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La gouvernance, Belmadi et le reste

par R. N.

L'entraîneur de l'équipe nationale de football vient de donner une très belle leçon sur la gouvernance en affirmant encore une fois l'impératif comportement que se doit d'avoir un manager et ce, quelles que soient

les contingences.

Entre le sourire conciliant du président de la FAF, Amara Charaf Eddine, et sa disponibilité pour parler et le visage fermé du coach des verts Djamel Belmadi, face aux représentants de la presse qui les attendaient avec impatience à l'aéroport international d'Alger, il y a toute une posture qui décrit l'expression et le caractère devant marquer la gestion d'un leader. A son arrivée, hier, à l'aéroport en provenance de Marrakech, Belmadi a refusé de faire toute déclaration face à la cohue Oh combien familière des journalistes en particulier les cameramen et à un degré moindre les photographes venus nombreux pour l'interroger après le nul (1-1) des verts lors de leur rencontre mardi soir avec les étalons burkinabés.

A sa sortie du salon d'honneur, le coach s'est dirigé, comme dans ses habitudes, vers la presse pour leur décrypter en quelque sorte un nul qui n'a pas dû lui plaire mais qui n'a en rien terni l'image de ses joueurs. Djamel Belmadi s'est donné quelques minutes ou plutôt, les a concédés à la presse pour qu'elle se calme et commence à poser ses questions. Au lieu d'une conférence de presse, il a assisté à une bousculade entre les « envoyés spéciaux » qui a duré plus qu'il ne le fallait. Il a dû entendre comme tout le monde les reproches des uns aux autres lors de prises de bec entre les cameramen des différentes chaînes de télévision. Une voix a même fusé des écrans pour reprocher à certaines d'entre ces chaines d'être là alors qu'elles n'ont pas d'agrément. L'on se demande à qui s'adressait cette voix alors qu'aucune chaîne télévisuelle privée ne possède le cahier des charges qui lui donne droit à l'activité et qu'elle se devait de conclure au préalable avec l'ARAV (Autorité de régulation de l'audiovisuel).

On n'enfonce pas une équipe qui gagne

C'est en tout ce qu'exigent les textes de création et de fonctionnement de l'Autorité en question, pour que sa prérogative de rappeler à l'ordre toute chaîne qui outrepasse sa mission de service public, en devient conforme et légale. Mais ceci est un autre chapitre du respect par les institutions de l'Etat des lois de la république dans toute leur ampleur et leur profondeur. Stoïque qu'il a toujours été, Djamel Belmadi n'a jamais dérogé aux règles qui s'imposent à lui comme entraîneur de l'équipe nationale et ce depuis sa nomination en tant que tel. De part le fait qu'il a été lui aussi joueur pendant longtemps, il est évident qu'il ait des affinités avec certains noms. Mais il n'a jamais affiché de familiarité avec qui que ce soit du moins en public. Impassible, ferme, pondéré, sévère, plutôt calme mais aussi nerveux durant les matchs, Belmadi cumule une série de qualités les unes complétant les autres qu'un manager se doit d'affirmer devant ses subordonnés durant le travail. Des qualités qui lui assurent la rigueur, la persévérance, la détermination, l'assurance, qu'il affiche en toute circonstance. Ses premières déclarations à Marrakech à propos du match rassurent de sa volonté de voir les Verts corriger des lacunes « humaines », de fatigue, de pressions et parfois d'hésitation. Belmadi est un manager qui n'enfonce pas une équipe qui gagne et qui a souvent fait la joie d'un peuple mal dans sa peau. Il se fait un devoir de la reprendre à chaque fois qu'elle trébuche. Son franc parler ne laisse personne indifférent même s'il doit déplaire à beaucoup de responsables. Perfectionniste et méticuleux, il doit être bien frustré devant les nombreuses embûches qu'il rencontre sur son chemin d'entraîneur. C'est certainement ce qui le pousse à toujours montrer qu'il est là pour travailler et non pour avaliser des manquements au niveau de diverses responsabilités. Manquements sur lesquels il ne ferme pas les yeux parce qu'ils entravent son action d'entraîneur et sa détermination à construire une équipe qui voit loin en terme de succès et de prédominance.

Des Belmadi, l'Algérie en a tellement besoin

Le nom de Belmadi se confond avec cette fermeté qui a toujours manqué à la gouvernance nationale. Son profil cadre difficilement avec le reste du décor dans lequel il est appelé à travailler. Les tuiles qui lui tombent de temps à autre sur la tête semblent lui dire de faire attention de tomber dans les travers des arcanes où se fomentent les coups bas contre toute compétence de surcroît forte de caractère.

Le programme du gouvernement que le parlement devra examiner consacre près de la moitié de ses pages à la diplomatie. Il tente toutefois tant bien que mal d'expliquer la nécessité de revoir le mode de gouvernance ambiant. Un mode qui, pour passer de la servilité à l'efficacité, devra faire des traits de caractère de Belmadi ses critères pour choisir ses hommes. Plus encore, le coach en est le parfait exemple du patriotisme et de l'abnégation pour s'être fixé des objectifs de réussite nationale et internationale tout en ayant pris ses distances avec toutes les chapelles politiques. « Dans le football, il n'y pas de politique », a-t-il lâché avant son départ pour le Maroc. Le coach ne mélange pas travail et allégeance aux pouvoirs. Il pèse ses mots, termine ses phrases, ne fait pas de digression, ne fait pas dans le populisme, ne confond pas foot et vedettariat sur le terrain? Des Belmadi, l'Algérie en a tellement besoin, dans tous les domaines et à tous les niveaux. Prions pour qu'il ne jette pas l'éponge à force de vouloir corriger des défaillances de gouvernance qu'il semble ne pas comprendre encore moins accepter d'enjamber hypocritement comme a toujours fait le reste des dirigeants.