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Les relations entre l'Egypte et Israël dans l'après-Moubarak

par Yazid Alilat

Entre l'Egypte et l'Etat sioniste, jamais les relations ne seront comme au temps de Moubarak. La mort de cinq policiers égyptiens à la frontière, tués par des tirs israéliens, ont provoqué une profonde colère au Caire, et des manifestations de protestations, samedi et vendredi, devant l'ambassade israélienne dans la capitale égyptienne. Le ton ferme adopté samedi par l'Egypte à l'égard de cette énième agression d'Israël a provoqué une réunion de crise du cabinet Netanyahu. En fait, et pour la seconde fois (la première était en 2000) depuis le rétablissement des relations diplomatiques en 1979 dans le sillage des accords de Camp David, Le Caire a rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv et demandé des excuses officielles. L'Egypte livre ainsi un message clair à l'entité sioniste : elle n'est plus ce qu'elle était sous l'ère Moubarak. Pour cela, elle a rappelé sans délai son ambassadeur en Israël, demandé des d'excuses officielles et l'ouverture d'une enquête sur la mort de cinq de ses policiers.

La télévision égyptienne a annoncé samedi que Le Caire a décidé de «rappeler son ambassadeur en Israël jusqu'à la présentation d'excuses officielles» par l'Etat hébreu. Le gouvernement égyptien avait déjà réclamé «des excuses officielles» pour la mort de cinq policiers à la frontière israélienne survenue après une triple attaque meurtrière perpétrée jeudi. Il a également réclamé «une commission d'enquête officielle conjointe pour dévoiler les circonstances (de la mort des policiers) et déterminer (la partie) responsable afin de prendre les mesures juridiques pour préserver les droits des victimes et des blessés égyptiens», en allusion à une éventuelle demande de dédommagements. Des observateurs relèvent ainsi que la vive réaction du Caire contraste fortement avec la retenue dont faisait preuve l'ancien régime du président Hosni Moubarak, dégagé le 11 février dernier.

Plusieurs incidents semblables impliquant la mort de policiers égyptiens, notamment lors de raids israéliens à la frontière entre l'Egypte et la bande de Gaza, n'avaient jamais donné lieu à une crise diplomatique de cette ampleur. Vendredi, le Premier ministre Essam Charaf affirmait que «le sang de l'Egyptien est trop cher pour être versé sans réponse».»Notre glorieuse révolution a eu lieu pour que l'Egyptien puisse regagner sa dignité à l'intérieur comme à l'extérieur et ce qui était accepté dans l'Egypte d'avant la révolution ne le sera plus dans l'Egypte d'après la révolution», avait-il ajouté. En outre, il a récusé les accusations de responsables israéliens, mais aussi de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, selon lesquelles l'Egypte ne contrôle pas ses frontières.» La sécurité de la frontière égypto-israélienne est la responsabilité commune des deux parties et n'est pas la seule responsabilité de l'Egypte», a souligné le gouvernement. Vendredi soir, plusieurs centaines d'Egyptiens ont protesté devant l'ambassade d'Israël au Caire contre la mort des policiers. Samedi, quelques dizaines de manifestants étaient sur place, sous la surveillance de la police militaire et anti-émeute. Certains ont brûlé des drapeaux israéliens et demandaient l'expulsion de l'ambassadeur. Si le traité signé en 1979 entre les deux pays n'est pas pour l'instant remis en cause, des voix s'élèvent de plus en plus pour demander sa révision, notamment l'ex-chef de la diplomatie Nabil el Arabi. C'est dans une atmosphère de forte tension avec de forts relents de crise diplomatique qu'est arrivé samedi au Caire l'ancien ambassadeur d'Israël en Egypte, Shalom Cohen.

Les regrets de Barak

Pour la première fois, Israël recule devant la fermeté de l'Egypte à exiger des excuses officielles pour la mort de ses policiers. Hier samedi, les responsables de la diplomatie israélienne tenaient des consultations sur la sérieuse crise diplomatique qui a éclaté avec l'Egypte, a déclaré le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères.» Il y a eu une annonce égyptienne et nous discutons de ce qui en transparaît», selon le porte-parole israélien, Yigal Palmor. De son côté, un porte-parole de l'armée israélienne a promis vendredi de mener une enquête minutieuse sur l'incident à la frontière égyptienne et d'informer l'Egypte de ses conclusions. Le directeur du département politique du ministère de la Défense, Amos Gilad, a rappelé samedi à la radio publique qu'aux yeux d'Israël la paix avec l'Egypte est «un acquis stratégique».»Personne au sein de l'armée, personne au sein des services de sécurité n'a l'intention de nuire aux soldats ou aux policiers égyptiens, bien au contraire», a-t-il assuré. Israël a attribué la triple attaque jeudi près de la frontière égyptienne à un groupe radical palestinien de Gaza, les Comités de résistance populaire (CRP), qui a démenti être impliqué dans cette offensive menée en territoire israélien, à Eilat.

Sept assaillants ont péri dans ces attaques, et, selon le ministre égyptien de l'Information, Oussama Heykal, cinq policiers égyptiens ont également été tués «sur le territoire égyptien en raison d'un échange de tirs entre les forces israéliennes et des éléments armés en territoire israélien».

De son côté, le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a seulement «regretté» samedi la mort des cinq policiers égyptiens, à la frontière avec l'Egypte, et a proposé d'»examiner» les circonstances de l'incident avec l'armée égyptienne. Il a notamment déclaré dans un communiqué que «Israël regrette la mort de policiers égyptiens lors de l'attaque à la frontière israélo-égyptienne», et a «ordonné à l'armée d'ouvrir une enquête, à la suite de laquelle seront examinées les circonstances de cet incident conjointement avec l'armée égyptienne». Les prochains jours seront très «durs» pour Israël, maintenant que le régime de Moubarak, qui a fermé les yeux sur des dizaines d'agressions sionistes dans le Sinaï, n'est plus là. Et devraient confirmer le changement de cap de la diplomatie égyptienne vis-à-vis de l'Etat sioniste.