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Un front anti-Bouteflika s'esquisse

par Kharroubi Habib

Trois personnalités nationales, l'ancien chef du gouvernement Ahmed Benbitour, Soufiane Djillali, président du parti Jil Jadid, et Mohamed Mechati, membre de l'historique groupe des « 22 », ont lancé un appel pour la constitution d'une alliance stratégique « en vue de mobiliser les citoyens et citoyennes inquiets pour leur avenir et celui de leurs enfants pour dire non à un quatrième mandat au chef de l'Etat en exercice ».

Leur initiative intervient quelques jours après qu'un conseiller de Bouteflika eut fait sous le sceau de l'anonymat la confidence au journal El Khabar que le président n'exclut pas de briguer un quatrième mandat « si le peuple le sollicite pour cela ». De cette confidence, les signataires de l'appel ont à l'évidence tiré la conclusion que Bouteflika a l'intention de se représenter en 2014 en se prévalant d'une demande populaire que les relais du pouvoir ont les moyens de susciter. D'ailleurs la sortie du conseiller présidentiel a été destinée à faire comprendre à ces relais ce que le président attend d'eux. L'immense banderole à l'effigie de Bouteflika lui demandant « une ohda rabiaa » qui a été déployée ce week-end au stade du 5 Juillet à l'entame de la rencontre de coupe d'Algérie entre le MC Alger et le CS Constantine, prouve que son message a été compris. L'acte des dirigeants du Mouloudia ouvre la voie à une campagne d'interventions et de manifestations « spontanées » qui vont être destinées à faire croire que le peuple algérien veut que Bouteflika reste à la tête du pays.

L'on n'a pas attendu les confidences de son conseiller pour nous convaincre que le président a l'intention de « rempiler » pour un quatrième mandat. Même après qu'il eut lancé son fameux « tab djenana » la veille des élections législatives, la certitude est restée ancrée en nous qu'il sera partant pour l'élection présidentielle de 2014. Depuis son « tab djenana », Bouteflika manœuvre et manipule pour dégager la voie à son quatrième mandat. Pour avoir seulement donné l'impression qu'ils n'excluaient pas l'éventualité de son retrait en 2014, Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia ont été brutalement écartés des allées du pouvoir et dessaisis de la direction de leurs partis respectifs sur lesquels ils ont caressé l'espoir de s'appuyer pour faire acte de candidature au cas où cette perspective s'offrirait à eux.

Contrairement à ce qu'a prétendu son conseiller « anonyme », Bouteflika n'a nullement été effleuré par l'idée de passer la main en 2014. Même pas au constat que sont état de santé fait douter sur ses capacités à gérer les affaires du pays pour un quatrième mandat.

L'appel lancé par les trois personnalités ci-dessus citées a le mérite de dire franchement ce que promet pour l'Algérie un quatrième mandat pour un président qui a tout échoué en quinze années d'exercice du pouvoir et qui semble vouloir faire de ses échecs la justification de son maintien aux commandes du pays. Quel écho cet appel va-t-il susciter au sein des forces « concernées par le changement » auxquelles ses auteurs se sont adressés ? Ces forces sauront-elles provoquer ce mouvement capable de dissuader Bouteflika et le pouvoir de rééditer les mascarades qui tiennent lieu d'élections présidentielles en Algérie ? Des tentatives similaires ont été esquissées à chacune de ces échéances électorales. Elles ont piteusement échoué parce que ceux qui en furent les acteurs n'ont jamais pu convaincre qu'ils étaient porteurs d'une alternative crédible au pouvoir et à ses candidats. Celle préconisée par les trois signataires a-t-elle des chances d'enclencher une dynamique moins velléitaire que les précédentes ? En tout cas, le contexte régional et la situation du pays autorisent à croire qu'elle peut être mobilisatrice.