Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Algérie ? Egypte : Ce football qui pollue

par Moncef Wafi

Ce qui ne devait être qu'une simple finale continentale de football des moins de 20 ans est en train de prendre des proportions démesurées, encouragées par les commentaires et autres diatribes contre l'Algérie.

Le match entre l'Egypte et le Ghana, qui s'est déroulé ce samedi au stade Zabana d'Oran, comptant pour la finale de la Coupe d'Afrique des moins de 20 ans, consacrant le sacre des Pharaons, a été petitement commenté dans la presse algérienne mais prend une tournure «déjà vue» du côté des pyramides. En effet, certaines voix nostalgiques ont reproché aux spectateurs oranais présents au stade d'avoir encouragé les Ghanéens au détriment de leur équipe, rappelant le triste épisode médiatique qui a entouré la rencontre entre l'Algérie et l'Egypte comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde en Afrique du Sud. L'un des plus virulents animateurs sportifs égyptiens contre l'Algérie, l'ancien joueur du Zamalek, Khaled El Ghandour, est revenu sur le match de samedi déclarant que cette victoire est double puisqu'elle a défait et le Ghana et le public algérien en même temps. Il ne manquera pas d'exprimer sa tristesse et sa profonde consternation en réaction du choix des supporteurs qui ont préféré encourager les Black Stars. Abdel-Moneim Al-Chahat, porte-parole du mouvement salafiste à Alexandrie, a lui aussi commenté les à-côtés du match craignant que les slogans anti-égyptiens entendus dans les gradins ne nuisent de nouveau aux relations bilatérales entre Alger et Le Caire. Sur son compte twitter, il appelle les journalistes des deux pays à ne pas rentrer dans une nouvelle guerre médiatique à cause d'acclamations d'une bande d'«idiots» dont les victimes seraient les peuples algérien et égyptien. Il conseillera aux médias de rapporter que tout le public algérien a soutenu l'équipe égyptienne hormis une minorité. Quant aux joueurs égyptiens, ils ont évoqué un climat hostile tout au long du tournoi, dénonçant les sifflets et les insultes qui ont fusé lors de leurs rencontres. L'ailier Ahmed Rifâat a déclaré que «jouer dans ces conditions d'hostilité, à cet âge-là, ne peut que renforcer l'expérience internationale». Pour l'arrière droit, Ahmed Samir, qui a intimé l'ordre au public de se taire après son penalty réussi, explique son geste «involontaire» par son désir d'aider psychologiquement ses partenaires et de faire taire les spectateurs. Il ajoutera qu'il ne s'attendait pas à une telle réaction du public local et qu'il pensait que les Algériens allaient être derrière son équipe. Pour rappel, l'Egypte a battu l'Algérie dans la phase des poules un but à zéro à Aïn Témouchent. Cette montée anti-algérienne coïncide avec le match retour qui doit opposer l'USM Alger à Al-Ismaïly au Caire et on craint de nouvelles tensions entre les deux pays. Cet «incident» n'est pas le premier couac après la chute du régime de Moubarak puisqu'en 2011, l'artiste algérienne Fella Ababsa avait été refoulée de l'aéroport international du Caire vers l'Algérie. Une décision qui a fait réagir Imen El Bahr Darwich, le nouveau doyen du syndicat, en remplacement de Mounir Ouassimi qui avait décrété, à l'époque, les artistes algériens non grata en terre égyptienne. Invitée à participer au vingtième festival de la musique arabe à Dar Al Opéra, Fella Ababsa a été refoulée vers l'Algérie après avoir été détenue près de six heures à l'aéroport international du Caire. Selon la version officielle, la chanteuse ne disposait que d'un visa d'entrée sans autorisation préalable dite de sécurité exigée à tout Algérien désirant se rendre en Egypte. Mais pour les autorités sécuritaires aéroportuaires égyptiennes, il s'est avéré que Fella Ababsa était recherchée en Egypte pour une «affaire de moeurs» datant de 1996 avec une condamnation à trois ans d'emprisonnement. Mais au-delà d'une affaire judiciaire, dont se défend l'artiste, estimant qu'elle a été victime d'un «coup monté», c'est la montée au créneau des différents acteurs de l'establishment culturel égyptien qui est à mettre en évidence dans ce dossier. Ainsi, la secrétaire générale du Festival de la musique arabe, Ratiba El Hafni, également directrice de Dar Al Opéra, s'est dite outrée par cette affaire et lie ce refoulement aux passions nées après la fameuse rencontre d'Oum Dourman et la haine de tout ce qui est algérien qui s'en est suivie. «Apparemment, le match d'Oum Dourman continue d'empoisonner les relations entre les deux parties et on ignore jusqu'à quand», a-t-elle notamment déclaré. Rappelons que l'amorce d'une reprise progressive des relations entre les deux capitales a été consacrée par les retrouvailles entre Raouraoua, le président de la Fédération algérienne de football, et son homologue égyptien. Après le caillassage du bus des joueurs algériens, la chasse à l'Algérien dans les rues du Caire après le sifflet final et le match couperet d'Oum Dourman et les représailles en Algérie, les médias égyptiens ont déclenché leur «sale» guerre tirant sur tous les symboles nationaux. Le match qualificatif pour l'Afrique du Sud avait dépassé le simple cadre sportif pour conduire à une presque rupture diplomatique si ce n'était le sang-froid des Algériens qui ont décidé de garder en place au Caire leur ambassadeur Abdelkader Hadjar. Le pouvoir égyptien, alors en place, avait fait du résultat de ce match un tremplin politique pour l'aîné des Moubarak. Le clan présidentiel avait enclenché une campagne de dénigrement sans précédent contre les Algériens un mois avant le match retour. Tous les organes lourds officiels et leurs relais propagandistes, à chercher dans les networks égyptiens mais également arabes, ont grandement contribué à allumer et maintenir une flamme belliqueuse avant qu'elle ne se transforme en véritable brasier diplomatique après l'élimination de la vieillissante formation égyptienne. Si le ton haineux et méprisant est monté graduellement en s'accentuant à l'approche de la rencontre du 14 novembre, il a basculé dans l'extrémisme lourdaud et naïf des va-t-en-guerre convoqué sur les plateaux télé des chaînes égyptiennes.