitude» à son remplaçant.

Qu'encourt diriez-vous un maire qui aurait à s'adresser directement à l'un ou l'autre membre du gouvernement ? N'est-il pas le premier magistrat dans sa commune ? Le paradoxe, si un citoyen est apte à écrire à n'importe quelle autorité, pourquoi le représentant de milliers de ces citoyens ne pourra-t-il pas le faire ? Avez-vous vu un maire saisir directement son secrétaire général de parti ? Au moins pour lui faire des propositions d'amendement de lois et règlement, après avoir constaté des lacunes ou des dysfonctionnements sur le terrain. Sinon à quoi rime la constitution de groupes parlementaires ? Le maire que l'on imagine sera élu ce jour, c'est cette personne qui incitera l'acte de pouvoir savoir surpasser l'actualité. C'est celui qui saura se libérer de l'emprisonnement auquel il s'auto-destine préalablement. Ce maire, on le suppose saura faire venir l'investissement jusqu'à chez lui, n'attendant pas une faveur à venir d'en haut. Qu'il aille, bâton de pèlerin en main, dénicher les possesseurs de fortune, les amadouer, les assister et leur offrir les potentialités d'établissement dans son territoire. N'est-ce pas là, une règle de compétitivité à instaurer entre les différentes communes ? L'émergence et la promotion de l'intercommunalité ne sont-ils pas les principaux exposés des motifs dans le nouveau projet du code communal ? Qui va empêcher l'action d'un maire voulant ramener un gros investisseur à s'établir dans sa commune ? La loi et le règlement diriez-vous. Certes le Calpi tel qu'il fonctionne actuellement constitue un outil de promotion à l'élan d'investissement mais ne prend guère en compte le souci communal, notamment celui des agglomérations secondaires. Le maire qui y siège n'a de voix que celle de sa petite personne, comparée à celle d'autres membres plus consistants, notamment celle du président de séance. Le maire qui sera élu ce jour, doit être cet homme ou femme (je ne pense pas, hélas qu'il soit une femme) qui prendra le taureau par les cornes. Il ira à l'Assemblée Nationale, fort de son groupe de députés, étayé par les membres de l'instance suprême de son parti et y fera son discours.

Encore diriez-vous la loi ne le permet pas. Mais, ça sert à quoi, alors un maire s'il n'arrive pas à mobiliser ses soutiens politiques, sa propre famille ? Pourtant la nouvelle loi relative à la commune avait tenu à introduire dans son dispositif la gestion participative pour impliquer davantage le citoyen dans la gestion des affaires de sa commune. C'est cette notion de «défendre son dossier» qui devra primer chez le nouveau maire et partant assurer le confort socio-économique de ses concitoyens. Du ciblage des sources d'investissement et leur accompagnement continuel dépendra la réussite d'une commune. Les citoyens, électeurs et population sont en attente de voir se faire à leur bonheur, des réalisations, des actions capables d'endiguer qui le chômage, qui la précarité, qui la monotonie. En fait, chaque maire est tenu de lutter contre la pauvreté. Rester dans l'expectative de l'affectation de ressources fiscales, prêter le flanc à quelques subsides subventionnels n'est pas de nature à faire émerger une nouvelle race de dirigeants élus des collectivités locales. J'ai vu des maires faire le pied-de-grue dans des cabinets de walis, alors que l'on devrait les faire chez eux, à moindre peine. J'ai vu des maires prendre peur bleue à la moindre vocifération quoique indirecte d'un gouverneur local. Comme j'ai entendu parler de ces maires qui défiaient des décisions qu'ils prenaient pour iniques et prises par des préfets en mal d'inspiration populaire. Quel est ce maire, me raconte-t-on qui dans ses bureaux s'est vu défiler un groupe de marchands occasionnels, venus porter à sa connaissance une interdiction d'étaler leurs marchandises en cette pré-période du mouloud ennabaoui. Dans sa ville Sétif, la tradition était alors d'assiéger les bords situés sous les arcades d'un boulevard en vue de la revente pour quelques jours; de bougies, de dattes, de confiserie, de bkhor, de henné, arômes et autres substances minérales à usage domestique. Le wali de l'époque n'ayant pas tenu compte de cette coutume de négoce, s'est empressé, croyant assainir l'espace de prendre un arrêté d'expulsion par l'usage de la force publique. Apres échange de propos et d'amabilités superficielles et devant le refus du wali de revoir sa positon ; le maire prit alors à son tour un arrêté municipal autorisant de telles pratiques. L'humeur de la mauvaise cohabitation dans la gestion bicéphale de la commune commençait déjà à prendre forme. Vous le devinez, c'est à la légitimité historique qu'est revenu le dernier mot. Depuis ce temps là, cette ville n'a connu aucun maire qui a le feu dans la bouche, la volonté dans l'effort, la modestie dans la tête, le bronze dans les c... tous ont eu l'envie du job par des fausses comédies. Le dernier en date reste la pire édition de l'histoire communale.

En fait du sujet, pourquoi sommes nous obligés de confondre nos différents responsables élus ou nommés que par cette prédisposition à la contradiction ou aux bras d'honneur ? La guéguerre, l'incompatibilité d'humeur, la prise du dessus, la démonstration de force, la volonté de nuire, l'apparat extérieur dominant ne sont pas d'excellents paramètres de comparaison. Ce n'est pas à l'entêtement qui se pratique le plus souvent au détriment d'une population que l'on doit reconnaitre un bon d'un épouvantable maire. Il y a des walis qui par désharmonie ou incompréhension mettent au placard un maire, mettant ainsi toute sa localité dans la marginalisation de l'octroi de projets et retournent leurs regards à son égard. D'autres sont plus à l'écoute de la population que ne l'est leur représentant. La personnalité et ses traits intrinsèques demeurent cependant et à jamais des atouts majeurs dans un maire qui saura les mettre en évidence. J'ai entendu parler de cet ex-ministre qui, élu maire de sa ville - maire à ce jour- recevait tout l'honneur de la part de sa tutelle. Le chef de daïra ? devenu, plusieurs fois wali à ce jour- ne le convoquait pas. Il l'invitait gentiment et personnellement, au moment où ses pairs recevaient le plus administrativement du monde des convocations scellées, timbrées et fermées. Pour une quelconque réunion. Et si nous avions comme maire, des anciens ambassadeurs, des anciens ministres, des anciens walis ? Quel serait le comportement de la «tutelle» locale face à ces présidents d'APC ?

L'on constate en finalité que le maire est presque un grand tout. Il est tout, en ce presque de rien du tout. Si le président de l'assemblée communale ne peut ni octroyer un lot de terrain, ni attribuer un logement social, ni dégrever un impôt, ni passer outre un procès-verbal, ni se déplacer, ni interpeller un ministre, un directeur général, que lui reste t-il donc comme attribution à même de légitimer sa «légitimation» ? Nettoyer les rues et les avenues ? Gérer la zizanie communo-intestines? Confronter les émeutes ? Détruire l'habitat précaire et encaisser la colère populaire ? Maire ou président d'assemblée de wilaya, cet élu un personnage hybride et nuancé non encore résolu. D'origine politique, il exécute le plus souvent sans moyens les ordres d'une tutelle publique. Administratif il est soumis ; à l'instar des fonctionnaires gestionnaires aux règles de la comptabilité publique. Sa responsabilité reste entière en tous domaines, sauf en matière politique. Encore il risque de subir les frais politiques et partisans lors d'un prochain scrutin. Que de maires sont partis pour ne jamais revenir. C'est ca justement tout le paradoxe de ce mal-élu. Et là, du coup on assiste au retour d'anciens maires pas trop brillants à leur époque. Ils se sont fait oublier et les revoilà sortir de l'anesthésie du temps et sont en ce jour candidats. La convoitise des postes électifs a pervertit toutes les vertus exigibles en termes de militantisme. J'ai vu des « cadres « FLN courir derrière d'autres corporations antinomiques à leur source d'origine, car leur candidature à été rejetée par celle-ci. Beaucoup de candidats n'ont aucune borne philosophique ou ancrage idéologique. L'essentiel pour eux c'est la quête d'une entremise vers les sphères de ce qu'ils croient comme pouvoir.

Peut importe son appellation, cheikh el baladia, président d'assemblée communale ou plus subrepticement maire; cette fonction élective semble de plus en plus perdre toute sa substance. C'est quand l'on voit un colleur d'affiches, un taxieur clandestin mettre sa candidature sous référence professionnelle de «affaires libres» ou un «agent de voirie» de technicien d'hygiène et de sécurité; que l'on se dit, y a pas à espérer un avenir radieux. Le problème n'est pas dans la nature de l'exercice professionnel plus qu'il est dans la maturité politique et la compétence gestionnelle. Sinon, tout le monde a ce droit de se présenter.

Les quelques panneaux dédiés à la publicité électorale des candidats laissent pantois ceux qui connaissent la ville, ses enfants, ses problèmes et les présumés futurs maires. Ces panneaux, enfin, ce qu'ils nous dévoilent comme listes nous font parfois rire, parfois vouloir pleurer. L'on se dit que la ville ou le pays mérite mieux.

Ce n'est pas à un ancien élu plusieurs fois, ayant consommé 3 ou 4 mandats qu'il échoit encore l'opportunité de pouvoir changer les choses. Il aurait du mettre à profit ses précédentes représentations et non pas se dédire et porter le mal sur le contexte ou l'inadéquation de la situation. C'est un peu bizarre, à la limite de l'inconscience délibérée si l'on voit un président d'assemblée populaire de wilaya qui n'a jamais fonctionné, se remettre en selle électorale dans une commune de surcroît pas celle de sa natalité, ni de son enfance ni adolescence. C'est comprendre ainsi le virus qui l'anime et la voracité d'avoir en permanence même un p'tit siège, pourvu que la pistache y soit. Drôle de personne, dur visage. Cette élection qui vient toutefois différente des précédentes ne déroge pas à la règle qui a tout le temps sévit, consistant entre autres, qu'à défaut pour un cacique de s'impliquer, il incruste son rejeton. Un membre grabataire du bureau de la mouhafadha n'est là que pour veiller à l'épanouissement de son poussin. Ou voir encore des os calcinés par les soubresauts du temps politique revenir de loin, du parti unique et s'arranger dans une liste courante. Peut importe le verre, pourvu qu'il y est l'ivresse.

Alors cette campagne, de par les affiches que les candidats mettent en relief ne traduit nullement une sincérité photographique. On y trouve quelqu'un qui ne ressemble pas du tout à celui que l'on connaît. La cravate occasionnelle fausse la personne et pas le nom. Achour ne s'est jamais de sa vie mis dans un costume. Car ni son métier, ni son environnement n'ont eu un certain penchant pour ce genre vestimentaire. Ce qui fait dire à de nombreux citoyens que la cravate en période pré-électorale suppose un identifiant de candidature. Sur le plan des mentions inscrites au titre des fonctions et des diplômes, l'on a de quoi faire le meilleur exécutif communal qui puisse exister. S'il est tout à fait clair quand les mentions portent sur docteurs, ingénieurs, architectes, techniciens et d'autres bien définies ; il en est autrement pour d'autres qui ne s'apparentent qu'à de l'esbroufe et de l'imposture. C'est quoi «ancien cadre de l'état», «spécialiste en négociation internationale», «cadre universitaire», «homme d'affaires», «chef d'entreprise privée»....? Pour ce qui des diplômes, qui en fait ne veulent absolument rien dire dans ce genre de joutes, l'on lit, Master en droit des affaires, en chariaa islamique.... c'est dire l'outrecuidance qu'une petite commune rurale et éloignée aurait besoin d'un titulaire de Master en relations diplomatiques ou titre équivalent en histoire du moyen âge.

Peut être avec la nouvelle mouture du code communal et du code de la wilaya, les textes subséquents, les pouvoirs publics donneront plus de tonus et plus de substance au personnage de ce maire. A charge aussi pour lui d'être à la hauteur des défis majeurs que se lance le pays.