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Kenya : 148 morts dans une attaque terroriste contre une université

par R. N. Et Agences

Le terrorisme a de nouveau frappé au Kenya. 148 personnes, des étudiants pour la plupart, ont été tuées jeudi à l'université de Garissa prise d'assaut pendant 16 heures par des islamistes somaliens shebab, affiliés à Al Qaïda. C'est l'attaque la plus meurtrière au Kenya depuis celle contre l'ambassade américaine en 1998 qui avait fait 213 morts.

Jeudi, vers 05h30, le commando islamiste a abattu deux gardes à l'entrée de l'université, avant d'ouvrir le feu au hasard sur le campus et pénétrer dans la résidence universitaire. Un porte-parole shebab, contacté par l'AFP, a revendiqué l'attaque, en affirmant que les islamistes avaient laissé partir les musulmans et gardé les autres étudiants en otage. «Nous dormions quand nous avons entendu une forte explosion suivie de tirs, tout le monde a commencé à fuir», a raconté un étudiant qui a pu s'enfuir du campus, mais «certains n'ont pu quitter les bâtiments, vers lesquels les assaillants se dirigeaient en tirant. J'ai de la chance d'être en vie». Selon des étudiants encore sous le choc, des rumeurs d'attaques contre l'université avaient circulé dans la semaine, mais «personne n'a pris ça au sérieux car ce n'était pas la première fois».

Le ministère de l'Intérieur kényan fait également état de 79 blessés, dont neuf dans un état critique. Les quatre assaillants ont été tués par les membres des forces de sécurité. «Les terroristes portaient des explosifs qui ont détonné » lorsqu'ils ont été touchés. Selon une source sécuritaire occidentale, plusieurs membres des forces de sécurité et otages pourraient avoir été tués lorsque les quatre assaillants ont déclenché eux-mêmes leurs ceintures d'explosifs. D'où des craintes d'un bilan encore plus lourd.

LE KENYA NE SE LAISSERA PAS «INTIMIDER PAR LES TERRORISTES»

Le ministre kényan de l'Intérieur Joseph Nkaissery a affirmé hier que le Kenya ne se laissera pas «intimider par les terroristes». «Le gouvernement kényan ne se laissera pas intimider par les terroristes qui ont choisi de tuer des innocents pour humilier le gouvernement», a-t-il déclaré à des journalistes à Garissa. Se disant confiant dans la capacité de son pays à «gagner cette guerre contre nos ennemis», il a réitéré que «le gouvernement est déterminé à combattre les terroristes». Des corps étaient toujours éparpillés hier matin sur le campus. Des équipes de secouristes et des forces de sécurité les collectaient et vérifiaient que les lieux ne présentaient plus de danger. Le ministre de l'Intérieur a précisé que les forces de sécurité continuaient de «nettoyer l'université pour s'assurer que les étudiants pouvaient revenir en toute sécurité récupérer leurs documents et autres affaires personnelles».

L'Union européenne a promis hier son «soutien» au Kenya dans la lutte contre le terrorisme. «L'UE réitère son engagement à soutenir le gouvernement et le peuple kényan pour vaincre la menace terroriste», a assuré dans un communiqué la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, en jugeant «important que chacun prenne sa part si nous voulons y arriver». Le Kenya peut compter sur la «solidarité de l'UE», et «nous allons travailler à renforcer notre soutien aux efforts du Kenya pour lutter contre le terrorisme», a ajouté Mme Mogherini. «Les terroristes ont montré leur détermination à s'attaquer à l'éducation, à créer des divisions entre les différentes religions, à priver le pays d'un avenir de croissance économique et culturelle, de stabilité et de dignité pour tous ses citoyens», selon la chef de la diplomatie européenne.      

ATTAQUE BARBARE

L'attaque - «odieuse» et «lâche» selon Washington, «barbare» et «insensée» pour Londres - a été largement condamnée. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a réclamé jeudi soir que «les responsables de cette attaque soient traduits devant la justice». Depuis que l'armée kényane est entrée en Somalie pour combattre les shebab, en octobre 2011, les islamistes somaliens ont multiplié les attentats au Kenya, jusque dans la capitale Nairobi et sur la touristique côte du pays, notamment à Mombasa, principal port d'Afrique de l'Est. En septembre 2013, un spectaculaire assaut a été mené contre le centre commercial Westgate de Nairobi faisant 67 morts. Le modus operandi rappelle celui de l'attaque de jeudi: un commando réduit, muni d'armement léger et prenant durablement le contrôle d'un bâtiment rempli de nombreux civils. Fin novembre, après l'exécution par les shebab de 28 passagers d'un bus - essentiellement des professeurs - près de Mandera, des syndicats de médecins, dentistes et enseignants avaient conseillé à leurs membres de quitter les zones frontalières de la Somalie tant que la sécurité n'y serait pas assurée et des professeurs avaient récemment demandé leur réaffectation.  

LA SOMALIE POUR UNE COOPERATION RENFORCEE AVEC LE KENYA

Pour sa part, le président somalien a déclaré hier que son pays et le Kenya doivent renforcer leur coopération sécuritaire. Il a dénoncé la mort «d'étudiants innocents» et présenté ses «condoléances aux familles de ceux qui ont été tués dans l'attaque de ces impitoyables terroristes». Les shebab, affaiblis militairement en Somalie, ont multiplié ces dernières années les attaques de type guérilla dans leur pays. Mais ils ont aussi mené de spectaculaires attentats dans d'autres pays de la région qui sont, comme le Kenya, engagés militairement en Somalie pour les combattre au sein de la force de l'Union africaine, l'Amisom. «Je suis sûr que nous vaincrons ces groupes terroristes», a ajouté le président somalien. «Les Kényans ont sacrifié leurs vies pour apporter la paix à notre pays, et je suis conscient que les terroristes n'apprécient pas ce soutien», a-t-il ajouté. «Leurs actes n'entameront pas notre combat pour éradiquer le terrorisme et apporter paix et stabilité à la région.»