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Siemens AG : «Nous voulons rééditer dans le solaire le succès de l'éolien»

par Ihsane El Kadi

Les ambitions de Siemens AG dans la génération de l'électricité solaire sont «visionnaires». Bernd Ulz, responsable du projet Desertec pour l'entreprise allemande, explique aux Afriques comment son groupe veut contribuer à produire 100 gigawatts d'électricité renouvelable dans le nord du Sahara? d'ici 2050.

Les Afriques : Le projet Desertec prévoit de répondre à la demande d'électricité dans la zone MENA et à 15% de la demande européenne, en 2050. Les centrales solaires seront installées au Sahara. Est-ce qu'un transport d'énergie est prévu aussi pour les pays d'Afrique subsaharienne ?

Bernd Ulz : Cela ne dépendra pas de nous, mais des Etats où seront implantées ces centrales solaires. S'ils souhaitent exporter l'électricité solaire vers l'Afrique, et pas seulement vers l'Europe, cela dépendra d'eux. Bien sûr, il y aura des paramètres de marché et de coûts de transport, mais ce scénario est parfaitement envisageable à mes yeux.

LA : Vous avez, au sein du projet Desertec, des partenaires privés de la rive sud, comme l'algérien Cevital ou le marocain Nareva. Qu'attendez-vous d'eux exactement ?

BU : Ce sont des partenaires clés pour faire avancer le projet auprès de leurs autorités. Desertec est un projet industriel privé, qui réunit diverses compétences pour rendre possible cette idée visionnaire de produire 100 gigawatts d'énergie renouvelable en Afrique du Nord. Les partenaires dans les pays où doivent se développer les champs solaires ont un rôle dans l'émergence d'un réseau de sous-traitance industriel afin que les implantations profitent au tissu économique local. Ils aident à définir les conditions de l'investissement dans cette filière. Ils contribuent aussi à sensibiliser les opinions et à faire émerger une législation incitative pour aller vers les énergies propres.

LA : Votre partenaire en Algérie, Cevital, opte pour une filière de centrale solaire que vous n'avez pas évoqué dans votre portefeuille de technologies : il s'agit des cheminées solaires, qui n'ont pas recours à la vapeur d'eau ni au sel fondu pour le stockage de la chaleur. Quel est votre commentaire sur cette filière technologique ?

BU : C'est en effet une technologie prometteuse, mais qui n'est pas encore arrivée à maturité. Les seules techniques qui ont été éprouvées dans le thermosolaire sont celle du CSP (Concentred Solar Power). Elle utilise le rayonnement solaire concentré par des miroirs pour produire de la vapeur d'eau et générer de l'électricité par turbine.

 Une centrale à miroirs paraboliques est en activité aux Etats-Unis depuis vingt ans. Siemens détient un portefeuille complet dans les équipements du CSP et compte faire progresser encore les champs solaires, en multipliant les réalisations comme celle que nous allons inaugurer à Lebrija.

LA : Il y a des spécialistes qui estiment qu'à partir de 100 dollars le baril de pétrole, le kilowatt-heure d'électricité solaire sera économiquement compétitif avec celui produit avec des hydrocarbures, est-ce l'estimation de Siemens ?

BU : Cela dépend en réalité de beaucoup de paramètres : de la nature du projet de centrale solaire, de sa taille, de son implantation. En Algérie, compte tenu du rendement solaire, oui, peut-être qu'à 100 dollars le baril, il est déjà plus rentable de produire de l'électricité solaire. Cela dépendra aussi du coût des équipements des centrales. Plus des centrales solaires seront construites et plus les économies d'échelle feront baisser les coûts de l'électricité solaire. C'est ce que nous avons réussi à faire dans l'éolien. Le coût de son kilowatt-heure a été divisé par six en dix ans. C'est ce succès que nous voulons rééditer avec l'électricité solaire.

Propos recueillis