Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La dérive comptable des groupes internationaux

par Saheb Bachagha *

Après les scandales financiers qui ont secoué quelques groupes américains lors de la dernière décennie, allant jusqu’a la mise en faillite de certains d’entre eux, les projecteurs sont de nouveau braqués sur les avantages octroyés aux dirigeants de ces groupes. Ainsi, un large débat est désormais engagé sur les stocks options.


 
Définition des stocks options

 

C’est le droit attribué a tout ou partie des salariés de souscrire ou d’acheter des Actions de leur entreprise durant une période déterminée, à un prix fixé au moment de l’offre plus précisément.

L’option permet d’acheter des actions de son entreprise, a un prix fixé une fois pour toute «le prix d’exercice» dans un délai donné (généralement 3 a 5 ans. L’option peut être «exercée» ou «levée»: quand le bénéficiaire lève son option, il achète les actions au prix d’exercice et ce quel que soit leur cour boursier ou leur prix réel. Le plus souvent, les actions sont revendues instantanément et le salarié empoche la plus-value, c’est à dire la différence avec le cours boursier. Le risque de perte n’existe pas car, en cas de baisse du cours, le salarié n’exerce pas son opinion. Il faut dire que le but de ces stocks options, était de récompenser les salariés de l’entreprise pour la performance passée, comme c’est un moyen également d’inciter ou de stimuler les dirigeants du groupe à faire davantage d’efforts pour réaliser des résultats plus intéressant, et aussi pour attirer les meilleures compétences à l’entreprise.

 

Comment est déterminé le prix d’achat d’un titre ?

 

On retient généralement comme référence, la valeur des titres au moment ou les options sont attribuées. L’entreprise peut appliquer sur cette valeur une décote ou rabais pouvant atteindre 20% maximum légal autorisé dans certains pays d’Europe et jusqu’a 35% au U.S.A.

DONC P = V - D%V

Ou :

P = prix d’exercice

V = valeur des titres au moment de l’attribution des options

D% = décote applique 20% maximum a titre d’exemple

 

Le déroulement du processus :

le schéma et l’exemple suivants nous permettent d’en rendre compte.


 
Attribution De l’option
?

exercice ou levée de l’option
?

vente des titres

 

Pour illustrer notre explication, nous allons prendre l’exemple de M. expert, dirigeant d’une société cotée en bourse, pour récompenser ce dirigeant, la société décide de lui accorder des options sur 1000 actions exerçables sur la période n 3 à n 5. Pour couvrir son engagement, la société va acquérir sur le marché 1000 actions au cours de 625 $.

Les actions correspondantes sont inscrites pour leur prix de rachat dans le bilan de la société, et elle décide d’accorder une décote de 20%. Quatre ans plus tard, l’action Vaut 800 $ M. expert exerce son option et paie immédiatement le prix convenu soit 625 - 20%) = 500$ x l000 = 500.000 $ aussitôt il revend les titres ainsi acquis en bourse (les deux opérations peuvent se dérouler le même jour. Il réalise dès lors une plus value de 300.000 $: c’est à dire (800 - 500)$ x 1000 = 300,000 $. L’opération est sans risque car si l’action côte moins de 500$ l’option est abandonnée sans pénalité.

Et ainsi la distribution d’options sur actions apparaît comme un mécanisme miraculeux capable de créer de la richesse pour les salariés et des charges pour l’entreprise et sans que tout cela ne se traduise dans les comptes de l’entreprise.

Les entreprises américaines sont très friandes de ce type de rémunération indolore mais très avantageuse pour les dirigeants. Dans certains groupes les options consenties aux principaux dirigeants se comptaient en millions et avec un rabais qui a atteint jusqu’à 35%,et il est tout à fait clair que cela va générer des sommes colossales comme charges pour l’entreprise sans que ces charges ne soient reflétées en comptabilité il existe en la matière une règle qui veut que pour un partage de richesse, ce que l’on donne à l’un il faut le prendre à l’autre. En l’occurrence l’autre correspond aux actionnaires qui se voient dilués dans leur participation au capital et par conséquent dans leur participation au bénéfice. L’opération n’est intéressante, pour les actionnaires, que si la motivation induite par la distribution d’options permet d’accroître plus rapidement le montant global des bénéfices réalisés.

Certes comptablement la difficulté principale réside dans l’absence de sortie de trésorerie dans le cas d’une distribution d’option, néanmoins le (modèle black et scholes) apporte une réponse correcte est convaincante: il propose d’inscrire en charges de personnel les valeurs des options consenties, ce choix retenu désormais par quelques grands groupes américains (dont coca cola), offre le mérite de la clarté mais aussi celui de la rigueur dans la mesure ou la distribution d’options est un avantage consenti aux bénéficiaires et que par conséquent, cet avantage doit apparaître dans les comptes de l’entreprise.

Pour l’instant, La réglementation américaine en matière de comptabilisation des stocks options reste facilement contournable. En réalité la question des stocks options est plus complexe car il s’agit beaucoup plus d’un problème idéologique. Voyons ce qui disait à ce sujet : DENNIS BERESFORD, professeur de comptabilité a l’université de Georgie, et a été le président du directoire du conseil financier des normes comptables (F A S B) entre janvier et juin 1997. pendant son mandat, le F A S B essaya de trouver une meilleure Manière de comptabiliser les coûts des stock-options florissants dans les documents financiers. «Il est difficile d’affirmer que ces coûts différents des rémunérations monétaires des salariés, ou tout autre coût affecté aux salariés», déclare BERESFORD «aussi le F A S B les a considérés comme une dépense».

Le conseil essaya de proposer une norme comptable qui oblige les sociétés à déclarer le coût des stocks options dans leurs comptes de résultat mais la tentative échoua après que les six plus grands cabinets d’audit et la majorité des compagnies américaines s’y soient farouchement opposés.

«La raison en était : une baise des résultats conduirait à une baisse des cours boursiers», se rappelle BERESFORD, en se souvenant de l’échauffourée qui conduisit finalement a l’abandon du projet. Il déclare «les dirigeants me disaient: si nous devons comptabiliser une réduction de notre résultat de 40% (c’est à peut près le coût des options), nos actions vont aussi baisser de 40%, nos options ne vaudront plus rien, et nous ne pourrons pas continuer à employer nos salariés, cela détruira la société américaine et la civilisation occidentale.» la croissance de la bourse était plus importante que l’information financière.

SMITHERS & CO. Une société d’étude économique a Londres, a publié une étude sur l’impact des stocks-options pour les salariés dans les 100 premières sociétés américaines. Voici leurs conclusions stupéfiantes :

Si ces 100 sociétés avaient comptabilisé les dépenses concernant les stocks-options dans leurs comptes de résultats, leurs résultats auraient été en moyenne inférieurs de 30% aux résultats effectivement publiés.

Pour 11 sociétés sur 100. la comptabilisation des dépenses de stock-options dans le compte résultat aurait conduit à déclarer une perte a la fin de l’année.

Le F A S B produisit finalement une norme qui donne aux actionnaires le moyen de mesurer l’impact du coût des stocks-options sur les résultats de l’entreprise, mais il faut dépouiller en détail des annexes des comptes pour trouver l’information : dans une note, les sociétés déclarent l’impact que la détention des stock-options par les employés pourrait avoir sur les résultats. Mais la norme F A S B123, autorise encore beaucoup d’interprétations. Du coup, les investisseurs ne peuvent pas être surs que toutes les compagnies valorisent leurs stock-options de la même façon.

Hormis la débâcle financière qui a emporté certains groupes américains, cette pratique existe aussi en europe. A la différence aux USA, l’ampleur des scandales financiers été plus importante et plus flagrante, en effet la bulle financière n’a pas pu résister aussi longtemps, et a fini par éclaté en France, plusieurs cabinets d’audit et de conseil recensent chaque année les pratiques comptables des 100 premiers groupes industriels et commerciaux. Ses cabinets constatent régulièrement que les comptes de ces groupes donnent peu, ou pas, d’informations sur le nombre de stock-options et leurs bénéficiaires. Dans la moitié des cas ou l’information existe, elle n’est pas identifiée sous une forme spécifique, ce qui signifie qu’on doit aller à la pêche aux informations dans le rapport annuel.

Il est regrettable qu’à ce Jour la comptabilité demeure marquée par des considérations idéologiques et de surcroît par ces géants économiques qui gèrent l’économie planétaire. Dans ces conditions quel serait alors l’avenir de la normalisation comptable internationale, on ne peut pas admettre que d’un côté on exige des pays émergents ou en transition, de faire davantage d’effort pour inculquer les principes de rigueur et de transparence et d’exhaustivité alors que de l’autre côté de la mer l’on se permet le luxe de tous ses débordements.

Je croîs qu’on a le devoir collectif de faire avec volontarisme et aussi avec bonne volonté, de la comptabilité outre sa fonction d’ordre et de preuve une référence commune. Pour pouvoir dialoguer et négocier etc... Ainsi l’approche idéologique doit céder la place a l’approche objective. Cela suppose qu’on laisse de côté la langue de bois au profit du dialogue et du compromis dans le souci du bien commun, de la confiance et du respect mutuel dans le cadre de ce que l’on appelle désormais le marche mondial.

Ainsi une réflexion s’impose sur l’opportunité de comptabiliser la valeur des options consenties et d’en assurer un suivi comptable et une publication susceptibles d’éviter les débordements parfois observés.

 


* Expert comptable et commissaire aux comptes






Télécharger le journal