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Menacée par une guerre
«turque» proclamée contre le maréchal Khalifa Haftar
et ses troupes, la Libye vit depuis dimanche minuit, les premières heures d'un
cessez-le-feu. Ce qui laisse penser que la diplomatie a réussi à prendre le pas
sur les hostilités bellicistes.
Décidemment, il a fallu que le président Recep Tayyip Erdogan prenne la décision ferme d'envoyer des troupes militaires pour contrer l'offensive de Haftar contre Tripoli pour que la diplomatie internationale s'emballe et entrecroise ses efforts pour arriver à s'entendre sur un cessez-le-feu dont l'entrée en vigueur devait avoir lieu hier, dimanche 12 janvier, à minuit... Pour rappel, ce sont les président turc, Erdogan et russe, Poutine qui ont appelé à un cessez-le-feu mercredi dernier à partir d'Istanbul, Les deux principaux belligérants libyens, le premier à l'Ouest avec QG à Tripoli, Fayez Essarej, président du Gouvernement d'Union Nationale (GNA) et l'autre à l'Est, avec commandement à Benghazi, le maréchal Khalifa Haftar et ses troupes « multinationales » l'ont accepté certes sans poser de conditions mais en traînant quelque peu les pieds. Si Haftar le plus hostile à toute solution politique à la crise libyenne a joué à rejeter une telle trêve jeudi dernier et puis à l'accepter samedi soir, le président du GNA qui avait appelé la Turquie à son secours ne l'a fait qu'hier. Fayez Essaraj a en même temps fait savoir par un communiqué qu'il a rendu public hier qu'il fera valoir «le droit légitime » de ses forces de « riposter contre toute attaque ou agression qui pourrait prévenir de l'autre camp». Haftar n'en n'a pas dit moins en avertissant dans la soirée du samedi dernier par un communiqué que la «riposte sera sévère en cas de violation de la trêve par le camp adverse». Le même jour, samedi, le président russe Vladimir Poutine qui avait rencontré la chancelière allemande Angela Merkel à Moscou, avait déclaré que » je compte vraiment sur le fait que dans quelques heures, (...) comme nous l'avons demandé avec le président turc, les parties au conflit libyen cesseront le feu ». C'est donc Poutine qui a réussi à convaincre Haftar d'accepter le cessez-le-feu. Le courant doit bien passer entre les deux responsables puisque le premier a décidé d'aider militairement le second en autorisant les mercenaires de la société « Wagner » à l'aider à avancer dans sa conquête des territoires libyens. Réunion du Comité de l'UA pour la Libye Il faut noter que les responsables russes ont toujours démenti toute présence militaire de leur pays en Libye. Pour l'heure, l'on peut croire que la diplomatie a quand même réussi à renverser un tant soit peu la situation en faveur d'un arrêt des hostilités militaires entre les frères ennemis. Avant Merkel et Poutine, c'est le président de la République qui avait appelé le premier à un cessez-le-feu en Libye. Cessez-le-feu devant être« un prélude à la reprise du dialogue entre les parties libyennes belligérantes à même de trouver une solution politique qui garantit l'unité du peuple libyen et l'intégrité territoriale de la Libye et préserve la souveraineté nationale, loin de toute pression et ingérence étrangère.» Alger a été le théâtre d'un ballet diplomatique depuis lundi dernier où Abdelmadjid Tebboune a reçu successivement le président du GNA libyen, les MAE turc, égyptien, italien et samedi, leur homologue congolais. Ce dernier est venu porteur d'un message à Tebboune de son président Denis Sassou N'Guesso qui est également président du Comité de haut niveau de l'Union Africaine sur la Libye. «L'audience a été l'occasion d'évaluer la situation en Libye, ce pays frère, et l'échange de vues sur les voies à même de mettre fin aux hostilités et aux ingérences étrangères et de dynamiser le processus de négociation entre les parties libyennes ainsi que le rôle de l'UA dans la relance du processus de paix dans ce pays frère, loin de toute ingérence étrangère», est-il affirmé dans le communiqué de la présidence de la République. Le président congolais invite Tebboune le 25 janvier prochain à participer à une réunion du comité à Brazzaville sur les derniers développements de la situation libyenne. L'on note que cette instance africaine n'en sera pas à sa première réunion. Le comité en a, en effet, tenu une en septembre 2017 à la faveur de laquelle il a élaboré une feuille de route qui s'articulait sur la tenue d'un dialogue inclusif inter-libyen et le lancement en janvier 2018 du processus électoral dans ce pays avec au préalable un référendum constitutionnel suivi des législatives et d'une présidentielle devant être précédée par l'installation des institutions de la transition. Notons qu'a l'époque, la réunion s'était tenue en l'absence du maréchal Haftar. Ghassan Salamé, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, avait aussi annoncé sa feuille de route au même moment c'est-à-dire en septembre 2017 et en octobre de la même année, il en avait dévoilé le contenu à Tunis. L'accord inter-libyen de Skhirat vole en éclats Salamé prévoyait par la mise en œuvre de son agenda, de réformer les institutions politiques existantes et faire asseoir à la table des négociations tous les antagonistes libyens pour qu'ils s'entendent sur la tenue d'élections législatives et présidentielles en 2018. Il n'avait par contre pas réussi à convaincre les Libyens sur son idée de constituer« un congrès national » de 800 membres qui devait avoir pour mission essentielle l'organisation des différents scrutins. Notons aussi que plusieurs conférences internationales ont eu lieu sur la Libye mais sans aucun succès d'unifier ses rangs. En décembre 2015, la capitale italienne en a organisé une mais ses recommandations sont restées pratiquement sans effets sur le terrain des affrontements. Paris l'a suivie en mai 2018 sans succès aussi. L'Italie récidive en septembre de la même année sous la pression de Donald Trump qui lui a susurré qu'elle était la plus concernée par la Libye pour l'avoir colonisée. Elle a ainsi organisé une 2ème conférence à Palerme la Sicilienne pour aussi supplanter Emmanuel Macron que Trump ne porte pas beaucoup dans son cœur. Les effets de ces conférences n'ont pas changé grand chose à la situation libyenne. L'évidence est que tout ce qui a été entrepris pour régler ce conflit dramatique n'a respecté aucune disposition de l'accord inter-libyen signé en 2015 à Skhirat, au Maroc. Si beaucoup voulaient son amendement il y a quelques années, aujourd'hui, son contenu tout entier vole en éclats au regard de l'évolution précipitée et dangereuse des événements dans les territoires libyens. L'Algérie continue depuis le début du conflit de réitérer son soutien à une solution politique entre les Libyens. Le président Tebboune a exhorté, lundi dernier, « toutes les parties libyennes à retourner rapidement à la table des négociations». La chancelière allemande qui s'était entretenue jeudi dernier au téléphone avec lui, était samedi dernier en visite en Russie pour la première fois depuis le printemps 2018. Elle a déclaré espérer pouvoir bientôt lancer «les invitations pour une conférence à Berlin sous l'égide de l'ONU, afin que la Libye puisse redevenir un pays souverain et pacifié ». |
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