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Aux abonnés absents

par A. Zerzouri

Les portes grandes ouvertes des administrations donnent l'impression que le travail marche, mais il s'agit d'un leurre, car une fois à l'intérieur on est confronté à l'absence d'interlocuteurs, voire au vide sidéral au sein de quelques administrations.

Le hall d'entrée de ces administrations est vide, pourtant il était très difficile de franchir le pas de la porte d'entrée, où une armée d'agents de sécurité vous barrent le chemin, vous toisent de haut en bas et vous foudroient de questions sur l'objet de votre visite. C'était avant le ramadhan.

Durant cette première semaine du ramadhan, les habitudes ont profondément changé, plus personne à l'accueil, et lorsqu'il arrive de tomber sur un agent, il vous répliquera qu'il n'y a plus personne à voir. «Pour parler franchement, je dois vous dire que votre dossier est traité par une femme, et dans ce cas de figure il faut revenir le matin pour la trouver à son poste, car dans l'après-midi toutes les femmes sont libérées de leur travail», déclare un agent de réception d'une administration à un citoyen venu s'enquérir d'une demande d'un quelconque document professionnel. Tout le monde accueille avec une «sportivité» déconcertante le fait que les femmes doivent rentrer tôt chez elles lors du mois de ramadhan. La règle ne choque plus personne, les femmes préparent le ?f'tour' et il est «illogique» de les retenir plus longtemps au boulot. C'est que, à vrai dire, les hommes aussi désertent les lieux de travail, sans excuse ou prétexte quant à eux, sinon qu'ils ont la tête qui tourne, des courses à faire ou la fatigue. Le taux d'absentéisme durant cette première semaine du ramadhan est alarmant. Certains fonctionnaires arrivent en retard à leurs postes, des postes qu'ils quittent aussitôt, avant même de s'asseoir. Il s'agit pour eux de pointer la journée afin de ne pas perdre le salaire, sans se soucier, le moins du monde, de la façon avec laquelle il a été gagné. Qu'importe si moralement la pratique ne correspond pas aux aspirations religieuses des jeûneurs ! Bien évidemment, il y en a ceux qui ne peuvent s'absenter sans passer inaperçus et d'autres qui ne supportent pas de se lever du lit et d'aller faire un tour, aussi petit soit-il, au boulot. Ceux-là, ils ont les congés de maladie pour éviter la corvée et se reposer à leur aise, sans perdre une seule journée de salaire. «Les congés de maladie sont toujours plus importants lors du ramadhan», a reconnu un cadre de la CNAS qui n'a pas caché ses appréhensions face aux énormes dépenses de la caisse, en ce mois sacré.

D'autres salariés, plus chanceux, bénéficient de la couverture de leur hiérarchie et n'ont même pas besoin de recourir aux congés de maladie. Enfin, les citoyens, eux-mêmes, obéissant à ces considérations, ne trouvent rien à redire sur la situation. «Le report de tout ce qu'on avait à faire pour l'après-ramadhan», c'est la règle adoptée ou appliquée à l'unanimité par les citoyens. Accord tacite, diraient les juristes, c'est le deuxième mois de congé des masses laborieuses.