Ce
serait plus sain pour nous de ne pas en rester, encore aujourd'hui, aux
dénonciations qui démoralisent davantage nos masses, plus qu'elles ne les
motivent. L'avènement d'un nouvel âge démocratique dans notre pays est
tributaire de notre détermination à avancer. Bien qu'elle soit, actuellement, à
l'arrêt, l'Algérie ne devrait pas être cette pauvre chose qu'on trimballe comme
une casserole, derrière le dos, ou qu'on ballotte, constamment, tel un ballon
de baudruche troué, entre nos jérémiades aigries! L'heure n'est guère, en
effet, propice à cet exercice embêtant du dénigrement qui décrédibilise la
symbolique de l'action, détruit notre foi, dans une quelconque transition et
nous force, comme dans le mythe de Sisyphe, à faire, incessamment, remonter
mais sans succès, ce rocher rétif -les réformes dans notre cas- vers l'inatteignable
sommet de la montagne. Et puis, quiconque sait que, bien souvent, ce que disent
les gens est beaucoup moins important que ce qu'ils font. En ce sens qu'arriver
à vaincre sa peur, voir le bleu de l'espoir à l'horizon et sortir des sentiers
battus est l'apanage des audacieux. Seuls ces derniers savent saisir les
occasions, se retroussant les manches dès que le besoin se fait sentir afin
d'affronter les dures réalités de leur société. Point de place chez eux ni pour
le fatalisme noir ni pour l'idéalisation excessive d'un passé, fût-il glorieux,
mais juste la réservation d'un long couloir où ils peuvent faire éclore les
œufs de la volonté et réveiller ces énergies somnolentes de notre jeunesse. Ce
qui leur permettra de reprendre le contrôle des franchises sociales et leur
donnera le droit de voguer vers l'objectif final, un seul : la construction
d'un État de droit qui puisse marcher aux avant-postes de l'ère démocratique.
En vérité, l'impasse en Algérie ne sera qu'une question de «timing» si nous ne travaillons
pas dans ce sens. C'est-à-dire à semer, dès maintenant, les graines d'un pacte
social qui ne soit pas fondé sur une illusion d'optique. Autant dire, organiser
un congrès national qui rassemblera toutes les sensibilités politiques autour
de la même table. Ce qui donnera, sans doute, des chances réelles de réussite à
ce projet. La solution à notre crise n'est-elle pas, après tout, dans la
négociation et le compromis? Ce congrès-là
s'attellera, dans un premier temps, à redéfinir les axes prioritaires ayant
guidé jusqu'ici les appareils étatiques. Puis, dans un second temps, à pousser
la machine des réformes, lesquelles seront, désormais, menées dans la
neutralité par un ensemble de technocrates aux prises avec les freins et les
embûches dressées sur la route du changement, vers l'accomplissement. Débloquer
la situation est l'affaire de tous, vu l'ampleur du gâchis actuel. Nos têtes
ont vraiment du pain sur la planche : écouter cet orage qui gronde dans le
ventre de l'Algérie profonde, ces jeunes qui s'ennuient à mourir dans ce statut
de marginaux, cette misère qui grandit, de jour en jour, etc. Si l'Algérie va
mal, c'est parce qu'elle ne croit plus à ses rêves. Les rêves de ses enfants! Pour autant, faudrait-il voir partout de la poisse
et se joindre à la cohorte de ces pleurnichards qui refusent d'agir?
Les temps sont durs pour ceux qui prennent le temps d'hésiter.