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La dynamique FN

par Akram Belkaid: Paris

(suite et pas fin?)

La semaine dernière, commentant le résultat du premier tour des élections départementales françaises, je m'interrogeais sur la possible présence de Marine Le Pen, au second tour de la présidentielle de 2017. Sept jours plus tard, et même si le Front national n'a remporté aucun département (son score global avoisine tout de même les 24% des suffrages), nombreux sont ceux pour qui la question ne se pose même plus. Pour eux, il n'y a aucun doute à avoir, la fille de Jean-Marie y sera. Mieux (ou, plutôt, pire?), il y a même de fortes chances pour qu'elle occupe la première place, au soir du dimanche du premier tour.

Cette perspective, autrement dit la réédition de ce qui s'est passé le 21 avril 2002 (la fille remplaçant le père), va donc façonner la politique intérieure française, au cours des deux prochaines années.

C'est par rapport à cette hypothèse majeure que les prétendants au poste de président vont se positionner. Pour eux, l'objectif sera clair et simple : se retrouver au second tour face à la Marine signifiera une victoire quasi-certaine grâce aux reports de voix. Comme en 2002, mais certainement, de manière moins massive (Jacques Chirac avait totalisé 80% des suffrages contre Jean-Marie Le Pen), de nombreux électeurs devraient avoir un réflexe républicain pour faire barrage à l'extrême droite.

Pour Nicolas Sarkozy, plus que jamais décidé à revenir à l'Elysée, l'objectif sera de sonner le rappel des troupes. Il lui faudra, non seulement remporter la primaire contre ses petits camarades (dont Alain Juppé) mais il devra, aussi, convaincre les centristes de ne pas présenter de candidat afin de lui éviter de perdre des voix précieuses au moment du décompte du premier tour.

Dans le même temps, il est plus que probable que l'ancien président fasse une campagne de droite dure, afin de chasser sur les terres du Front national. Même si Patrick Buisson, son éminence grise, durant son quinquennat, n'est plus de la partie, Nicolas Sarkozy a déjà annoncé la couleur (brune) en se disant, notamment, favorable à la suppression des repas, sans porc, dans les cantines.

« Plus je cogne sur la banlieue, plus je monte dans les sondages » avait-il expliqué à quelques journalistes, réunis par lui, à moins d'un an de la présidentielle de 2007.     Cette fois-ci, c'est sur l'Islam et les musulmans de France que le mari de Carla Bruni va concentrer son tir. La tactique est aisée et favorisée par l'air du temps mais rien ne dit qu'elle sera aussi bénéfique qu'à l'époque de fameux et fumeux débat sur l'identité nationale.

La dynamique du Front national est telle que ses électeurs seront moins passibles de succomber aux chants des sirènes sarkozyennes, préférant l'original à sa copie. De même, il sera un peu compliqué, pour le champion de la droite, de rassembler, à la fois le centre et l'extrême droite. Difficile mais pas impossible?

A gauche, la problématique du rassemblement sera tout, autant, fondamentale sinon plus. On se souvient qu'en 2002, c'est, entre autres, la multiplication des candidatures qui a éliminé Lionel Jospin du premier tour. Cette fois-ci, François Hollande ? à supposer qu'il soit candidat à sa réélection ? va devoir convaincre plusieurs personnalités de ne pas y aller.

Si on voit mal Christiane Taubira, ministre actuelle de la Justice, retenter le coup, comme en 2002, d'autres vont âprement négocier leur non-candidature. On pense, notamment, aux écologistes mais aussi à ce que l'on appelle, aujourd'hui, la gauche de la gauche.

Et là, se pose la question de ce que Hollande - ou peut-être Valls, si l'impopularité du premier reste aussi forte ? va promettre à son camp. Pour certains de ses conseillers, il suffira, juste, d'agiter le chiffon rouge d'un nouveau 22 avril pour que le thème du rassemblement s'impose. En clair, les mauvaises volontés, les renâcleurs, les frondeurs, les contestataires se feront une raison, au nom de la victoire? Libre à eux, ensuite, mais seulement ensuite, de montrer leur colère et de bouder dans leur coin.  Pour ces conseillers, ce scénario s'est, déjà, réalisé par le passé, il n'y a, donc, pas de raison pour qu'il se reproduise.

Reste à savoir ce que les écologistes et la gauche de la gauche pensent de tout cela après trois années de hollandisme socio-libéral. Vont-ils, encore, faire semblant d'y croire ? Vont-ils encore jouer la ritournelle du « mieux vaut être dedans qu'à l'extérieur ? ». A quel discours dilatoire vont-ils faire semblant de se rallier ? Il sera difficile à François Hollande d'expliquer aux militants progressistes qu'il a mis la finance au pas? A moins de compter sur la mémoire courte des électeurs. Cela s'est déjà vu. Ou alors, il suffirait que Sarkozy en fasse trop ? c'est-à-dire qu'il soit lui-même ? pour que les uns et les autres se résignent à manger de nouvelles couleuvres.

Mais il y a une autre hypothèse qui mérite d'être, sérieusement, prise au sérieux. En l'état actuel des choses, et sachant que le gouvernement Valls ne cesse de claironner qu'il ne changera pas de politique (cela grâce à ses résultats flamboyants), de nombreux sympathisants de gauche sont bien décidés à provoquer une rupture avec le Parti dit socialiste.

En sortira-t-il un vrai pôle de gauche, le PS étant appelé, de toutes les façons, à changer de nom et à rejoindre son habitat naturel qu'est le centre ? La chose est possible. Cela constituerait, certes, une grosse rupture susceptible d'offrir le pouvoir à la droite pour de longues années (du fait du rétrécissement du camp de la gauche). Mais ce serait, peut-être, le socle de départ pour une vraie reconquête et une vraie rupture avec ces victoires électorales suivies, immédiatement, par des renoncements.

A suivre?