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LES DEUX AFFICHES

par T. H.

D'abord l'affiche officielle du Festival de Cannes. Après James Dean, Marilyn, Kim Novack, le couple Paul Newman-Joanne Woodward

et Marcello Mastroianni l'année dernière, c'est au tour d'Ingrid Bergman (1915-1982) d'en être l'égérie fantôme de cette 68ème édition. «Ma famille et moi-même sommes très touchés que le Festival de Cannes ait choisi notre merveilleuse mère pour figurer sur l'affiche officielle, l'année du centenaire de sa naissance», a déclaré sa fille Isabella Rossellini, invitée par ailleurs pour être présidente du jury de la sélection parallèle Un Certain Regard.

Visible partout en France depuis quelques semaines, bientôt sur toutes les chaînes des télévisions accréditées à Cannes, l'affiche de Cannes 2015 est glamour et classe, rien à dire. Mais un peu passéiste quand même. Cette manie qu'a le Festival international du film de ne s'afficher qu'avec des vieilles gloires occidentales pose problème. Puisque les organisateurs n'arrêtent pas de rappeler que le Festival de Cannes est «le plus grand festival international de cinéma au monde», n'y aurait-il pas moyen de temps en temps de mettre en avant des stars venues d'ailleurs?

 Peut-on imaginer un jour une affiche de Cannes avec Faten Hamama l'Egyptienne, Gong Li la Chinoise, ou encore une autre star adulée dans son pays mais pas forcément connue par tout le monde? Pour mettre en image cette palpitante hypothèse nous avions demandé à Mlle Rym Mokhtari d'Alger en ses qualités de «directrice artistique en photoshop et compagnie» et soi-disant d' «alter-mondialiste anti-daoudienne» de nous proposer des variantes de cette affiche officielle, avec nos (contre)exemples originaux à la place de la Bergman. Ceci afin qu'on puisse les mettre sous le nez des dirigeants du Festival de Cannes dans le cadre d'une interview offensive et exclusive...

Hélas, la mauvaise foi avérée de notre interlocutrice locale ne nous permettra pas d'aller jusqu'au bout de nos vaines audaces révolutionnaires. Sans rire, Mlle Mokhtari nous a dit qu'elle n'avait pas le temps de faire ce qu'on a eu l'honneur de lui demander il y a au moins un mois. Pas le temps ! C'est particulièrement rigolo quand on sait qu'elle est prof vacataire à l'Ecole des Beaux-Arts d'Alger - l'Ecole des beaux fainéants d'Alger, oui, toujours en grève.

Finalement, pour plein de raisons, Ingrid Bergman c'est bien. Le communiqué du Festival de Cannes à propos de l'inoubliable actrice de «Casablanca» et de «Notorious», entre autres chefs-d'œuvre, est pertinent : «Icône moderne, femme libre, actrice audacieuse, Ingrid Bergman fut à la fois star hollywoodienne et figure du néoréalisme, changeant de rôles et de pays d'adoption au gré de ses passions, sans jamais perdre ce qu'elle avait de grâce et de simplicité.

Sur l'affiche, l'actrice d'Alfred Hitchcock, de Roberto Rossellini et d'Ingmar Bergman, qui a donné la réplique à Cary Grant, Humphrey Bogart ou encore Gregory Peck, se dévoile dans l'évidence de sa beauté, offrant un visage serein qui semble tourné vers un horizon de promesses.

Liberté, audace, modernité, autant de valeurs que revendique le Festival, année après année, à travers les artistes et les films qu'il choisit de mettre à l'honneur. Ingrid Bergman, qui fut Présidente du Jury en 1973, l'encourage dans cette voie?».

Par ailleurs, le communiqué du Festival précise que c'est à partir d'une photographie de David Seymour, (cofondateur de l'agence Magnum), qu'Hervé Chigioni, déjà auteur de l'affiche remarquée de l'année dernière, signe la nouvelle image du Festival 2015 avec son graphiste Gilles Frappier.

Hervé Chigioni a réalisé également un film d'animation à partir du visuel, sur un remix du thème musical du Festival, Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, avec un arrangement imaginé par deux musiciens suédois, Patrik Andersson et Andreas Söderström.

Passons maintenant à l'Affiche du stand algérien à Cannes (géré par l'Agence artistique pour le rayonnement culturel).

Le communiqué de l'AARC ne nous dit pas quelle est la boîte de communication - ou de graphisme plutôt - qui a été choisie pour ce travail artistique. Mais on ne va pas chipoter car à défaut d'être originale cette année l'affiche n'est pas moche, ce qui est un progrès considérable: le tapis rouge posé sur le sable qui emprunte les marches de Cannes s'élève vers le ciel où brille le Maqqam Echahid d'Alger, autrefois plus connu sous le nom de Houbel. Une porte arabe dorée, ou son mirage, aladinisante plutôt qu'orientalisante, surcharge inutilement le visuel de base, simple mais efficace. Pour éclairer le bleu nuit cannois, la pleine lune (celle de Châabane si je ne m'abuse) dans un ciel nuageux. L'affiche est en anglais, enfin presque, on ne sait pas si «Programme» orthographié en français c'est fait exprès ou pas. Le communiqué de l'AARC nous annonce solennellement que «L'Agence Algérienne pour le Rayonnement Culturel prend part à la 68ème édition du Festival de Cannes pour présenter son catalogue de production cinéma de 2010 à aujourd'hui et promouvoir les réalisateurs de la nouvelle scène cinématographique nationale».

Le même communiqué précise que «cette participation mettra également à l'honneur les paysages de l'Algérie à travers une journée consacrée au film documentaire «Algérie vue du ciel» de Yann Arthus Bertrand».

Yann Arthus Bertrand sera-t-il présent à la fête organisée à son honneur par l'AARC? Quels sont les autres programmes et rencontres prévus dans ce stand? Enfin, quels sont les heureux sélectionnés qui composent la fameuse délégation algérienne ?

Il y a à boire et à manger. Beaucoup à boire. Enormément à manger. Mais il faut en laisser un peu pour demain.



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