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Tiguentourine serait-il le 11 Septembre algérien?

par Farouk Zahi

Depuis la tragique prise d'otages du 16 au 19 janvier 2013, notre pays devient le nombril du monde. On y accourt de partout, même les Anglais d'habitude réservés, se bousculent au portillon.

Un Premier ministre et un ministre en moins d'un mois. Mémorable, quand on sait que la visite de sa gracieuse majesté, plus protocolaire qu'autre chose, a eu lieu le 25 octobre 1980? un bail déjà. Ce tragique évènement nous fait découvrir au monde après une longue nuit de déni pour remettre enfin, notre armée nationale à la place qui a été toujours la sienne : Défendre la république et rien que la république. Qui tue qui ?ne sera plus qu'un mauvais souvenir oserons-nos espérer. Maintenant, que les lampions se soient éteints, nous découvrons le vide sidéral en matière de communication officielle qu'elle soit au niveau central, intermédiaire ou local.

La chose qu'il ne fallait surtout pas faire, c'est celle de réveiller les vieux démons de la lamentation. Si le Sud, est effectivement confronté aux aléas de l'éloignement et des températures torrides en période estivale, il n'en demeure pas moins qu'il a toujours bénéficié de ses plans de développement annuels ou pluriannuels comme toute autre wilaya du Nord, avec cependant cet avantage de la quiétude sécuritaire, quand les wilayas du nord du pays étaient subjuguées par la terreur terroriste.

La destruction systématique des infrastructures, faisait qu'on mettait un bémol à la dynamique de développement tous azimuts. Il y a, probablement, un problème de gouvernance mais pas de moyens. Tout le monde sait que les wilayas de Ouargla et de Laghouat font partie des wilayas les plus riches du pays par les recettes fiscales des gisements pétrolier et gazier de Hassi Messaoud et Hassi R'mel. Le rapport population /revenu global est nettement en défaveur de toute autre wilaya. D'autres wilayas, bien plus peuplées, telles que celles de M'Sila, Djelfa, El Bayadh, Naâma, Khenchela et Tébessa, ne sont pas mieux lotis avec des équipements qui ne sont pas en rapport avec leur densité démographique. La route In Aménas-Djanet sur 400 kms, pourrait désenclaver une multitude de groupements humains bien plus importants que la population, actuellement, desservie. Le transfert de l'eau d'In Salah à Tamanrasset, sur 700 kms, n'est pas à la portée de n'importe quel budget d'investissement. La population desservie, ne dépassant guère celle de la daïra de Ksar El Boukhari qui n'a pas encore étanché sa soif.

Que les localités éparses de Oued Righ, du Tidikelt, de In Guezzam ou même El Ménèa se sentent marginalisées, on pourrait aisément le comprendre, mais que des chefs lieux de wilayas qui s'accaparent la plupart des projets structurants, aérodromes, routes à double voie, parcs conséquents de logements et universités, s'insurgent, là nous leur opposerons, les populations des zones montagneuses de l'Ouarsenis, du Chenoua ou des Bibans qui en plus de la difficulté d'accès, ne bénéficient pas encore du gaz naturel pour lutter contre les morsures des gelées. En matière de structures éducatives, il est loin le temps des seuls lycées de Touggourt et d'El Golèa.

En matière d'infrastructures hospitalières, il est connu que les équipements réalisés ont toujours été surdimensionnés, leur taux d'occupation a, souvent, été le plus faible du pays. On nous rétorquera que le faible indice de couverture médicale ne pouvait pas susciter le remplissage, toujours est-il que le service civil, même bancal, a toujours pris en compte les régions du Sud en priorité. Certaines régions du Nord, même sièges de centre hospitalo-universitaire, sont couvertes par des missions médicales cubaines et chinoises, c'est dire le dénuement du secteur public en spécialistes. Le plus curieux dans cette soudaine quête d'emploi, n'est ni plus, ni moins, l'attrait des zones industrielles pétrolières et dont la réputation de bien rétribuer leurs personnels est souvent mise en avant. Il est pour le moins curieux que des détenteurs de diplômes supérieurs se contenteront ( le réclamant souvent) d'un poste de vigile ou de conducteur automobile. Ont-ils au moins jeté, un regard sur leurs congénères des Hauts Plateaux et des zones de montagne qui, en dehors d'un emploi pastoral précaire ou agricole saisonnier, n'ont d'autres lendemains que celui de vieillir en silence ? La problématique de désœuvrement juvénile, est une plaie nationale que les pouvoirs publics doivent appréhender dans sa dimension socio humaine.

Construire des édifices est certainement bien, mais y mettre des hommes et des femmes qualifiés serait certainement mieux. Cette bombe à retardement et dont la mise à feu a été révélée par le premier recensement général de la population en 1967, aurait du être désamorcée dès la reddition des chiffres qui annonçaient dès lors, cette déflagration démographique.

 Quand des experts rendaient leur verdict, en matière de maîtrise de croissance démographique, des esprits réputés fins, se gargarisaient de concepts désuets et hypocrites : Etat-Nation, panarabisme, pays aussi vaste qu'un continent, richesse du sous sol etc. Il est, actuellement, urgent de procéder au plus vite aux retouches correctives pour une planification plus fine allant jusqu'au détail. Les plans fourre-tout ont démontré leurs limites.

Un peu d'Education, un peu de Santé, un peu de loisirs, ne satisferont que partiellement les besoins qu'on a omis de sonder. Faire l'interview des futures prestataires devient une urgence incompressible, la représentation populaire par la voie des urnes est, décidément, inefficiente. Elle n'a pas su restituer à son juste volume les attentes de l'électorat. Ceci rappelle étrangement les appels sans effet, fait en direction des cellules militantes du Parti, quand la ville brûlait en octobre 1988. Il est temps, présentement, de dessaisir les exécutifs locaux de l'acte de planifier tout en les maintenant comme principal outil d'exécution.

Une structure supra-territoriale, relevant de la primature doit penser la planification, suivre son exécution et en évaluer l'impact. De faux mirages font de la wilaya de Tlemcen, par la grâce de son année islamique, un éden de développement. Regard biaisé et tendancieux, cette embellie n'a pas changé le quotidien de Beni Snous, de Sabra ou même de Nédroma.

Le Centre a tout pris. Les chefs de l'exécutif ont toujours cédé sous la pression des élus des « Conseils généraux » qui, sous le sacro- saint statut de chef lieu, font tout pour siphonner les budgets alloués au bénéfice exclusif de la « capitale » de la circonscription territoriale ; le reste fera avec les miettes. Les différences criantes entre des groupements de population d'une même wilaya, voire d'une même daïra ou d'une même commune, appellent à un arbitrage débarrassé de velléitaires relents claniques très vivaces encore. Les zones retardataires doivent faire l'objet, non pas de « plan Marshall » comme certains semblent le suggérer, mais d'une simple consignation des préoccupations citoyennes par la visualisation des bassins démographiques à promouvoir. Bloquer, momentanément, le développement de certains pôles urbains qui ayant bénéficié de tous les moyens de transport public, réclame le métro ou le tramway. Tout le monde sait que leur aisance matérielle s'est construite autour du dénuement des agglomérations satellites. Et ce n'est qu'en taillant dans le vif, que les plaies cicatrisent vite.