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Comment devenir célèbre !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Le football (et le sport en général, avec la présence marquée pour certaines disciplines comme la boxe, le tennis, l'athlétisme, surtout le 100 et 1500 m) a toujours eu ses célébrités. En Algérie aussi. Certes, grâce aux fans se trouvant dans les tribunes mais aussi et surtout grâce à la presse et aux journalistes, lesquels grâce à leurs écrits ou reportages (radio et télé) ont réussi à faire ou à défaire les notoriétés, en rapportant, à leur manière, les beaux gestes, comme les plus mauvais. Parfois, un simple transfert rajoute à la notoriété déjà existante comme celle, la toute dernière, de Belaili, engagé, pour six mois, par le pourtant très modeste Stade Brestois (France), 13e au classement de la Ligue 1 française ?Uber Eats?. Le site du club comptait seulement 440 000 abonnés sur ses différents comptes sur les réseaux sociaux.

Avec l'annonce de l'arrivée de Youcef Belaili, le chiffre a bondi à plus d'un million d'abonnés (dont 900 000 sur Facebook) : ?C'est comme à Las Vegas, ça tournait tout seul?, selon le porte-parole du club. Et, la seule photo de Belaili à l'entraînement a connu plus de 120 000 ?j'aime? et 11000 commentaires. ?Un bon coup? pour Brest, mais aussi pour Belaili qui, après avoir quitté le club Qatari arrivait difficilement à trouver ?chaussure à son pied? en Europe. Il est vrai que son ?aventure? à Angers en 2017 (une seule mi-temps jouée) ne plaidait pas en sa faveur même s'il avait réussi sa CAN africaine (celle du Caire) et sa Coupe arabe.

La fabrique des célébrités, générale ou ciblée, qu'elle soit de nature journalistique ou autre est, à l'évidence, une industrie qui fonctionne à merveille et rapporte aux ?acteurs? et à leurs ?metteurs en scène?, bien souvent, de gros bénéfices. Partout à travers le monde. En Algérie aussi, puisque de plus en plus de joueurs locaux (de football), ?boostés? par l'info sportive et repérés puis pêchés par des managers de plus en plus nombreux, ont émergé, même si la réussite n'a pas été toujours au rendez-vous. Idem pour la musique, les arts et la littérature et la politique et l'économie (ceci dit tout particulièrement à partir des années 2000, certains ayant même fait appel à des ?spin doctors? ou des boîtes de com' ou des ?écrivants? étrangers ou algériens de la diaspora).

Cependant, les risques sont gros quand la réussite ou le succès, artificiels ou préfabriqués, ne reposent pas sur un talent avéré, renouvelé de manière continue (les publics sont par essence assez changeants et frivoles. Mode, quand tu nous tiens! ). Ajoutez-y, au Nord, pour les ?vedettes? issues du Sud, le rejet rapide par des publics en cas de trop grande originalité ou de faux-pas. Parfois, hélas, tout dépendant de votre ?bronzage?. On se souvient encore des mésaventures de Mami ou des expériences ratées de vedettes du foot. Benzema n'a été ?récupéré? en équipe de France de football, après une longue traversée du désert, qu'en raison des insuccès de l'attaque française qui n'arrivait pas à trouver un soutien au jeune Mbappé. Khaled est déjà oublié. Quant aux hommes politiques (ou aux décideurs très ?publics?), certains se sont vite retrouvés, les situations politiques ou économiques ayant changé, assez vite écartés (souvent non par incompétence mais plutôt par incapacité, les diplômes et le bagout sur les plateaux ne suffisant pas face aux défis du terrain) et parfois même subissant les foudres de la justice après celles de l'opinion.

Il y a quelques années, beaucoup de gestionnaires et de stratèges en communication utilisaient le bon vieux «pifomètre» pour se faire une opinion de ce qui se disait dans les médias au sujet de leurs marques, de leurs organisations et de leurs poulains. C'était «parlez-nous en mal ou en bien, mais parlez de nous !». Le nombre de communiqués de presse émis durant une année était même un indicateur de performance. C'était un peu -beaucoup même- ce qui s'était passé sous la gouvernance Bouteflika. De la pub personnalisée à tout-va. Une « starification » excessive dopée par des enrichissements sans limites et des médias ou/et des journalistes et autres « influenceurs » aux « ordres ». Bien des gros managers, surtout en économie et commerce, le payeront assez cher !

Aujourd'hui, heureusement, la réalité est tout autre. Encore que « chassez le naturel, il revient au galop ! », la célébrité faisant oublier toutes les promesses à la vedette et à ses supporteurs directs. Quant aux « coaches », l'essentiel réside dans la discrétion (et de la retenue même et surtout en temps de crise) et une bonne rémunération.