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Que faudra-t-il pour vaincre la pandémie ?

par Palitha Abeykoon1, Maha El Rabbat2, David Nabarro Et Coll3

GENÈVE - En tant qu'envoyés spéciaux sur la COVID-19 pour le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, nous avons constaté de première main les intenses souffrances causées par la pandémie, particulièrement dans les collectivités les plus démunies. Cette grande tragédie s'est déroulée sous nos yeux et n'est toujours pas près de s'arrêter.

Selon notre expérience, la grande priorité pour intervenir devant une maladie infectieuse consiste à sauver des vies et à protéger la santé et le mieux-être des générations actuelles et futures. Parallèlement, nous sommes de plus en plus préoccupés par les maux sociaux et économiques que la COVID-19 nous a fait subir. Avec les gens du monde entier qui peinent à préserver leur mode de subsistance constamment menacé par le coronavirus, il est devenu évident que cette pandémie est plus qu'une urgence sanitaire. Elle s'est métamorphosée en crise mondiale touchant tous les aspects de la vie humaine.

Dans un tel contexte, l'une de nos plus grandes craintes est qu'après des décennies de gains, les perspectives des générations futures se sont subitement assombries. Certaines régions connaissent des reculs par rapport aux gains réalisés des 20 dernières années. Le risque est grand de voir disparaître des réalisations comme un taux d'emploi supérieur, des services essentiels élargis et une scolarité accrue (particulièrement chez les filles). La même chose vaut pour les progrès accomplis sur le plan des infrastructures, des services d'aqueduc et d'égout, de la lutte contre les maladies, de la stabilité politique et des institutions publiques.

Cette perte de terrain à l'égard des objectifs de développement durable de la communauté internationale pour 2030 amènera son lot de coûts disproportionnés, dont la plupart seront subis par les plus vulnérables. Prenons la campagne de vaccination. Grâce à une formidable coopération internationale, la communauté internationale a pu créer un Accès aux outils d'accélération de la lutte contre la COVID-19 (ACT-A) pour faciliter les échanges technologiques, ainsi que le dispositif d'Accès mondial au vaccin contre la COVID-19 (COVAX) qui a pour mission de distribuer équitablement et efficacement les vaccins dans le monde entier.

Malgré le fait que des centaines de millions de doses de vaccins ont été administrées mondialement, les écarts sont encore très prononcés. Dans les pays à haut revenu, les stocks de vaccin suffisent à vacciner en moyenne, une personne sur quatre; dans les pays à faible revenu, ce chiffre chute à une personne sur 500. À ce stade, il va sans dire que personne n'est en sûreté avant que ces technologies de pointe n'aient été mises à la disposition de tout le monde. Plus nous tergiversons, plus le risque est grand qu'apparaissent de nouvelles souches dangereuses de variants.

Le SRAS-CoV-2, le virus qui cause la COVID-19, n'est certes pas le dernier pathogène contagieux que l'humanité devra affronter. Mais il se pourrait bien que ce soit le dernier qui inflige des coûts aussi exorbitants. Que la prochaine pandémie puisse être évitée dépend de nous tous, et des engagements de la part de tous les pays de mettre en œuvre le Règlement sanitaire international, le cadre juridique de l'OMS établissant les modalités de préparation minimale de la réplique sanitaire à la transmission transfrontalière de pathogènes et aux autres urgences sanitaires.

Outre l'adhésion à ces mesures existantes, les dirigeants mondiaux devraient adhérer à six autres mesures. Premièrement, il faut revoir de fond en comble l'échelle des investissements dans la préparation mondiale, pour que nous puissions détecter la prochaine pandémie potentielle aussitôt que possible. Il y a maintenant de nombreux éléments permettant d'affirmer de ce qui fonctionne bien et nous avons obtenu une expérience durement gagnée en faisant fonctionner les systèmes nécessaires comme ils le devraient, et ce, mondialement. Tous les pays doivent s'engager à échanger des informations pertinentes rapidement et à s'assurer de leur fiabilité.

En second lieu, il faut faire plus pour empêcher les agents pathogènes de la faune animale et végétale de se transmettre aux humains. Ceci consiste à jauger les risques de transmission entre les espèces et à adopter un état d'esprit empreint de la philosophie «Un monde, une santé» qui reflète la vigilance à l'égard des interdépendances biologiques et notre obligation commune de protéger des écosystèmes fragilisés.

Troisièmement, il faut s'assurer que tous les pays ont les capacités d'intervenir rapidement dès que retentit la sonnette d'alarme. Il y a un besoin urgent de plus d'investissements dans les réseaux de santé régionaux locaux, nationaux, particulièrement ceux dont les capacités de détection et d'intervention sans délai sont déficientes.

Quatrièmement, les responsables publics doivent faire preuve d'un leadership éclairé en s'engageant à participer à une coopération internationale constructive, sans laquelle le monde court toujours des risques. En tant qu'envoyés de l'OMS, nous sommes encouragés par le fait que 26 chefs d'État, le président du Conseil européen et le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus ont lancé un appel en faveur d'un traité international sur le degré de préparation de la pandémie. Cette initiative peut assurer une base solide pour la coordination à haut niveau entre les autorités nationales. Idéalement, elle conduirait à un nouveau mécanisme conçu pour faire pendant au Règlement sanitaire international et mettre en même temps à niveau tous les systèmes sanitaires nationaux qui en ont besoin.

Cinquièmement, il faut intensifier la coopération internationale pour mettre au point et distribuer les vaccins, les trousses de diagnostic et les traitements qui sont nécessaires pour l'atteinte d'une couverture sanitaire universelle. Ceci implique l'élaboration d'initiatives comme ACT-A qui vise à établir un mécanisme permanent prospectif pour assurer un accès équitable aux technologies de santé essentielles à tous ceux qui en ont besoin.

Finalement, et surtout, il y a un urgent besoin de reconfigurer la réplique sanitaire. Tous les pays doivent renouveler leur engagement à appuyer une stratégie unique et cohérente fondée sur l'équité et la justice, motivée par la détermination de mettre fin à la pandémie aussi rapidement que possible et d'aller dans le sens du leitmotiv de l'OMS : «solidarité, science et solutions».

À titre d'envoyés spéciaux pour la lutte contre la COVID-19, nous continuerons d'appuyer les pays et les collectivités à mesure qu'ils subissent les effets de cette crise. La tâche actuelle est de prévenir et d'atténuer le plus possible les dégâts, ce qui nécessitera des interventions concertées à l'échelle nationale et internationale pour mettre en œuvre des mesures de santé publique judicieuses et renforcer les capacités partout où elles ne sont pas à la hauteur des attentes. Il sera primordial d'appuyer ces efforts, car les vaccins prendront des mois, voire des années à combattre le virus actuel et les variants futurs avant d'être accessibles à tous.

Nous conjurons tous les intervenants de faire leur part pour contribuer à empêcher la prochaine épidémie, de mettre en place les préparatifs nécessaires pour gérer la crise qui s'ensuit. Avant tout, nous demandons aux dirigeants actuels de faire appel à la solidarité nécessaire pour œuvrer de concert au bien commun. Ce que les dirigeants décident de faire maintenant aura des implications pour tous ceux qui vivent aujourd'hui - et demain.

Ce commentaire a été rédigé en collaboration avec : John Nkengasong, directeur des centres africains de contrôle et de prévention des maladies ; Mirta Roses, ex-directrice régionale de l'OMS pour l'Amérique et Samba Sow, directeur général du Centre de développement des vaccins au Mali.



Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier

1- conseiller principal du ministère de la Santé du Sri Lanka est ancien directeur du développement des réseaux de santé au bureau régional de l'OMS pour l'Asie du Sud-Est

2- ancienne ministre de la Santé et de la Population de l'Égypte

3- ancien conseiller spécial au secrétaire général des Nations unies pour le programme de développement durable et des changements climatiques de 2030



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