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Ghazaouet: La localité revisite son histoire

par K. B.

L'association RAJA pour la solidarité et le développement a organisé ce lundi 18 juillet, à l'école de pêche et de l'aquaculture de Ghazaouet, une conférence-débat sous le thème «Ghazaouet, 170 ans d'existence - l'ultime chevauchée», animée par la présidente de l'association Ghazouana, Mme Zohra Maldji (écrivaine algérienne née en 1950 à Ghazaouet) vivant en France. De prime à bord, il faut souligner que les participants à cette rencontre, pleine d'émotions (suite à la disparition tragique dans un accident de circulation du chef du bureau de RAJA de Ghazaouet, Siba Benamar et son frère Rédha), ont dressé un tableau noir sur l'état de déliquescence des nombreux sites historiques témoignant du passage de l'Emir dans cette région, dont la localité de «Sidi Brahim», «Djebel Kerkour» à Souahlia et «la maison des armes» à Ghazaouet.

Pour rappel, la maison d'armes de l'Emir Abdelkader a été détournée récemment en cafeteria, ce qui a provoqué l'ire du mouvement associatif et des jaloux de la sauvegarde du patrimoine de l'Emir Abdelkader, qui a pu éliminer l'un des plus grands tortionnaires de l'histoire, le lieutenant-colonel Lucien Montagnac, coupable de nombreux crimes à l'encontre des Algériens. Les intervenants ont tous exprimé leur désarroi face à cette situation d'effacement caractérisé des valeurs de l'Emir et montré leur détermination à faire renaître son patrimoine. Fellah Amel, membre de l'APC de Souahlia et professeur de chimie à l'université de Tizi Ouzou, s'est interrogé sur l'absence d'un musée dans la région pouvant contenir l'histoire et les riches facettes sur la personnalité de ce grand homme d'Etat, éminent érudit et guerrier au courage exemplaire, qui reste un des grands symboles de notre histoire.

Dr Mébarki Mohamed, fils de chahid et membre de la fondation Emir Abdelkader, a pour sa part relaté le manque d'intérêt des responsables qui se sont succédé à la tête de l'APC de Ghazaouet à ce stratège militaire, qui avait combattu les forces coloniales pendant près de 20 ans, et prôné le dialogue pacifique entre les civilisations et la tolérance entre les religions, loin de tout tribalisme ni violence. Khalid Fliti (chargé d'études), Amine Bouadla (membre du bureau national de RAJA), Yahiaoui Habib (vice-président de l'union africaine de la jeunesse), Hocine Belhadi (professeur à l'université d'Oran) ont quant à eux souligné l'universalité de cette personnalité, compte tenu de ses principes, ses valeurs nobles, sa clairvoyance et sa moralité. Selon eux, cette dimension universelle, l'Emir l'a acquise après avoir cessé le petit djihad pour se consacrer au grand djihad.

La conférencière Zohra Maldji a indiqué lors de son intervention que l'Emir Abdelkader ne se battait pas uniquement contre l'armée française, mais il a mené un combat de longue haleine contre certaines tribus qui voulaient faire l'allégeance à la France pour des privilèges. Abordant l'impact de la déportation de l'Emir sur la région de Ghazaouet, Mme Maldji a souligné que si Ghazaouet est devenue Nemours en 1836, c'est surtout grâce à ce lien entre la présence de l'Emir et la construction de la ville de Nemours. « Si l'Emir Abdelkader ne serait pas venu pour combattre dans la région, Ghazaouet ne sera jamais une ville », a notamment indiqué l'oratrice, qui a répété une célèbre citation de l'Emir : « Je n'ai pas fait des évènements, ce sont les évènements qui m'ont fait ». Vantant les qualités de l'Emir, Mme Maldji a souligné que « l'Emir était un homme très croyant, tolérant et pacifiste œuvrant pour la paix. Il appelait au dialogue entre les civilisations et à la tolérance entre les religions, aux droits de l'homme. D'ailleurs, il avait des amis protestants et même juifs. Il ne subissait guère de tortures à ses prisonniers. Il disait tout le temps à son armée qu'un soldat vaincu ou blessé ne doit jamais être achevé ».

Sur les circonstances de l'exil de l'Emir Abdelkader du port de Ghazaouet et les négociations qui avaient précédé son départ, Mme Maldji a déclaré que ce fondateur de l'Etat algérien moderne a imposé des conditions à l'occupant français dans le choix de la terre de son exil. Et en s'exilant, il a pu affirmer son identité et faire entendre la voix de son pays. A noter que les participants se sont tous mis d'accord pour organiser très prochainement un parcours sur les traces de l'Emir Abdelkader à Ghazaouet.