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Violence urbaine: la faute à qui ? Pourquoi ?

par Belkacem Ahcene-Djaballah

On savait que la violence urbaine existait, les «déménagements» de population dans de nouvelles cités flambant neuf, mais hélas bien souvent dépourvues d'installations dites d'accompagnement, et encore plus de lieux de rencontres conviviales et de loisirs et, encore plus de moyens de transports nombreux et rapides vers les grands centres urbains, soit pour le travail, soit pour l'école et l'université, ou tout simplement pour des lieux bien plus animés, ce qui n'a pas facilité les intégrations.

Il est, objectivement, pour un jeune, si difficile de quitter son quartier d'origine, même le plus «pourri», ses camarades même les plus haïs, et ses habitudes même les plus critiquables. Le traumatisme n'est pas loin, le jeune essayant de se «retrouver» même dans des activités et des relations inhabituelles et inacceptables, l'écolier et l'étudiant délaissant leurs cahiers et leurs livres, etc.

Tous ces grands «déplacements-remplacements» ne sont pas sans effets négatifs. Car, il ne faut pas nier que dès qu'il y a départ d'une population donnée, une autre venue d'«ailleurs» va très vite la remplacer, d'autant que, bien souvent, les autorités sont bien plus braquées sur les départs et les infrastructures d'accueil essentiels que sur les lieux «abandonnés», assez vite ré-occupés.

On savait que la violence urbaine existait mais, auparavant, elle était bien contenue (dans les stades entre autres) ou combattue car se trouvant dans des lieux bien précis, répertoriés et il y avait une sorte de «code (et des hommes) d'honneur» plus ou moins respectés et respectueux des règles établies.

Hélas, depuis la décennie rouge -avec son amnistie générale des crimes même les plus abjects, ce qui n'a pas facilité les choses- ainsi que tout ce qui a suivi comme «manœuvres» politiciennes durant les deux décennies qui ont suivi, avec l'exploitation de groupes de jeunes et souvent de truands en vue de soutenir les actions politiques contre récompense (des «baltaguias»), cela va de soi, allant du cachet au casher; les traumatismes signalés mais non enregistrés, non compris et encore moins traités, ont engendré une autre forme de violence urbaine, quasi insaisissable. Elle touche aussi bien les campagnes que les villes, les villes bien plus que les campagnes, la rue et les stades, la rue bien plus que les stades (qui sont en train de gagner en respectabilité, tout particulièrement depuis les derniers Jeux méditerranéens et la Chan), les jeunes et les plus âgés, les jeunes bien plus que les plus âgés, les quartiers résidentiels comme les quartiers populaires, les quartiers populaires bien plus que les premiers.

L'exemple le plus visible est apparu récemment avec l'émergence de «gangs de quartiers». Dans notre jeunesse, on se bagarrait (sans violence brutale et sans armes sinon nos poings) pour un terrain vague devant servir aux rencontres de foot ou pour les yeux de la belle du quartier. Il y a peu, ils se livraient parfois à des batailles pour conserver ou conquérir des avantages ou des territoires, lieux de petits trafics de tous genres (parkings, ventes de produits de consommation divers). Désormais, on a la nette impression qu'ils veulent aller encore plus loin. C'est ce qui s'est passé dans une banlieue d'une grande ville de l'Est, allant jusqu'au siège d'une sûreté urbaine pour demander la libération de détenus. On avait l'habitude de voir le peuple s'exprimer librement et pacifiquement. Un héritage fabuleux de décembre 60, du moment historique au fameux cri «sept ans, barakat», en 62, d'Octobre 88 à ses débuts, du Hirak. Désormais, il y a des foules. Même pas, plutôt des groupes organisés en bandes défiant la légalité et l'autorité. La faute à qui ? Aux familles, aux fréquentations, aux programmes poubelles des télés, aux sanctions souvent disproportionnées faisant croire à une «hogra» programmée, aux «difficultés» de la vie, au manque de loisirs, à l'absence de liberté de mouvements, aux nouveaux trafics, multiples, facilement «transportables», comme celui des psychotropes ? Un peu de tout, de tout un peu. Et, surtout, pourquoi ? Avec quelques réponses, le «comment combattre le fléau» sera, assurément, un peu plus facile à mettre en œuvre.