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Violence: La criminalité banalisée en Algérie

par Yazid Alilat

Des enfants assassinés puis démembrés, une femme qui se défenestre avec ses deux enfants, un avocat tué et jeté sur la voie publique, la violence ne cesse de prendre, depuis plusieurs années, des proportions alarmantes, terrifiantes, inconnues jusque-là, dans sa morbidité et sa cruauté par le grand public. Le Pr Rachid Belhadj, médecin légiste au CHU Mustapha Pacha d'Alger, expert près le ministère de la Justice, estime, en fait, que cette violence «existait depuis longtemps», en Algérie. Dans une intervention à la radio nationale, il a expliqué, hier, mardi que cette violence, qu'il estime avoir pris une forme «communautaire», existait depuis longtemps, mais que sa médiatisation a rendu plus terrible. «La violence est là, elle existait depuis longtemps, et elle sera toujours là», explique t-il, avant de relever que «ce qui nous inquiète, c'est cette violence en milieu communautaire, qui ne cesse d'augmenter, avec les coups avec armes blanches.» Le Pr Belhadj, qui se réfère aux bilans des services de sécurité, sans les chiffrer, en matière de violence, souligne que (ces) bilans montrent qu' «il y a une augmentation de la violence en milieu communautaire.» «Nous avons vécu une décennie noire, ensuite des catastrophes naturelles comme les inondations de Bab el Oued et le séisme de Boumerdès, et le fruit en est l'émergence de la violence, qui peut être verbale puis contre soi-même ou contre l'autre», rapporte le Pr Belhadj selon lequel «nous assistons en tant qu'Algériens à une organisation de la violence», avec des bagarres, dans les quartiers, avec des protagonistes souvent jeunes. Pour lui, les Algériens subissent deux grandes séquelles, la violence née de la colonisation et celle de la décennie noire. «Nous subissons les séquelles de la colonisation et de la décennie noire. Ce n'est pas normal que des membres de famille enjambent des cadavres pour les identifier, on banalise la violence, et ce n'est pas normal, cela engendre la violence», explique ce légiste en faisant référence aux massacres perpétrés par les groupes terroristes, lors de la décennie noire. «Il y a, maintenant, un plan national pour gérer les catastrophes, en matière d'identification des corps», précise t-il, avant de souligner que «l'Algérie est en train, par ses institutions, de développer une lutte contre la criminalité, et avec l'intervention de moyens de haut niveau, et avec les experts et la médecine légale, en matière d'identification et de magistrats pour gérer ces affaires criminelles.»

Par ailleurs, le Pr Belhadj souligne que «ce qui nous inquiète dans les violences communautaires, outre cette banalisation des armes blanches, dont le port de sabres, c'est que cela expose des jeunes à une violence extrême, en franchissant le pas avec des armes blanches et le sabre. «Terrible constat» : la violence communautaire est là, en milieu familial, entre voisins. Tout le monde doit jouer son rôle : l'école, l'université et la justice, c'est un cercle où il y a plusieurs intervenants, dont la société civile pour résoudre ce phénomène de la violence», préconise-t-il, sans toutefois donner de statistiques sur le phénomène, car ajoute-t-il, «ce qui nous inquiète, c'est que ce phénomène soit devenu social, et risque d'empoisonner le quotidien des Algériens.» Il cite l'exemple des batailles rangées entre jeunes lors des déplacements (relogement) de familles entières entre les quartiers. Il y a également, relève t-il encore, la violence contre les femmes et les enfants, et leur assassinat, devenu récurrent dans la société algérienne.

A l'hôpital Mustapha Pacha, il y a en moyenne 15 à 20 personnes par semaine, dans le cas des femmes battues par leurs époux, «on ne parle pas des autres formes de violence dans les autres milieux dont le milieu professionnel.»

Concernant les violences contre les enfants, devenues alarmantes depuis plusieurs années, le Pr Belhadj a indiqué dans la nouvelle loi sanitaire, en instance d'adoption au Parlement, le médecins sera tenu de déclarer aux autorités les violences «contre les enfants», faisant référence aux cas d'assassinats d'enfants, dont le dernier en date, celui de Béchar, qu'il a refusé d'attribuer à «des actes de sorcellerie». En Algérie, globalement, il y a trois types de criminalité, selon ce médecin légiste, à savoir : «coups et blessures par armes blanches, le mode toxique avec l'utilisation de drogues dures, et le suicide qui est une violence contre soi-même.»