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Nucléaire iranien : Un accord, un espoir et des soupçons

par M'hammedi Bouzina Med: Bruxelles

Malgré les concessions faites par l'Iran dans son programme de recherche nucléaire, les 5 + 1 maintiennent l'embargo contre Téhéran, pendant qu'Israël et les conservateurs américains crient à la tromperie et à la menace sur la paix dans la région.

L'accord-cadre sur le nucléaire iranien signé, jeudi dernier à Lausanne, entre les Occidentaux et l'Iran traduit, s'il en est, l'affrontement entre partisans de la voie diplomatique et du dialogue à ceux de la force des armes et de la guerre pour résoudre les crises et conflits internationaux. Alors que le président américain, Barack Obama, qualifiait l'accord d'étape «historique» dans la résolution de la crise irano-occidentale, les élus du Congrès américain, majoritairement républicains, dénonçaient les termes de cet accord qu'ils estiment inopérant, irréaliste et surtout ne prive pas l'Iran de poursuivre son programme d'enrichissement intensif de l'uranium à des fins militaires (bombe nucléaire). Ils rejoignent les «cris d'orfraie» du gouvernement israélien qui hurle à la tromperie diplomatique et répète que l'Iran aura sa bombe atomique dans le moyen terme (3 à 5 ans), bombe qu'il utilisera tout suite contre Israël.

L'Etat hébreu n'est pas le seul à présumer des velléités guerrières et destructrices de l'Iran. Les voisins arabes, notamment l'Arabie Saoudite, versent dans les mêmes accusations contre l'Iran. Il faut bien constater que le scepticisme d'Israël et des voisins arabes face aux engagements de l'Iran à des buts civils dans le domaine nucléaire n'a pas attendu la fin de la réunion de Lausanne : ces pays ont annoncé l'échec de la rencontre avant même qu'elle ne commence. Ils le font depuis que l'Iran ait annoncé une accélération de sa capacité de production et d'enrichissement de l'uranium en 2005-2006. Ce qui a conduit le Conseil de sécurité de l'Onu à voter une résolution (la 1.737) qui gèle les avoirs de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique et dans la foulée, une série de sanctions économiques supplémentaires contre Téhéran (embargo). C'est qu'entre-temps, l'Iran a vécu sa révolution de 1979 qui a amené au pouvoir les islamistes sous la conduite de l'ayatollah Khomeiny.

L'Occident, USA et Europe qui avaient soutenu et assisté l'Iran dans le développement de son programme nucléaire depuis 1950 jusqu'aux années 1990, se retournent contre le régime des islamistes. Qu'importe, l'Iran se tourne vers la Russie (ex-URSS) qui remplace les Occidentaux dans la poursuite, à ce jour, du nucléaire iranien. On voit bien qu'au-delà du prétexte de la volonté de l'Iran d'avoir l'arme nucléaire, se cache des enjeux géostratégiques et des surenchères politiques notamment entre alliés occidentaux et la Russie de Vladimir Poutine. Le dossier nucléaire iranien exprime, s'il en est, les stigmates de la «guerre froide» qui pèsent encore sur les relations internationales. Le bilan et le contentieux Iran-Occident intéresse peu les médias qui couvrent le dossier nucléaire iranien. Un seul argument obsessionnel revient dans ce débat : la bombe nucléaire que l'Iran ambitionne de fabriquer pour prendre le leadership dans la région du Proche et Moyen-Orient et surtout détruire Israël.

L'Iran, peuple et gouvernants ont beau répéter leur besoin de maîtrise d'une énergie civile à des fins civiles (recherche santé, technologie de pointe, énergie, etc.). Rien n'y fait. Le monopole de cette technologie doit rester l'apanage des puissances occidentales. L'Iran a ouvert durant plusieurs années tous ses sites nucléaires aux contrôles de l'Agence onusienne internationale de l'énergie (AIEA), sans voir l'étau de l'embargo se desserrer. Et depuis hier, à l'issue de la réunion marathon avec les 5 + 1 (cinq membre du Conseil de sécurité de l'Onu plus l'Allemagne), malgré la publication des principaux engagements techniques de l'Iran, les partisans de la guerre contre l'Iran ne baissent pas leur pression.

Concrètement, «l'accord-cadre» de jeudi stipule que l'Iran s'est engagé à réduire le nombre de ses centrifugeuses de 19.000 actuelles à 6104, dont 5060 produiront de l'uranium faiblement enrichi sur 10 ans. Des 10.000 kg d'uranium faiblement enrichis actuels, l'Iran n'en gardera que 300 kg, le reste sera mis sous séquestre de l'AIEA. Ce sont là, les principaux points de l'accord-cadre qui sera réévalué d'ici le 30 juin prochain. En revanche, l'Iran n'a pas obtenu la levée, même partielle, des sanctions qui lui sont imposées depuis 2006. Les conditions techniques de cet accord ne favorisent pas les capacités de l'Iran à enrichir son uranium au point de fabriquer une bombe nucléaire dans les 15 ou 20 ans à venir.

Dans cette négociation, l'Iran montre sa volonté d'aller vers un apaisement de ses relations avec les Occidentaux, notamment les Américains. Et pourtant, les lobbies de la guerre, notamment les conservateurs américains, veulent plus : ils veulent la reddition de l'Iran et son alignement dans les rangs des autres pays du Golfe, vassaux des conservateurs américains. Le gouvernement israélien, lui, continuera à faire croire à cette énorme fable : l'obsession de Téhéran à avoir la bombe atomique pour le faire disparaître de la carte du monde. Et beaucoup dans le monde occidental y croit à la fable.