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Union européenne : La fin d'un rêve ?

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Le Premier ministre britannique vient de «tirer» une nouvelle salve de conditions non négociables pour garder son pays dans l'Union européenne. Affaiblie, l'UE est au bord de l'implosion. Et ce n'est pas une simple vue de l'esprit.

L'Union européenne s'essouffle, perd de son dynamisme et donne des signes inquiétants qui menacent son avenir commun, tant les divergences entre ses membres ne cessent de s'amplifier, de s'aggraver, au risque de mener la famille européenne à un vrai divorce politique. Le risque d'implosion de l'Union, jusque-là fantasme des eurosceptiques et partis d'extrême-droite, se manifeste chez les courants politiques les plus modérés et surtout au sein de l'opinion publique. Ainsi, la Grande-Bretagne vient de donner, par la voix de son Premier ministre David Cameron, une nouvelle salve aux principes fondateurs de l'Union européenne en soumettant, encore une fois, ses exigences non négociables pour que son pays reste dans la famille européenne : le droit du parlement britannique (et des autres parlements nationaux) de refuser les mesures décidées par les institutions européennes (parlement européen, commission et Conseil européen) qui ne les intéressent pas ; de laisser la gestion de la politique migratoire libre pour chaque Etat membre ; de limiter le poids des Etats de la zone euro sur les questions financières et bancaires ; de libérer davantage le marché commun en l'étendant aux nouvelles technologies, aux services etc. Sans ces conditions, lui, David Cameron, pro-européen, ferait campagne avec les partis britanniques eurosceptiques pour la sortie de son pays de l'UE, lors du référendum prévu en 2017. Mais la Grande-Bretagne, cette «perfide Albion», selon l'expression française, n'est pas seule à renier ses engagements européens. D'autres Etats membres érigent, à la faveur de la crise migratoire, des murs en béton et en fils barbelés à leurs frontières intra-européennes : la Hongrie, la Slovaquie, l'Autriche, la Slovénie? La raison ? Les désaccords eu sein de l'UE sur la gestion des flux migratoires en provenance de Syrie, Irak, Libye? D'ailleurs, une réunion ministérielle tenue avant-hier sur l'île de Malte somme l'Allemagne de mettre un frein à l'accueil des réfugiés. La France, elle, remet à jour le contrôle à ses frontières. Si l'on ajoute la paralysie de la diplomatie européenne vis-à-vis de la Russie dans la question syrienne, le désordre dans la maison commune européenne n'est plus une vue de l'esprit, mais une réalité tangible. Comment en est-on arrivé à ce point de méfiance et de risque d'implosion ? La crise financière et bancaire de 2008 est-elle la seule raison ? Est-ce la crise migratoire qui a accéléré le délitement de la solidarité intereuropéenne ? Si c'est le cas, il faudrait remonter aux sources qui ont généré, justement, ces multiples crises. De la crise financière partie des USA à la guerre en Libye et en Syrie, en passant par les «printemps arabes», il y a comme le déroulement d'un scénario vertigineux qui entraîne l'Union européenne vers la désintégration. L'Europe construite contre la guerre et pour une coopération juste et partagée s'est transformée, depuis 2008, en une machine de guerre et de lutte d'intérêts exclusivement financiers et économiques. Jusqu'à se brouiller avec la Russie, son prolongement géographique, historique, économique et naturel. « L'Europe de l'Atlantique à l'Oural», disait Charles De Gaulle. Il anticipait sur la volonté hégémonique de l'empire américain. N'a-t-il pas sorti son pays du commandement unifié de l'Otan en 1966 ? Pourquoi s'étonner alors de la «charge» musclée de la Grande-Bretagne, porte-voix des Américains en Europe, contre ce qui est l'âme de l'Union européenne, c'est-à-dire la solidarité entre ses membres, surtout dans les moments de grandes difficultés ? Les deux années, 2016-17, seront décisives pour la survie de l'Europe. Sans le règlement des guerres en Syrie, en Libye et la résolution du conflit palestinien ou encore la réconciliation avec la voisin russe, l'Europe ne sera, avec ou sans la Grande-Bretagne, plus qu'une chimère et une légende.