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Livres
Témoin sur l'assassinat de la Révolution. Récit historique de Lakhdar Bouregaa. Editions El Qobia, Alger / Birkhadem 2020 (Edition revue et corrigée. Ouvrage traduit par Abed Charef). 800 dinars. 441 pages. «Nous étions loin du monde des complots, des combines, des coups d'Etat et des coups bas. Peut-être avions-nous une vision idéaliste de la Révolution». Une courte phrase qui résume tout le parcours d'un éternel combattant. Un homme qui n'a jamais «désarmé»... aujourd'hui encore. D'abord la guerre et le maquis, récoltant les blessures, gravissant les échelons, surmontant ses peurs, déjouant les embuscades, détectant les lâchetés ou les traîtrises. Tout cela, sans jamais se faire prendre par l'ennemi, dans une région, la wilaya IV, pourtant parmi les plus ciblées par l'occupant car la plus enclavée d'entre toutes... et région pullulant, au départ... et «jusqu'à la veille de l'indépendance» de messalistes, «agissant en supplétifs de l'armée française». Sans jamais quitter le terrain national. On comprend d'ailleurs un peu (ou beaucoup) son peu de considération pour l' «extérieur». Un homme qui en vu de toutes les couleurs, et qui a rencontré et/ou côtoyé les plus grands de la guerre. Auxquels il a obéi, aux côtés desquels il a combattu, avec lesquels il discuté ou «négocié», ceux admirés et respectés, d'autres méprisés, certains ignorés... mais jamais écrasés. Tout d'abord le maquis et de grandes batailles (comme celle de Mokorno en décembre 1958... une «légende»), auprès de M'hamed Bougara (le «maître»), Mohamed Bounâama, Khatib... et croisant Larbi Ben M'hidi, Abane Ramdane, Amar Ouamrane, Sadek Dehilès, Tayeb Djoughlali, Salah Zamoum, Bencherif Azzedine, Omar Ramdane, Omar Oussedik, Boualem Oussedik, Mohamed Teguia... Les ratissages militaires multipliés. L'enfer. Des pertes humaines nombreuses (surtout de 1959 à mi-1961). La lutte pour la vie et le tribut de la liberté ! Ensuite le cessez-le-feu... la crise de l'été 62... la prise de pouvoir par le «groupe d'Oujda» et «l'invasion de la capitale par les forces de Boumediène»... la désillusion démocratique («La crise de l'été 1962 fut un de ces moments tristes, douloureux, où on voit un rêve s'écrouler sans pouvoir redresser la situation»)... L'«adieu à l'armée»... député... l'opposition (armée) avec le Ffs ... le «soutien» à Tahar Zbiri (beaucoup plus par amitié que par engagement politique, s'étant trouvé, par hasard, mêlé à la situation) contre le régime de Boumediene, ses rencontres avec Krim Belkacem... Encore des lâchetés, des traîtrises et des déceptions liées cette fois-ci à l'exercice du pouvoir... puis la torture... et sept années de prison. Un livre-thérapie car on y trouve tout ou presque tout de la vie de l'auteur. Et, ce qui est encore plus vrai , c'est qu'il va jusqu'au bout de ses «confessions» en dressant des portraits, souvent longs, parfois assez courts, parfois élogieux, souvent tranchants, des personnages rencontrés, croisés ou simplement acteurs ou figurants de l'échiquier politique du moment évoqué . Ses héros ! Bougara, Cheikh Tayeb Djoughlali, Abane, Ben M'hidi... et d'autres, et d'autres. Un livre-thérapie qui lui a, peut-être, permis de surmonter, le «traumatisme» des désillusions post-indépendance dont les plus importantes sont, sans nul doute, pour lui : d'abord en découvrant, qu'après 62, «une sorte d'égalité dans la honte s'est établie entre celui qui a mené son Djihad pour Dieu et la patrie, et le collaborateur qui travaillait naguère pour l'armée coloniale, pour se retrouver dirigeant d'une révolution et se prétendre symbole du progrès». Ensuite, la période ayant vu son arrestation (le 3 juillet 1967, en plein cœur d'Alger, rue Larbi Ben M'hidi) par les services de sécurité de Boumediène (la Sm), les séances interminables et plus que cruelles de torture... avec plus d'une année dans une cellule obscure et sans visite, la condamnation (en juillet 1969) à trente années de prison ferme (il en fera sept car il avait refusé de demander à H. Boumediène sa grâce qui lui avait été transmise par le colonel Abdelghani... juste avant président du tribunal le condamnant... Ahmed Draia étant le procureur... tout cela en présence des responsables de la Sm, Kasdi Merbah et Yazid Zerhouni... accusé d'être «un agent de l'impérialisme et de la réaction», de «contre-révolutionnaire»... une peine plus lourde que celle requise par le procureur et l'emprisonnement durant une longue période. L'auteur : Né en mars 1933 à Ouled Tourki, près d'El Omaria (ex-Champelain), à l'ouest de Médéa, sur le flan sud des monts de Chréa. Père fellah (qui a vécu jusqu'à l'âge de 92 ans), fervent partisan de la guerre culturelle («la guerre des écoles») consistant à rejeter l'école française. Témoin des exactions militaires colonialistes en 1948 (après les «élections» de Naegelen)... et rencontre (en fait, il le «voit» seulement) Didouche Mourad, venu alors superviser, au nom du Ppa - Mtld, les élections à El Omaria. Service militaire chez les chasseurs alpins... 1955 : première tentative de rejoindre l'Aln. Echec. 21 ans. Démobilisation en 1956. Retour au «douar». Contacts réussis... Décédé à Alger, 87 ans, le mercredi 4 novembre 2020... après une année bien éprouvante (dont un emprisonnement), marquée, de plus, par la pandémie de la Covid 19. Extraits : «Le Gouvernement provisoire de la République algérienne, Gpra, a été formé en septembre 1958. C'était une grande victoire pour la révolution algérienne» (p. 26). «Cet appareil (le Malg) n'a pas rempli la mission que la Révolution était en droit d'en attendre. Il s'est même transformé en un outil de règlements de comptes entre dirigeants, un instrument pour combattre les wilayas et limiter leur influence, avant de servir de levier pour l'accès au pouvoir à l'indépendance» (p. 33). «Si Salah (Zamoum) et ses compagnons... avaient commis une faute, mais il ne s'agissait pas d'une trahison» (A propos de la rencontre du 10 juin 1960 à Paris avec De Gaulle, p. 195). «La crise de l'été 1962 fut un de ces moments tristes, douloureux, où on voit un rêve s'écrouler, sans pouvoir redresser la situation» (p. 283). «La dérive a commencé lorsque Ben Bella et Boumediene ont pris la pouvoir en 1962... Les choses ont évolué : ce ne sont plus les blessures qu'on exhibe, mais les bars, les camions et les comptes en banque... C'est le sort de beaucoup de révolutions» (p. 315). Avis : Une grande aventure militaire et humaine, racontée avec force détails. Citations : «La torture (durant la guerre d'Algérie) était si répandue, si généralisée, qu'il est impossible à un soldat ou officier français de dire qu'il n'était pas au courant» (p. 48)., «Une Révolution, c'est d'abord un rapport permanent avec une société» (p. 85). «Tuer pour vivre, ou vivre pour tuer (durant la Guerre de libération nationale), tout ceci n'a pas de sens, car on agit instinctivement» (p. 127). «Mourir, tomber en chahid, cela paraît si simple. C'est de vivre qui est alors le plus difficile. C'est pénible, c'est douloureux, exténuant, c'est psychologiquement intenable» (p. 146). «Un chef (en l'occurrence Bougara), ce n'est pas seulement un concept théorique, mais une réalité concrète. On le sent à son contact, quand on discute avec lui, quand on l'accompagne, quand on écoute son discours, quand on observe son comportement avec les hommes, son sens de la décision, sa capacité d'agir et de réagir» (A propos de Si M'hamed Bougara, p. 151). «Autant Ben Bella se laissait entraîner par de simples pulsions, décidait parfois à l'emporte-pièce, autant Boumediene était froid, calculateur, essayant de toujours tirer profit du moindre événement» (p. 345). Te souviens-tu de moi ? Roman de Salah Chekirou. Editions El Qobia, Tiksraine/Alger 2020. 96 pages. Ce n'est pas un ouvrage construit en la forme d'un roman tel que nous le trouvons en librairie. En fait, c'est plutôt une histoire destinée par avance à être mise en scène par un réalisateur de cinéma. D'où le style dépouillé et le rythme très rapide et des scènes alternant le présent et le passé. Tout cela avec un personnage central, Aïcha... une jeune fille alors enlevée par des terroristes - durant la «décennie rouge» - alors qu'elle devait se marier. Son fiancé est égorgé et toute sa famille décimée... Pour sa part, elle sera une otage taillable, corvéable et b... à merci. Elle arrivera quand même à s'enfuir et réfugiée (comme beaucoup de ses soeurs en calvaire) en ville, elle accouchera d'un enfant qui ne tardera pas à mourir. Elle concocte sa revanche et arrive à enlever son violeur et tortionnaire... devenu haut fonctionnaire et protégé de «Fakhamatouhou» (Excellence). Pour Aïcha, la vengeance est un plat qui se mange tout chaud. Elle atteindra son but. Mais à quel prix ? L'auteur : Natif de Redjas (Mila). Journaliste, écrivain ayant édité plusieurs ouvrages en arabe et en français (dont «le grain de sable» en 1999 et «le tycoon et l'empire des sables» en 2006 et «l'otage» en 2017, ancien directeur de l'édition à l'Anep, vivant actuellement au Canada. Extrait : «Tous les massacres perpétrés (ndlr : «décennie rouge») prenaient l'allure de règlements de comptes... D'autant que parmi le groupe des visiteurs de cette journée, deux des tueurs sont originaires de la région et nourrissaient une grande haine vis-à-vis de la famille décimée des suites d'un conflit lointain entre les deux tribus à cause d'une parcelle de terre que les différentes juridictions d'une justice absente n'ont pu régler» (p. 71). Avis : Comme un film d'horreur ! Hélas, le roman décrit bien une tragique réalité vécue par le pays. Citations: «Lorsque le danger est bien réel, la peur devient un choix» (p. 82). «Les extrémismes mènent fatalement au blocage... le réconciliation ne peut se réaliser sans justice et dans l'absence de la vérité «(p. 96). |
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